- Auteur Victor Ducrest
- Temps de lecture 5 min
Sol Invictus d’Hervé Koubi, une danse qui parle
Après les Nuits Barbares données en le 12 juillet 2018, Hervé Koubi était de retour au théâtre antique avec ses 17 danseurs pour interpréter « Sol Invictus », en avant-première mondiale à Vaison-la-Romaine.
Vu à Vaison Danses le 23 juillet 2023 au théâtre antique de Vaison-la-Romaine, le spectacle Sol Invictus d’Hervé Koubi.
Soixante minutes d’un spectacle intense pendant lesquelles tous nos sens restent en alerte dans un théâtre rempli au maximum de sa jauge. Dès à présent on sait que l’édition 2023 du Festival Vaison-Danses explose les records d’entrées.
Sol Invictus, le soleil invincible d'Hervé Koubi
Sol Invictus, un symbole
Le ballet était programmé le samedi 23 juillet. Peut-être aurait-il fallu choisir plutôt un dimanche autour du 25 décembre si l’on avait vraiment voulu respecter la tradition à la lettre ! En effet l’histoire raconte que le rituel de Sol Invictus était célébré au moment du solstice d’hiver, le dimanche « jour du soleil ». Ce culte solaire, dont la pratique remonte au 3e siècle après Jésus-Christ, avait été institué pour mettre d’accord et unifier les territoires d’un empire romain divisé dont les croyances locales étaient disparates. Vaison-la-Romaine était le lieu tout indiqué pour revitaliser cette célébration antique !
Un hip hop 3.0
Le style de Hervé Koubi a sans doute a évolué en même temps que sa troupe mais la danse reste à dominante hip hop, son inspiration principale. Ça fuse de partout, avec quelques moments de gravité et de lenteur d’autant plus solennels. On voit des sortes de derviches tourneurs tête en bas qui tournoient à en donner le vertige, on voit des performances acrobatiques à couper le souffle sans jamais effacer l’aspect esthétique et porteur de sens de la danse. S’il est deux mots pour qualifier cette création, c’est sans doute ceux d’énergie et d’inventivité. S’il est une phrase pour résumer le travail du chorégraphe : « je crée des vagues et je demande à mes danseurs de surfer dessus ».
Sol Invictus en musique
« Je choisis toujours des musiques que j’aime »
Les références musicales du ballet sont des musiques traditionnelles, des extraits de la symphonie n°7 de Beethoven, une création de Mikael Karlsson, compositeur suédois contemporain formé à la musique classique, amateur de pop et auteur de plus d’une vingtaine de musiques de ballet, des compositions de Maxime Bodson, designer sonore et de Steve Reich connu comme l’un des leaders de la musique minimaliste.
« Je ne peux pas m’empêcher de convoquer le sacré »
Quant aux costumes et aux lumières, ils contribuent à composer des tableaux qui ne sont pas sans rappeler des images bibliques. « La danse convoque forcément le sacré », cette parole du chorégraphe fait se remémorer une pensée de Béjart qui disait « Tant que la danse sera considérée comme un rite, rite à la fois sacré et humain, elle remplira sa fonction. ».
Samuel danse sur une jambe
Chez les danseurs, on identifie des personnes, des individualités. Les différences entre chacun sont là, dans l’apparence, dans les rôles tenus, dans leurs origines, dans leur passé professionnel. Elles vont loin, puisque Samuel, unijambiste, a été intégré au groupe de danseurs, ce qui en a étonné plus d’un. Et pourtant c’est à un ensemble très coordonné qu’on a à faire. Coordonné par l’unité de l’intention et par le fait que chacun trouve sa place. Là, se trouve la signature « Hervé Koubi », danseur certes mais aussi d’une certaine manière philosophe.
À propos de Samuel, à l’une des personne du public qui le félicitait d’avoir engagé une personne handicapée, Hervé Koubi raconte une anecdote : « pendant une année, on a travaillé Invictus et tout récemment il a fallu régler ce qu’on appelle les saluts. Et j’avais oublié la particularité de Samuel. Et c’est vrai qu’il fallait qu’on présente quelque chose. Il faut dire que tout au long de la création, nous avions tous oublié… »
En bas des gradins : rencontre avec Hervé Koubi
Le public ne s’y est pas trompé. Généralement les bords de scène n’intéressent pas plus un quart des spectateurs présents au spectacle. C’est la première soirée de l’histoire du festival où les trois quarts du public sont restés pour la rencontre finale avec le chorégraphe. Un signe qu’au-delà d’un simple divertissement, le message d’Hervé Koubi est bien passé : au-delà des mots, rassembler, trouver quelque chose d’universel ; créer une harmonie avec toute la diversité des composantes humaines n’est pas qu’une utopie ; savoir que la danse fait du bien.