- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 4 min
Cristiana Reali, « Simone Veil, les combats d’une effrontée »
Salle comble en ce 1er mars au Théâtre International Toursky pour ‘Simone Veil, les Combats d’une Effrontée. Cristiana Reali a choisi d’interpréter les mémoires de Simone Veil, qu’elle a adapté avec Antoine Mory, pour les planches de l’autobiographie ‘Une vie’. Un exercice difficile tant le personnage est célèbre, mais un exercice de mémoire, une source d’inspiration pour les jeunes générations, qui sonne comme un rappel dans la situation actuelle. 1h 15 durant, le public est resté suspendu aux lèvres de Cristiana Reali, sublime dans ce rôle, renversante de sincérité et de ressemblance. 1h15 d’émotion, d’immersion, dans l’histoire d’une femme hors du commun.
Vu le 1er mars au Théâtre Toursky International de Marseille, « Simone Veil, les combats d’une effrontée », avec Cristiana Reali lors de sa tournée 2022.
« Simone Veil, les combats d’une effrontée »
Un message comme une alarme
« Alors que nous avions fait le vœu, si souvent exprimé du « Plus jamais ça » nos mises en garde sont restées vaines puisque d’autres génocides ont été perpétrés.
Nous les derniers survivants nous avons le droit et le devoir de demander que le plus jamais ça de nos camarades devienne réalité. Bientôt s’éteindra complètement cette génération qui ne devait pas survivre. L’ère des témoins s’achève, notre mission à nous, survivants, est accomplie. Nous avons témoigné. »
Simone Veil, ses combats, un devoir de mémoire
« On a toutes un camp dans la tête. On est les filles de Birkenau. »
Le 30 juin 2017, Simone Veil s’éteint à l’âge de 89 ans. La politique française perd alors l’une de ses plus grandes et illustres figures. Suscitant autant l’admiration que l’affection, cette femme hors du commun s’est imposée et restera comme l’une des personnalités préférées des français. Survivante de la Shoah, de retour des camps nazis en mai 1945, son courage et sa détermination la sauvent du désespoir. Elle fonde une famille, puis entame une carrière dans la magistrature. En 1974, elle devient, du jour en lendemain, la femme politique la plus célèbre et la plus populaire, réussissant à faire adopter en tant que ministre de la Santé la loi qui porte son nom, relative à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
Cristiana Reali devient Simone Veil
"… Glissée dans un tailleur bleu profond, un foulard noué autour du cou, ses cheveux bruns tirés en arrière, elle tourne son regard au-dessus des sièges, vers un hypothétique horizon. Cristiana Reali devient Simone Veil."
Pudique, humble, elle l’était ; vibrante, passionnée, elle l’était aussi ; effrontée, revendicative, elle l’était toujours ; têtue, acharnée, elle l’était encore, effarouchée, elle le fut et blessée, le resta. Simone Veil était tout cela, et Cristiani Reali, immense dans ce rôle, ‘est’ Simone Veil. Ressemblante jusqu’aux moindres détails, aux plus petits gestes, comme cette jupe qu’on tire sur les genoux, ce port de tête, ce geste de la main…
Un repli identitaire
« La Paix est une chose fragile »
Elle avait dit : « La paix est une chose fragile ». Le monde actuel est un monde en guerre. Partout le bruit des bombes, la peur des tanks, nous n’avons pas appris du passé. La résurrection des mots, des combats, de l’abnégation de Simone Veil dans ce contexte est d’autant plus forte. La pièce a l’impertinence de nous éveiller, de nous mettre en garde car les vieux démons sont toujours à l’affût.
« Nuit et Brouillard »
« 8 à 10 trains par jour pour l’arrivée des Hongrois… La route des crématoires... Il fallait creuser pour brûler les hongroises… Il m’a fallu longtemps pour accepter que j’avais fait ça, creuser pour brûler les hongroises. »
Pour éviter le caractère écrasant du monologue, l'actrice a imaginé un dialogue virtuel posthume avec une jeune thésarde, Camille, invitée à parler de Simone Veil à la radio, lors de son entrée au Panthéon avec son mari Antoine, en juillet 2018. Une façon de poser d'emblée l'importance de la transmission. Dès que Camille évoque un souvenir, le fantôme de Simone Weil incarné par Cristiana Reali prend la parole. Musique d’orgue légère cédant la place à une musique sombre, au bruit des trains sur les rails, des lucarnes de lumière dans l’ombre, une fumée blanche, rappellent les camps, la mort, « nuit et brouillard ». Pourtant, les traits d’humour qui transparaissent dans les propos détendent les spectateurs qui rient volontiers. Le public suit avec attention le parcours héroïque de Simone Weil, mis en scène avec fluidité par Pauline Susini : son enfance heureuse à Nice brisée par la guerre, son arrestation par la Gestapo et sa déportation à Auschwitz, son retour en France - difficile - le mariage avec Antoine Veil, son action à la direction de l'administration pénitentiaire, sa nomination comme ministre de la santé en 1974, son combat pour la libéralisation de l'avortement, son rôle de présidente du parlement européen…
Droit à l’avortement, première femme présidente du Parlement européenne, c’est elle. Simone Veil a ouvert la voie aux femmes et au progrès. Je terminerai avec ses mots :
. « Le progrès l’emporte toujours. C’est long, c’est lent, mais en définitive, je fais confiance. »
La pièce se termine sur le bruit infernal des trains dans la nuit : ‘Nuit et Brouillard’.