- Auteur Jacques Jarmasson
- Temps de lecture 5 min
L’Opéra d’Avignon s’offre une réouverture ambitieuse avec Peter Grimes
L’Opéra centre ville, monument historique s’il en est, fermé depuis 4 ans pour cause de travaux (très) importants, a rouvert grandes ses portes avec l’opéra “Peter Grimes” mis en scène par son directeur en personne Frédéric Roels. Un chef d’oeuvre rarement joué et programmé pour la réouverture de cette maison d’opéra refaite tout en beauté.
Peter Grimes de Benjamin Britten a fait l’unanimité à l'Opéra Grand Avignon pour sa réouverture et débuter sa saison 2021 - 2022. Il fallait un chef d'oeuvre à part entière pour marquer les esprits de cette rentrée lyrique. Frédéric Roels, directeur de l'opéra et metteur en scène a choisi cette ouverture sous le signe de l'ambition, en programmant Peter Grimes de Benjamin Britten et en adaptant lui-même la mise en scène. Sous la direction musicale de Federico Santi et les lumières de Laurent Castaingt, les solistes comme l’ensemble de la distribution ne pouvaient rêver d’un un aussi bel écrin ! Scénographie et costumes réalisés dans l’atelier de l’opéra ont été, eux aussi des éléments majeurs pour la réussite des deux prestations. Une partie des décors a été réalisée par l’Opéra de Tours, les autres fabriqués par un atelier en Belgique.
Peter Grimes, à l'Opéra d'Avignon : ambition, émotion
Rencontre avec Frédéric Roels, directeur de l'opéra d'Avignon et metteur en scène
« Quand on est un artiste à la tête d’une institution, d’une part on comprend mieux les questions artistiques qui se posent aux autres équipes qui sont sur le projet et surtout cela crée avec les équipes techniques comme artistiques comme les chœurs ou le ballet, un rapport qui est différent, plus proche »
Jacques Jarmasson / ProjecteurTV : Difficile de ne pas évoquer cette rentrée après des travaux qui ont duré 4 longues années
Les choses sont engagées plutôt positivement, je pense qu’on va faire une rentrée normale et sereine. Pour moi c’est un très beau cadeau, d’arriver et de prendre mes fonctions avec un outil tout neuf, au sortir de cette crise sanitaire qui nous a tous terriblement affectés. Un signe fort de confiance en l’avenir précise Frédéric Roels qui a envie d’ouvrir des portes, sans faire la révolution et sans bannir les classiques, ce qui permet de garder ses repères tout en ne tournant pas en cercle fermé, parce que le monde comme les esthétiques évoluent, et nous nous devons d’accompagner cette évolution.les courants artistiques sont par nature vivants, donc évolutifs.
Faire venir les jeunes générations à l’opéra est un enjeu important, grâce à la programmation et aussi par des aspects financiers qui rendent l’accès à notre Maison très abordable pour les jeunes et leur famille. L’argument financier ne doit pas être un frein à la découverte d’un spectacle.
Peter Grimes, une mise en scène intemporelle
Cet opéra, qui n’est pas joué très souvent en France, un peu plus à l’étranger, reste néanmoins un chef d’œuvre du XXème siècle. C’est le premier de Britten, un grand opéra qui reprend un peu la posture postromantique avec une dose de modernité qui sera plus la marque de Britten dans les opéras Italiens. La force de Britten, dans tous ses opéras est une profonde connaissance de ce que la musique peut apporter au théâtre, avec notamment, une très belle interconnections entre le livret et une musique qui est complètement en phase avec ce que le texte raconte. Ce sont des œuvres très cohérentes, très puissantes avec une architecture musicale tout aussi solide. On est sur un langage musical qui emprunte à plusieurs époques de la musique, comme le romantisme, mais aussi à la période baroque particulièrement fleurissante en Angleterre au XVIIIème siècle et dont Britten se souvient dans son écriture.
La mise en scène de Frédéric Roels est plutôt intemporelle. On est dans un village de pêcheurs sur la côte Anglaise sans vraiment une époque de référence. Les pêcheurs, que ce soit à la fin du XIXème ou à la fin du XXème, restent des pêcheurs, sans grande évolution.
Vendredi 15 et dimanche 17 octobre 2021, le public de l’Opéra du Grand Avignon a été sous le charme et saisi d’une forte émotion.
Emotion d’entendre le premier opéra donné dans la salle rénovée, émotion pour sa qualité d’interprétation tant des solistes que des chœurs et de l’orchestre, émotion générée par une mise en lumière particulièrement réussie, émotion liée à l’histoire même de l’opéra de Britten.
Rares sont les soirées où les commentaires du public sont aussi enthousiastes et élogieux.
La musique de Britten, écrite en 1945, est d’un avant-gardisme saisissant, tant par la modernité harmonique que rythmique.
Il est vrai qu’avec des solistes comme entre autres, Uwe Stickert (Peter Grimes), Ludivine Gombert (Ellen Orford), et Robin Adams (Captain Balstrode), on ne pouvait s’attendre qu’au meilleur, mais il convient de souligner l’homogénéité de la distribution, dont chacun des rôles a été servi avec talent.
(Auntie Cornelia Oncioiou, First niece Charlotte Bonnet, Second niece Judith Fa, Bob Boles Pierre Derhet, Swallow David Ireland Mrs. Sedley Svetlana Lifar, Reverend Horace Adams Jonathan Boyd, Ned Keene Laurent Deleuil, Hobson Ugo Rabec.
Enfin, les chœurs occupent dans cette œuvre une place prépondérante. Les Chœurs de l’Opéra Grand Avignon et celui de l’Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie s’étaient joints pour faire honneur à une partition particulièrement exigeante interprétée par les musiciens de l'Orchestre National Avignon Provence.