- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 6 min
Orchestre National de Cannes, une saison 2022/23, Qu’on aime … à la Folie !
La folie ! C’est l’un des thèmes, avec le violoncelle et la musique russe, choisis par le splendide Orchestre National de Cannes pour sa prochaine saison, avec une innovation ‘Les Baby-concerts’. Ne dérogeant ni à l’excellence, ni au choix séduisant de leurs concerts, la saison 22/23 de l’Orchestre Symphonique de Cannes s’annonce prometteuse … Présentation par Benjamin Levy, Directeur musical.
Rencontre avec Benjamin Levy Directeur musical de l'Orchestre National de Cannes, pour la présentation de la saison 2022-2023. Une programmation sous le signe de "la folie" !
« L’éclat de folie ne serait rien sans le génie. »
Les concerts 2022-2023 au programme de l'Orchestre National de Cannes
Rencontre avec Benjamin Levy, Directeur musical de l’Orchestre National de Cannes
Très actif sur les scènes symphoniques et lyriques européennes, Benjamin Lévy a entamé sa cinquième saison de l’Orchestre National de Cannes-Provence-Alpes-Côte d’Azur qui a prolongé son contrat jusqu’en 2025.
Danielle Dufour Verna/Projecteur TV – Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?
Benjamin Levy – Bien sûr… Je suis le Directeur musical de l’Orchestre de Cannes. J’ai été nommé en 2016
DDV - Combien de musiciens pour cet orchestre symphonique que vous dirigez ?
Benjamin Levy – Il y a 37 musiciens permanents.
DDV –Quel genre de rapport entretenez-vous avec les musiciens ?
Benjamin Levy –Des rapports cordiaux faits d’exigence et de bienveillance je dirais.
DDV –Vous êtes très exigeant ?
Benjamin Levy – Il le faut, c’est mon rôle pour que la qualité augmente et qu’on travaille bien. C’est comme une équipe de football. Il faut à la fois que les gens soient bons individuellement et ensemble. C’est un travail de chaque instant. Il faut s’écouter, réagir à ce que font les autres musiciens, c’est un travail, effectivement, de chaque instant.
DDV – Vous me parlez de la prochaine saison ?
Benjamin Levy – Nous avons bâti notre saison sur plusieurs thèmes qui sont des grandes lignes directrices, un thème autour de la folie, c’est à dire des compositeurs qui, soit suggèrent la folie, soit ont eux-mêmes un psychisme un peu particulier. C’est vrai que tous ces grands compositeurs sont souvent d’une sensibilité assez maladive ou quelquefois d’une expressivité à la limite du normal. On a donc choisi plusieurs œuvres qui sous-tendent ce thème. Par exemple, il y a pas mal de choses avec Beethoven qui était non seulement un amoureux fou mais également qui avait un rapport au rythme assez obsessionnel, quelqu’un qui construit ses œuvres et ses mouvements sur quelquefois des cellules rythmiques qui se répètent, qui se répètent, qui se répètent comme une sorte de transe. Il y a un côté un petit peu fou, un petit peu névrosé chez Beethoven. On va jouer en début de saison un Concerto pour Violoncelle de Gulda, un jazzman, pianiste et compositeur. C’est un immense pied-de-nez musical où il y a du rock, de la fanfare bavaroise, une œuvre complètement dingo et géniale. L’éclat de folie ne serait rien sans le génie. Il y a une liberté folle, avec beaucoup de science, beaucoup de choses inattendues sont mêlées dans une œuvre pour orchestre. On va également jouer un Concerto pour Violon de Philip Glass, de la musique répétitive, avec un côté extrêmement carcéral dans cette musique, qui suggère vraiment une sorte d’enfermement de folie. C’est d’ailleurs la musique qui avait servi au film ‘La moustache’ d’Emmanuel Carrère, sur quelqu’un qui vraiment perd les pédales, qui devient fou. Ce qui est assez remarquable dans ce film, c’est qu’il n’utilise de bout en bout, comme musique de film, que ce concerto. Et d’autres compositeurs encore.
DDV – Et le projet ‘Croisette années folles’…
Benjamin Levy – oui, notre projet ‘Croisette, années folles’. Effectivement, il y a un rapport ! Je n’y avais pas pensé, mais c’est la folie douce, là !
DDV – Folie et génie, c’est très ressemblant ?
Benjamin Levy – Oui, bien sûr ! Tous les grands génies sont un peu fous et certains fous ont du génie, pas tous. Cela c’est un premier thème sur la folie. Un deuxième sur le violoncelle parce qu’on fait un focus chaque année sur un instrument. Il y a de grands violoncellistes, Anastasia Kobekina, Victor Julien-Laferrière, Edgar Moreau.
« Le maire de Cannes partageait comme nous ce sentiment que les artistes, les compositeurs et les soldats, ça n’avait rien à voir »
Et un thème aussi qui sous-tend notre saison, c’est la musique russe. On voulait faire depuis longtemps un focus sur certaines pages iconiques de la musique russe. Avec les évènements en Ukraine, on s’est demandé comment ce serait perçu, finalement on a décidé, avec l’aval du maire de Cannes, de le faire. Lui-même partageait ce sentiment que les artistes, les compositeurs et les soldats, ça n’avait rien à voir et nous n’avons donc pas changé d’un poil notre programmation. Nous avons donc de très belles pièces russes.
DDV – Il y a dans le programme un ballet ‘Un momento di Felicità’…
Benjamin Levy – C’est un projet, une collaboration avec le Pôle National Supérieur de Danse Rosella Hightower. C’est encore en chantier. On fera ça à partir des musiques de Nino Rota. On avait fait un grand concert sur la plage à Cannes avec plein de musiques de Nino Rota à l’occasion du centenaire de la naissance de Federico Fellini. Nous étions les seuls en France à recevoir le label Fellini à l’occasion du centenaire.
DDV – Et au niveau fréquentation des concerts ?
« Une classe, une œuvre »
Benjamin Levy - Depuis la saison dernière, sur une idée commune à Jean-Marie Blanchard et moi, on a commencé à faire beaucoup plus de concerts dans notre salle à La Bocca et, à ma grande surprise, le public vient énormément même si c’est un endroit excentré de Cannes mais en même temps c’est un quartier que la municipalité tient à développer. En fait, on refuse même souvent du monde. On a de nouvelles séries de concerts qui ont commencé cette saison, des concerts courts, d’une heure, avec un principe de partage, de convivialité et aussi de pédagogie joyeuse avec trois concepts différents qui plaisent énormément. L’année prochaine nous essaierons une nouvelle série de concerts en plus de ces trois-là, les baby-concerts, pour les tout-petits. Nous avons également des dispositifs à destination des écoliers, collégiens, lycéens avec, chaque année, une classe d’école primaire filleule. Le dispositif s’appelle ‘une classe, une œuvre’. A l’occasion de la création d’une œuvre contemporaine, le compositeur vient dans la classe et la classe filleule nous suit toute l’année.
DDV – Une dernière question, quelle est votre conception du bonheur ?
« Moi qui suis un grand anxieux, quand je fais de la musique, je ne le suis pas car je ne pense qu’au moment présent. »
Benjamin Levy – Ma conception du bonheur, c’est le moment présent. Les choses qui nous empêchent d’être heureux, ce sont soit les regrets du passé, soit la peur de l’avenir.
DDV – Et le moment présent, c’est automatiquement en musique ?
Benjamin Levy – Je ne sais pas s’il doit se faire automatiquement en musique, mais ce qui est formidable dans la musique, c’est qu’on est tellement concentré sur le moment présent et sur éventuellement les deux, trois mesures qui vont venir, qu’on a une impression de bonheur éternel. Moi qui suis un grand anxieux, quand je fais de la musique, je ne le suis pas car je ne pense qu’au moment présent.