- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 11 min
Un Festival Hiératiquement exubérant – ‘Mars en Baroque’ du 1er mars au 3 avril 2022
« Venez, car vous aurez une émotion que vous n’aurez jamais ailleurs. Jean-Marc Aymes»
Sur un thème éminemment baroque ’Mort et Transfiguration’, avec, 12 concerts, 16 lieux, 12 Préludes, 5 conférences, 2 rencontres, 3 Master Class, un Directeur artistique à l’écoute, une équipe soudée, du 1er mars au 3 avril 2022, Mars en Baroque propose une programmation ambitieuse, riche et variée : fastes baroques, magnificences tragiques, sublimes métamorphoses.
Cette 20e édition de Mars en Baroque, du 1er mars au 3 avril 2022, ‘hiératiquement exubérante’, concorde avec le 30e anniversaire de l’Ensemble Concerto Soave et le bicentenaire du Conservatoire National Supérieur de Marseille. Voilà qui promet un merveilleux voyage au sein du baroque… et bien au-delà. Mars en Baroque, festival de musiques baroque, qui investit Marseille est ‘’le rendez-vous d’artistes enthousiastes de toutes générations avec un public avide de musique, d’art, de rêve et d’évasion.’’
Mars en Baroque, du 1er mars au 3 avril 2022
« La musique, que ce soit en l’écoutant ou en la pratiquant, c’est une clef vers le rêve, vers l’évasion, vers quelque chose qui nous transcende et qui nous élève. »
Jean-Marc Aymes est le Directeur artistique du Festival Mars en Baroque, également Directeur artistique de l’ensemble Concerto Soave et claveciniste. Il dirigera, dans le cadre du Festival édition 2022, le somptueux opéra La Dafne de Marco da Gagliano au Théâtre National de la Criée le 17 mars ainsi que le Requiem de Jean Gilles, le 26 mars à l’Abbaye de Saint Victor, Requiem à la beauté des lignes mélodiques et à la richesse harmonique délicieuse.
Nous l’avons rencontré.
Rencontre avec Jean-Marc Aymes, directeur artistique
Projecteur TV/Danielle Dufour Verna –Bonjour Jean-Marc Aymes. Merci de nous accorder cette interview. Le festival Mars en Baroque se déplace cette année dans plusieurs lieux culturels, une vingtaine environ. Cette diversification des lieux est importante pour le Festival ?
Jean-Marc Aymes – Oui, on essaie de faire une sorte de maillage dans Marseille.
Danielle Dufour Verna – Parlez-nous du programme du Festival Mars en Baroque 2022. Pourquoi ce thème de ‘Mort et Transfiguration’ ?
Jean-Marc Aymes –Le thème est venu de ce projet de faire l’opéra de Dafne de Gagliano qui est une histoire tirée des Métamorphoses d’Ovide, une histoire de transfiguration et aussi du Requiem de Gilles qui est la plus belle Messe des Morts baroque. Gilles était un compositeur de la région puisqu’il a fait son apprentissage à Aix-en-Provence, puis est parti à Toulouse et est mort très jeune. C’est un compositeur qu’on veut défendre puisque c’est un compositeur issu de la Provence. Les artistes que nous avions invités nous ont proposés des programmes et nous avons donné ce thème-là de Transfiguration, effectivement, également, pour le croisement entre musiques actuelles et musiques baroques. C’est aussi un thème qui est présent dans la musique baroque en général. Et cela a suscité des programmes nouveaux.
DDV – A part son Requiem, c’est malheureusement un compositeur peu connu
Jean-Marc Aymes –Son Requiem en effet est très connu, lui, l’est un peu moins. D’abord parce qu’il est mort jeune et a donc produit assez peu. Sa Messe des Morts est très connue car elle a servi à de nombreuses reprises, en particulier pour l’enterrement de Louis XV, l’enterrement de Jean-Philippe Rameau.
DDV – Parlez-nous du choix du programme du festival Mars en Baroque 2022. Il s’est construit de quelle façon ?
Jean-Marc Aymes – Il y avait un certain nombre d’artistes que nous voulions absolument inviter comme Le Poème Harmonique de Vincent Dumestre, le Ricercar Consort, un ensemble belge, des jeunes artistes également. On leur a proposé cette thématique et j’ai choisi parmi les propositions qu’ils nous ont faites.
Le soutien des jeunes artistes, ADN du Festival Mars en Baroque
DDV – Il y a une grande ouverture vers les jeunes. Plus que d’habitude ?
Jean-Marc Aymes –Pas plus que d’habitude. Cela fait partie de notre ADN. Nous voulons nous adresser à tous les publics. Nous soutenons énormément de jeunes artistes. Pour le dernier week-end par exemple, ce sont de jeunes artistes qui vont venir, le CNSMD de Lyon, l’Ensemble La Palatine, la jeune pianiste Irene Gonzàlez Roldàn.
DDV –Il y a des concerts qui se font au Conservatoire National Supérieur de Marseille qui fête son bicentenaire.
Jean-Marc Aymes –Nous avons des partenariats avec eux depuis plusieurs années à travers des Master Class ou à travers des concerts. Cette année ils ont proposé un mini-festival à l’intérieur du festival. Cette thématique de ‘Mort et Transfiguration’ se dessinera, à la fois à travers des concerts de professeurs, mais aussi des concerts d’élèves, ce qui est très bien aussi. C’est une nouvelle approche, un approfondissement de la connaissance de ce répertoire.
DDV – La diversité, vous la recherchez dans les lieux, dans le public, dans les artistes…
Jean-Marc Aymes – Oui, on essaie d’aller dans de nouveaux lieux comme l’Eolienne. On est souvent allés à la Friche de la Belle de Mai, des lieux qui ne sont pas forcément destinés à la musique classique, encore moins la musique ancienne mais où on peut toucher un public différent, plus jeune, qui a plutôt tendance à aller vers d’autres musiques.
DDV – Dans la religion chrétienne, la Transfiguration, c’est le changement glorieux survenu sur le Christ. Y aurait-il un changement, si ce n’est glorieux, mais créatif, un souffle brillant dans l’organisation et le choix du programme de cette 20e édition du festival ?
Jean-Marc Aymes – Plus glorieux et plus brillant, je ne sais pas. En tout cas, c’était notre 20e édition et le 30e anniversaire de l’ensemble et nous avions à cœur de faire un festival vraiment important, qui soit rayonnant. On ne va rien transfigurer mais on va essayer de rayonner au maximum dans Marseille pour le public marseillais et un public plus vaste qui vient maintenant d’un peu partout.
DDV –Monteverdi, naturellement, clôt cette édition 2022 du festival Mars en Baroque. C’est votre compositeur préféré ?
Jean-Marc Aymes – Je n’ai pas vraiment de compositeur préféré parce que tous les compositeurs ont écrit des choses merveilleuses. C’est vrai que c’est une œuvre incontournable ‘Vêpres pour la Vierge’ qu’on n’avait pas eu l’occasion de donner dans le Festival. A la fois c’était bien de finir avec ce monument qui transfigure le langage de son époque. Monteverdi a vraiment transfiguré le langage de son époque. Et c’est un projet de jeunes étudiants, de jeunes artistes en voie de professionnalisation. C’est un double plaisir, à la fois l’œuvre et joué par de jeunes artistes.
DDV –Le public suit le festival de plus en plus il me semble
Jean-Marc Aymes – Oui le public suit très bien. On s’est bien implantés. On a un rayonnement média très satisfaisant. En général, on fait le plein. Je conseille d’ailleurs de réserver au plus vite.
L'opéra la Dafne de Gagliano ... C’est l’histoire de Dafne qui, pour échapper aux ardeurs d’Apollon, demande à son père de la transformer en laurier
DDV - Parlez-nous de la Dafne de Gagliano
Jean-Marc Aymes - la Dafne de Gagliano est un des premiers opéras, créé en 1608 à Mantoue, la même année que l’Arianna. Il ne nous est parvenu que ce magnifique Lamento d’Arianna. Le reste est malheureusement perdu. C’est l’histoire de Dafne qui, pour échapper aux ardeurs d’Apollon, demande à son père de la transformer en laurier. C’est un opéra très divertissant. Le livret d’Ottavio Rinuccini est magnifique. Tous deux étaient Florentins mais la production a été créée à Mantoue. Au théâtre de la Criée, ce sera très facile de suivre. En plus nous le donnons sous une forme un peu spatialisée avec un double orchestre, des déplacements… un très joli spectacle.
DDV –Vous avez inséré dans le programme une soirée de bienfaisance dans le cadre de Mars Bleu. Plutôt atypique pour un festival non ?
« Un festival qui s’étend sur tous les champs du social, c’est très important pour nous. »
Jean-Marc Aymes – C’est très atypique mais nous avons aussi des collaborations avec l’APHM, donc nous allons dans les hôpitaux. Pour cette soirée, c’est un partenariat que nous avons depuis pas mal d’années maintenant. On fait toujours un évènement à l’intérieur du festival. Eux font ‘Mars Bleu’ qui est la sensibilisation pour le cancer colorectal. Ils ont mis au point un test qui évite souvent les coloscopies. Ils font en général un marathon et plusieurs actions de sensibilisation. Depuis quelques années, on fait une soirée commune où il y a une mini-conférence pour la sensibilisation au dépistage et un concert que nous offrons aux partenaires qui seront là et aux gens qui viendront, pour sensibiliser tout le public à ce dépistage qui peut éviter énormément de décès, d’hospitalisations, etc. On s’étend vraiment dans tous les champs du social. C’est très important pour nous.
DDV – Vos conférences sont très importantes également
Jean-Marc Aymes – Oui, parce que c’est quelque chose qui donne aussi des clefs au public pour à la fois mieux écouter le concert, comprendre l’esthétique. Il ne faut pas avoir peur de venir à ces conférences en pensant que ce sera technique etc. Pas du tout. Nous invitons toujours des gens qui ont envie de communiquer leur enthousiasme, des gens qui ont vraiment envie de faire découvrir des œuvres.
DDV – Ce qui permet de mieux les appréhender
Jean-Marc Aymes – Et qui permet, tout à fait, de mieux les appréhender. Cela, c’est très important.
DDV –Que diriez-vous de plus à nos lecteurs pour donner encore plus envie de venir à ce Festival ?
Jean-Marc Aymes – On est à une époque où on a peu d’occasions de rêver de s’évader. Pour moi, la meilleure manière de s’évader, de voir autre chose, d’entendre autre chose, c’est d’aller au théâtre, au cinéma même si malgré tout c’est un art mort, mais surtout d’aller aux concerts. C’est un art vivant, on va rencontrer des artistes, on va avoir une émotion qu’on ne pourra jamais avoir en écoutant un CD ou en regardant un film. On est en contact direct avec des êtres humains qui font de la musique, qui font de l’art. C’est très important, aussi, de soutenir ces performances et ces spectacles vivants. Je leur dis : « Venez, car vous aurez une émotion que vous n’aurez jamais ailleurs. »
DDV –Les prix sont attractifs ?
Jean-Marc Aymes –Les prix sont très attractifs. Il y a énormément de choses gratuites. On pratique une politique tarifaire vraiment très basse.
DDV – La particularité du festival Mars en Baroque 2022 ?
« En général, quand on fait des soirées comme celles-là, le public ne sort pas indemne. »
Jean-Marc Aymes – Je vous parlais de ce Requiem de Gérard Gilles. Il y aura en plus quelque chose de très important, du Bossuet, qui sera déclamé par un immense acteur, Benjamin Lazar. Il a fait un travail phénoménal sur la manière dont étaient déclamés dans les théâtres, les textes à l’époque baroque. ‘’Le sermon sur la Mort’’ de Bossuet est un texte très prenant. En général, quand on fait des soirées comme celles-là, le public ne sort pas indemne. Cette édition, je pense, va connaitre des moments tout-à-fait forts et uniques.
Il faut dire au public de venir, de ne pas hésiter à pousser la porte d’un théâtre, d’une église, parce qu’ils vont passer une soirée tout à fait unique. Je pense qu’ils n’oublieront jamais.
DDV – La musique, c’est aussi la culture du bonheur ?
Jean-Marc Aymes – Cela dépend de ce qu’on entend par bonheur. En tous cas, la musique, que ce soit en l’écoutant ou en la pratiquant, c’est une clef vers le rêve, vers l’évasion, vers quelque chose qui nous transcende et qui nous élève.