- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 4 min
Opéra de Marseille : Una Donna del Lago enchanteresse
La Donna del Lago - Opéra de Marseille - Pour l'anniversaire des 150 ans de la disparition de Rossini - Version concertante .
Quand l’opéra de Marseille décide de programmer, pour les 150 ans de la mort de Rossini et pour la première fois, ‘la donna del lago’, partition qui peine encore à fédérer les grandes maisons européennes, il vise juste. En fin connaisseur, le public marseillais, non seulement n’a pas boudé les représentations, mais a ovationné les chanteurs et les musiciens. Dans cet opéra où le livret n’a qu’un intérêt relatif, la version concert magnifie les arias. Fi des grands décors de forêts luxuriantes ou de cours d’eau féériques. Toute l’attention se porte sur la voix et c’est à un véritable hymne au bel canto auquel nous assistons.
Rossini, qui a vécu très longtemps, n’a composé pour l’opéra que pendant un laps de temps relativement réduit, de 1810 à 1829, avec une grande facilité et une rapidité plus grande encore. On sait qu’il utilisait la technique du ‘copié-collé’ (des thèmes déjà utilisés qu’il remettait dans d’autres opéras), mais dans la Donna del lago (1819), tout le matériel musical est totalement inédit. Dans la tradition de l’opéra italien, une distinction se fait entre l’opéra seria et l’opéra buffa, genre de comédie destiné à cette époque à un public plus populaire, qui retranscrit surtout des scènes de vie et des scènes du quotidien des spectateurs, moins conventionnel que celui de l’opéra seria. Ce dernier représente de grands héros mythologiques, dans l’esprit du 18e siècle, et surtout une écriture conventionnée et règlementée, avec alternance entre le récitatif –passage où l’on fait avancer l’action- et les arias –là où l’on suspend l’action au profit d’une introspection sur les sentiments du personnage, une pose dans la narration dramatique. Pour ‘La Donna del lago’, on est dans ce schéma d’opéra seria avec de grands airs dédiés aux chanteurs. Rossini y maintient une grande tradition vocale héritée du bel canto du 18e. Cet opéra inscrit, bien que d’une manière très nuancée, l’opéra italien dans le romantisme. Ce ne sont pas les partitions tragiques de Donizetti ou de Belli, mais c’est un premier pas franchi dans l’opéra romantique. Rossini maintient tout de même une grande tradition vocale héritée du bel canto du 18e.
D’un point de vue purement musical, la Donna del lago constitue l’une des partitions les plus passionnantes du genre seria de Rossini. Les airs sont magistraux, d’une virtuosité absolue et toujours alimentée par une exigence permanente d’un soutien de la ligne de chant. L’orchestre prend une place importante. Tout en se refusant une représentation ‘réaliste’, Rossini présente une partition empreinte d’une couleur locale, d’une atmosphère immédiatement identifiable, à la fois magique, mélancolique et brumeuse. Certains instruments, notamment le cor ou la harpe, certains rythmes typiquement écossais, mais aussi les scènes chorales illustrent une coloration ossianique, totalement singulière dans l’écriture musicale de Rossini, ce qui ajoute à l’intérêt de cette partition. La donna del lago fait partie de toute cette série d’opéras appelés les opéras napolitains de Rossini, créés pour le San Carlo de Naples, grande scène italienne de l’époque. Fasciné par la voix d’Isabella Colbran, immense chanteuse mezzo, qu’il épousera par la suite, Rossini écrit des rôles sur mesure pour cette prima donna, diva absolue : grandes scènes d’entrée et grandes scènes de sortie, dédiées à la performance vocale du chanteur. Ce n’est pas le cas dans cet opéra. L’air d’entrée est assez intime, surprenant car nouveau dans l’écriture de Rossini. Mais le grand air de fin, le Rondo d’Elena, s’inscrit dans la tradition du bel canto du 18e siècle, hérité de la tradition baroque. Pour cet opéra, Rossini a l’idée de mettre en coulisses une fanfare, que l’on retrouve ce soir, trompettes et cors accompagnant l’action, avec un effectif très important dédié à cette fanfare qui représente l’esprit de chasse et l’esprit guerrier inscrits dans la partition.