- Auteur Marie Celine SOLERIEU
- Temps de lecture 5 min
La Bohème à l’Opéra de Toulon – Une version concertante envoûtante
Véritable envolée lyrique pour la dernière représentation concertante de La Bohême de Puccini dans ce magnifique Opéra à l’italienne de Toulon ! “Une initiation à la vie d’artiste et à ses nombreuses embûches qui mêle jeunesse, précarité, amitié, amour, maladie et mort, plus que jamais d’actualité.”
Vu le 4 février 2022, La Bohème à l'Opéra de Toulon, en version concert du chef d’œuvre de Puccini.
Si la version concertante ne donne place qu’à la voix et à la musique, Adriana Gonzalez (soprano), sublime Mimi, et Davide Giusti (tenor), bouleversant Rodolfo, ont enthousiasmé le public. Accompagnés de Mariam Battistelli (soprano), ensorcelante Musetta, de David Cecconi (baryton), parfait Marcello, et sous la baguette magique du chef d’orchestre Valério Galli, tous ont su faire jaillir les images que le décor et la mise en scène, absents pour raison sanitaire, imposent habituellement aux spectateurs, sans oublier Schaunard Jean-Luc Ballestra , Colline Federico Sacchi, Benoît / Alcindoro François Harismendy, l’Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Toulon.
Incontestablement, le talent était au rendez-vous !
La Bohème, à l'Opéra de Toulon, une version concert envoûtante !
« Je ne connais personne qui ait décrit le Paris de cette époque aussi bien que Puccini l'a fait dans la Bohème. (Claude Debussy) »
La Bohème de Puccini, une histoire d'amour avant tout
La Bohème est l'une des œuvres musicales les plus importantes de Giacomo Puccini. Elle se compose de quatre actes, appelés "scènes". Le livret a été écrit par Luigi Illica et Giuseppe Giacosa, inspiré par le roman d'Henri Murger "Scènes de la vie de bohème" de 1851. L'opéra a été créé le 1er février 1896 au Teatro Regio de Turin. La Bohème raconte l'histoire d'amour entre Mimi et Rodolfo entremêlée d'épreuves de la vie, telles la précarité, la maladie, la mort, autour d'une histoire d'amitié entre quatre artistes.
Adriana Gonzalez, sublime Mimi
« Lorsque cette fille, pour laquelle j'ai travaillé si dur, mourra, je voudrais qu'elle laisse le monde moins pour elle, et un peu plus pour ceux qui l'ont aimée. »
Puccini a refait l'acte IV quatre fois et a écrit ces mots: « Lorsque cette fille, pour laquelle j'ai travaillé si dur, mourra, je voudrais qu'elle laisse le monde moins pour elle, et un peu plus pour ceux qui l'ont aimée.» Et il a ajouté :
« Lorsque j'ai trouvé ces accords lents et sombres et que je les ai joués au piano, j'ai été tellement ému que j'ai dû me lever et, au milieu de la salle, je me suis mis à pleurer comme un enfant. J'avais l'impression d'avoir vu mourir une de mes créatures ».
Adriana Gonzalez, fabuleuse Mimi, aurait ému Puccini aux larmes. Elle est Mimi, cette créature timide, modeste et sentimentale, au visage aristocratique, aime l'amour pour l'amour. De son corps malade se dégage une plus grande émotivité de son âme sensible et délicate. Elle était tendrement aimée, caressée, soignée. Adriana Gonzalez sert Puccini si fidèlement qu'elle laisse au moment de sa mort, le public de l'Opéra de Toulon, dans un sentiment d'impuissance et d'injustice.
Davide Giusti, impressionnant Rodolfo
Davide Giusti, ténor, se forme au Conservatoire Giovanni Pergolesi à Fermo où il étudie le chant, puis il se spécialise à l'Accademia di Santa Cecilia à Rome avec Renata Scotto. C’est un spécialiste de Puccini qu’il a chanté (Rodolfo) au Bolshoi à Moscou, à Varsovie, à Bâle en Suisse. Nei cieli bigi guardo fumar dai mille comignoli Parigi, est le leitmotiv de Rodolfo. Pour le portrait complet de l'amant romantique, il faut attendre la rencontre avec Mimì et sa grande aria - en fait deux arias liées. Nous entendons ce rugissement de sentiments, d'extase passionnée, pleine de tendresse dans : Che gelida manina, l'une des mélodies les plus pures et les plus parfumées que Puccini ait jamais imaginées. Le Rodolfo de Davide Giusti est assuré, clair, prenant ; une grande et belle voix !
Valerio Galli, une direction d’orchestre inspirée
Sous la direction de Valerio Galli, chef principal de l’Orchestre symphonique de l’Opéra de Toulon, la partition redouble d’ardeur mélodieuse.
Puccini n'aurait pas été Puccini s'il n'avait pas immortalisé les derniers instants de Mimì avec l'une des mélodies les plus inspirées qui soient sorties de son "être" de poète et de musicien. 'Sono andati’ est l'incarnation de la tristesse, avec sa ligne vocale descendant d'une octave à travers tous les degrés de la gamme jusqu'au do grave du soprano, assombrie par le doublement des violoncelles et soutenue par les sanglots d'accords funèbres. Il répète ensuite ce thème pénétrant dans l'épilogue orchestral. Juste à la fin de l'opéra, où il explose dans tout l'orchestre avec toute sa force. Introduit par des accords de cuivres, il s'abat sur le public comme une lame de guillotine. Après la vibrante mélodie en do mineur, Mimi, avec ses dernières forces, chante la phrase ardente : "Sei il mio amor". À mesure que la vie la quitte, la musique devient plus transparente et plus ténue. Elle est ensuite réduite à un chuchotement lorsque la jeune fille évoque sa première rencontre avec Rodolfo, lors de cette lointaine nuit de Noël. À ce moment, l'orchestre répète la phrase "Gelida manina", avec des couleurs d'une beauté incorporelle.
Un fin sidérante de cette version concert de La Bohème à l'Opéra de Toulon
Tout au long du dernier phrasé chanté ‘Mimi’ de Rodolfo, criant son désespoir devant la mort de sa bien-aimée, Adriana Gonzalez, immobile, restera la tête inclinée, ses cheveux couvrant son visage. Un moment d’une intensité dramatique sidérante et brillante.
Adriana Gonzalez, chanteuse lyrique internationale née au Guatemala, est une magnifique soprano qu’on découvre avec bonheur dans le registre de Mimi.
Une découverte d'artistes qui, par ailleurs, s'inscrit dans la volonté de l'Opéra de Toulon.