- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 9 min
Éblouissante fin d’année à l’Opéra de Toulon : La Chauve-Souris de Johann Strauss
« La Chauve-souris, c’est l’histoire d’une fête. »
Les spectacles, tous styles confondus, que Claude-Henri Bonnet, Directeur général et artistique de l’opéra de Toulon, a sélectionnés pour cette saison 21/22, obtiennent l’approbation totale d’un public chaleureux. Paillettes et grande musique pour les fêtes de fin d’année ! L’Opéra de Toulon a choisi d’augurer 2022 dans le rythme et la joie, avec une opérette on ne peut plus enthousiasmante : ‘la Chauve-souris’ de Johann Strauss fils. Rencontre avec Jean Lacornerie, le metteur en scène.
Pour clôturer sa saison 2021 l'Opéra de Toulon vous invite à découvrir un pétillant chef-d’œuvre, la Chauve-souris les 26, 29 et 31 décembre. Trois représentations d'une opérette à ne pas manquer pour se divertir avec insouciance et légèreté bienvenues en cette fin d'année !
La Chauve-Souris à l'Opéra de Toulon
«Une pièce française à l’origine»
Si la valse, comme le champagne, fait tourner les têtes et chavirer les cœurs, c’est avec la Chauve-souris, chef-d’œuvre de l’opérette viennoise, qu’elle foule les scènes des théâtres et des opéras du monde entier. On dit que Johann Strauss, qui la créa en 1874, le fit dans des moments de transe et d’excitation, d’où, peut-être l’ouverture endiablée, extraordinaire pot-pourri des plus beaux thèmes de cette composition. C’est dans le magnifique écrin de cet opéra classé monument historique que Jean Lacornerie a mis en scène la Chauve-souris. Né à Strasbourg, ce jeune metteur en scène et directeur de théâtre est spécialisé dans le théâtre musical et l’opéra. Il s’investit par ailleurs particulièrement dans le champ de la comédie musicale. Nous l’avons rencontré à l’occasion de la représentation de cet opus à l’opéra de Toulon.
Jean Lacornerie, metteur en scène
Danielle Dufour Verna/Projecteur TV – Merci de m’accorder cette interview pour Projecteur TV. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Jean Lacornerie – Je suis un metteur en scène qui travaille beaucoup dans le champ de la musique. J’ai commencé en fait par faire du théâtre mais je suis très vite passé dans le champ de la musique. Je viens de mettre en scène une comédie musicale à Lyon qui s’appelle ‘The Pajama Game’, puis aussi l’opéra et l’opérette.
DDV – Vous avez déjà travaillé avez l’opéra de Toulon ?
Jean Lacornerie – Non, c’est la première fois. En fait, c’est une production qui vient de Rennes, créée à l’opéra de Rennes et reprise ici pour notre plus grand bonheur. On l’a jouée à Rennes pendant le confinement, sans public, pour les caméras seulement. C’était capté pour la télévision, c’était bien, mais on n’a pas eu le plaisir de le jouer devant le public.
DDV – Toulon est un bel opéra, qui se prête à cette mise en scène
Jean Lacornerie – Oui, une très belle salle. Comme on savait qu’on allait jouer ici, tout était prévu pour que le décor s’adapte absolument à la scène de l’opéra de Toulon.
DDV – C’est la première fois que vous mettez en scène ‘la Chauve-souris’ ?
Jean Lacornerie – Oui, absolument, c’est la première fois.
DDV – Comment avez-vous réussi à traduire la dimension onirique de l’œuvre ?
« Une narratrice pour un effet de décalage, d’étrangeté »
Jean Lacornerie – La Chauve-souris est une opérette où il y a beaucoup de dialogues. En réalité, c’est entre l’opéra et l’opérette. La musique est d’ailleurs très proche de l’opéra. J’ai fait une espèce de déréalisation du dialogue. J’ai choisi une comédienne formidable, Anne Girouard. En fait, c’est toutes les voix des personnages.
DDV – Vous la connaissiez ?
Jean Lacornerie – Oui, je la connais. On a déjà fait plusieurs spectacles ensemble. En fait, je l’ai connue quand elle sortait de l’école. J’avais mis en scène le spectacle de sortie de promotion de l’école de l’Infat à Lyon. On se connait donc depuis longtemps. La narration donne un léger décalage qui introduit un petit effet d’étrangeté. En fait c’est la musique qui a un arrière-plan magnifique. Il y a tout un imaginaire dans cette musique. Mon travail de metteur en scène là-dessus, c’est d’essayer de déployer un peu, donner une résonance à cet arrière-plan qui pour moi fait partie du lyrisme, de l’imaginaire.
DDV – La mise en scène des opéras permet souvent de les transposer à une époque moderne. Est-ce différent pour une opérette ?
Jean Lacornerie – On peut le faire pour tout. Ce n’est pas ce que j’ai cherché à faire. C’est une œuvre qui raconte un moment historique assez précis qui est le début du déclin de la grande filiation austro-hongroise. Je trouve que c’est important de le laisser dans cette époque-là. Ce qui est intéressant, c’est que la pièce a été adaptée par Strauss, mais c’est une pièce, à l’origine, française. Une pièce de Meilhac et Havély. Je suis revenu un petit peu à la pièce d’origine, à certains moments, pour redonner un peu l’origine française de la pièce. En fait, une partie de la Chauve-souris, c’est une traduction en allemand de la pièce française. Au lieu de retraduire le texte allemand qui n’est que la traduction du texte français, je suis revenu tout simplement au texte français. Plutôt que d’avoir la photocopie de la photocopie, on préfère avoir l’original.
DDV – Qu’avez-vous voulu mettre en exergue dans cette mise en scène ? Des difficultés ?
Jean Lacornerie – Ce que j’ai voulu mettre en exergue, c’est une énergie, une célébration, le plaisir de faire la fête. La Chauve-souris c’est l’histoire d’une fête. Mais j’ai voulu à la fois déployer cette énergie et en même temps, laisser une petite nostalgie derrière ça, avoir les deux registres. Je n’ai pas vraiment trouvé de difficultés. C’est un grand chef-d’œuvre et comme tous les grands chefs-d’œuvre ce sont eux qui vous portent et pas nous qui les portons.
DDV – La Chauve-souris est une œuvre troublante par ses mouvements vertigineux de quiproquos, de danses et de festivités. Comment avez-vous réussi à conjuguer tout cela en gardant de la clarté ?
Jean Lacornerie – Justement, c’est grâce à ce personnage de narrateur, narratrice, qui rend très claires les situations. On les comprend très bien. C’est vrai que c’est une pièce très compliquée. Il y a beaucoup de quiproquos etc. L’intervention de ce personnage permet de rendre les choses assez claires. D’autant plus qu’Anne Girouard joue en français, le reste de l’œuvre est chanté en allemand.
DDV – Les gens en fin d’année ont sans doute plus besoin de costumes d’époque, du côté festif
Jean Lacornerie - Ils les auront.
DDV – la Chauve-souris, au fond, c’est une œuvre satirique.
« Une satire de la bourgeoisie, de la noblesse d’argent. »
Jean Lacornerie – Oui absolument. C’est une satire de la bourgeoisie, de la noblesse d’argent en fait. C’est effectivement l’ambition etc. C’est sûr. Mais je pense que ce que je trouve beau dans la Chauve-souris, c’est que finalement, la musique amène quelque chose de plus noble que cette petite bourgeoisie un peu mesquine. Mais les deux peuvent coexister. Il y a des choses drôles dans cette satire. Il faut garder le côté léger de tout ça. C’est une œuvre légère. Il ne s’agit pas du tout de la rendre plus sombre qu’elle n’est.
DDV – Vous vous êtes amusé à mettre cette œuvre en scène ? Vous avez passé du bon temps ?
Jean Lacornerie – Oui, absolument, c’est une musique qui porte. En plus, on a une distribution de chanteurs de premier ordre qui connaissent très bien cette œuvre. Avec eux, qui apportent une grande connaissance de l’œuvre, on prend plaisir à travailler.
DDV – Beaucoup de danse, naturellement
« Six danseurs sur scène »
Jean Lacornerie – Oui, c’est l’aspect musique viennoise. Tout le charme en fait de cette musique qui porte à la danse. Sans arrêt on est entrainé dans le bal, la polka, on est sans arrêt dans le mouvement. J’ai travaillé avec un chorégraphe et six danseurs qui sont présents sur scène.
DDV – Après l’engouement qu’on peut facilement prévoir à l'Opéra de Toulon, cette Chauve-souris sera jouée ailleurs ?
Jean Lacornerie –Elle sera reprise à Rennes beaucoup plus tard.
DDV – Qu’espérez-vous pour cet opéra et pour le futur de l’opéra ?
Jean Lacornerie – Qu’il rencontre son public. Il faut que les gens n’aient pas peur de venir au théâtre, c’est ce qui est important. Il y a un public magnifique partout.
DDV – Les Français aiment beaucoup l’opéra, en fait.
Jean Lacornerie – Bien sûr. C’est tout à fait conjoncturel, les salles ont toujours été pleines. Il n’y a que trois représentations de la Chauve-Souris dans ce magnifique opéra de Toulon, il ne faut pas les manquer.
Informations pratiques, réservations, billetterie du spectacle "La Chauve-souris" à l'Opéra de Toulon
Dimanche 26 décembre : 14H30
Mercredi 29 et vendredi 31 décembre : 20H00
Tarifs : de 5 à 72 € - Réveillon de 14 à 99 €
Opérette en 3 actes de Johann Strauss II (1825-1899)
Livret de Richard Genée (1823-1895) et Karl Haffner (1804-1876)
d’après Le Réveillon d’Henri Meilhac (1831-1897) et Ludovic Halévy (1834-1908)
Création : Vienne, Theater an der Wien, 5 avril 1874
Coproduction Opéra de Toulon, Opéra de Rennes, Angers-Nantes Opéra, Opéra Grand Avignon
Chanté en allemand, surtitré en français
Durée : 2H15
Distribution :
Direction musicale Yoel Gamzou
Mise en scène Jean Lacornerie
Chorégraphie Raphaël Cottin
Scénographie et costumes Bruno de Lavenère
Lumières Kévin Briard
Dramaturge Katja Krüger
Rosalinde Eleonore Marguerre
Ida Veronika Seghers
Adèle Claire de Sevigné
Prince Orlofsky Tamara Gura
Le narrateur/Frosch Anne Girouard
Gabriel von Eisenstein Stephan Genz
Franck Horst Lamnek
Dr Blind François Piolino
Alfred Miloš Bulajić
Dr Falk Thomas Tatzl
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Toulon