- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 9 min
Hercule, L’Hydre de Lerne : Philippe Schoeller – Marie-Josèphe Jude & l’ensemble Musicatreize
Rencontre avec Philippe Schoeller, compositeur de la pièce pour piano et voix “Hercule, L’Hydre de Lerne”. Un concert création pour voix et piano avec l’Ensemble Musicatreize et Marie-Josèphe Jude, sous la direction musicale de Roland Hayrabedian.
L’Ensemble Musicatreize, centre national d’art vocal à Marseille, dirigé par Roland Hayrabedian présente un concert de musique française avec une création de Philippe Schoeller sur la figure d’Hercule et L’Hydre de Lerne, Sept chansons a capella de Francis Poulenc (poèmes d’Éluard et Apollinaire) et La Naissance de Vénus de Gabriel Fauré, dont on célèbre le centenaire de la disparition en 2024. Ce concert est présenté à Draguignan (Pôle Culturel Chabran) le mercredi 13 mars à 20h et le jeudi 14 mars à la Salle Musicatreize (Marseille) à 20h.
En marges des compositions musicales, Les Douze travaux d’Hercule se déclinent en une série de gravures de Toni Casalonga. Elles seront exposées le 14 mars à la Salle Musicatreize, en présence de l’artiste. Une collection de vidéos du plasticien Marc de Pierrefeu est également accessible en ligne sur youtube.
Hercule, L’Hydre de Lerne, concert création pour l'ensemble Musicatreize
Rencontre avec Philippe Schoeller, compositeur de la pièce pour piano et voix
« Je peins avec les oreilles »
Pour le compositeur français Philippe Schoeller la musique est l’art suprême. Amateur d’art, conquis dès son plus jeune âge par la peinture, « Je peins avec les oreilles » dit-il. L’Hydre de Lerne, sa prochaine création, pour un chœur mixte et un piano, est somptueuse. Ni électronique, ni orchestre mais douze voix simplement et l’extraordinaire Marie-Josèphe Jude au piano.
« Pour exister il faut en rendre compte à treize milliards d’années-lumière de construction de la vie, de l’être » .... « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, l’homme continue de détruire mais pourtant il y a des tas d’êtres humains qui s’intéressent à la magie du monde. »
Philippe Schoeller, qui êtes-vous ?
Philippe Schoeller – J’ai 66 ans et je suis compositeur depuis 50 ans. J’écris de la musique pour tous les instruments qui existent, du piano solo au grand orchestre. Je compose aussi des matériaux avec des machines pour inventer des instruments. J’ai trois ou quatre éditeurs. L’édition de la musique aujourd’hui est une question difficile. Chaque partition peut prendre d’une semaine à deux ans de travail, cela dépend de l’effectif. Il y a environ 150 à 160 partitions à mon catalogue. Il n’y en a peut-être aucune de valable mais j’avance. Ma philosophie est qu’en avançant, on fait ce que l’on fait et advienne que pourra.
Le mercredi 13 mars 2024, vous serez à Draguignan et le 14 à Marseille avec Marie-Josèphe Jude et l'ensemble Musicatreize pour votre dernière création ‘Hercule et l’Hydre de Lerne’. Pourquoi Hercule, pour sa dimension intemporelle ?
« Le 6 août 1945 le monde a basculé dans une autre dimension »
Philippe Schoeller – Roland Hayrabedian, pour qui j’ai de nombreuses fois partagé plusieurs créations, m’a appelé pour participer à ce festin des douze travaux d’Hercule avec onze autres compositeurs et un projet qui vient de leur initiative, très louable car peu d’interprètes s’investissent dans la création aujourd’hui. J’ai demandé si je pouvais disposer d’un choix parmi les douze travaux et j’ai choisi l’Hydre de Lerne qui, surtout, transpose cette question de l’homme qui combat contre lui-même et contre les autres avec cette infinitude d’obstacles de têtes qui repoussent. Faire la guerre, faire la paix… Faire la guerre est une chose implicite à l’être humain, je n’ai jamais vraiment compris pourquoi mais c’est ainsi. Le mythe est tellement extraordinaire, ce combat de l’homme contre quoi ? Pourquoi se bat-il tout le temps ? Le 6 août 1945, le monde a basculé dans une autre dimension. Il s’est passé des choses depuis cet évènement et j’ai beaucoup plus la sensation d’être né dans cette nouvelle civilisation qui a déterminé la possible destruction de la planète avec des énergies du soleil qui devraient normalement nous transformer en paradis terrestre et qui s’est transformé en enfer le 6 août 1945. Cela pourrait être le 13e travail d’Hercule… je ne sais pas !
Le compositeur, surtout s’il a votre talent donc votre visibilité, doit-il également avec sa musique, en plus de la beauté, éveiller les consciences ?
Philippe Schoeller – En musique, on peut avoir le talent qu’il veut, si on ne travaille pas la connaissance de mille ans de répertoire de notre tradition occidentale. Si vous ne vous intéressez pas non plus à comprendre, à sentir les musiques extra européennes de tradition savante orale, ce n’est même pas la peine d’essayer de composer. En Europe, on a quand-même conservé un petit peu de prestige, nous sommes des alpinistes de très haut niveau.
Mais vous semblez très impliqué dans cette lutte permanente que nous avons obligation de faire pour l’humanité…
« Le sentiment d’émerveillement ne m’a jamais quitté »
Philippe Schoeller – Oui, bien sûr ! Pour moi, ce n’est même pas une question de volonté ! Même si on a subi dans sa vie des épreuves qui peuvent vous rendre maussade, aigri, désenchanté, le sentiment d’émerveillement ne m’a jamais quitté. J’essaie humblement de témoigner avec la musique de ce que je ressens de la beauté, du miracle du vivant. C’est, pour moi, une chose inexplicable à laquelle je ne me suis jamais habitué tellement c’est miraculeux. J’ai mis du temps à comprendre mais je le formulerais comme cela. Et j’aimerais bien en témoigner parce que ce sentiment d’amoureux infini, non pas de la vie mais du fait simplement d’exister en tant que matière organisée de centaines de milliards d’atomes qui a conscience, qui s’intéresse par nature aussi bien à l’astrophysique qu’à la philosophie. C’est ma nature, je suis comme cela. Il y a une forme de devoir, c’est vrai, donc un axe politique de ne pas céder au cynisme, au désenchantement, mais pas d’une façon morale. La lumière m’a toujours plus passionné que la non-lumière. Il faudra qu’on m’explique ce qu’est la non-lumière parce que pour y accéder, il faut être vivant. Le néant, le rien au sens du cynisme, la négativité perverse, tout ce qui est la question de la destruction dont est capable l’homme, ça ne m’intéresse pas !
Ça ne m’intéressera jamais parce que c’est ridicule ; parce que pour penser le mal, il faut exister et pour exister il faut en rendre compte à treize milliards d’années-lumière de construction de la vie, de l’être. Je ne suis pas dans le non-être, dans la complaisance, je n’y arrive pas. Même si on est en face de gens cyniques, horribles, méchants, il n’y a rien à faire, ça ne m’intéresse pas ! J’aimerais bien que les gens qui vivent dans des pays comme les nôtres se rendent compte qu’il y a, pas des artistes, des voyants qui se consacrent à des choses qui n’ont aucun prix parce que l’art n’a pas de prix, il a une valeur infinie, que c’est irrationnel, qu’il n’y a pas de sous-titre. On va en concert, il n’y a pas besoin de traduction. Il y a mille ans d’histoire sous nos latitudes. Avec l’Hydre de Lerne, on va essayer d’écouter des sons, d’écouter ensemble une histoire qui a deux mille ans. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, l’homme continue de détruire mais pourtant il y a des tas d’êtres humains qui s’intéressent à la magie du monde.
On dit de votre musique qu’elle est lyrique, qu’elle privilégie l’expression poétique, l’exaltation des sentiments et des passions, ce qui est d’ailleurs très adapté à Hercule. Peut-on également qualifier le texte que vous avez composé sur ce texte de lyrique. Si oui, l’avez-vous voulu à la manière dont chantée avec la lyre dans l’antiquité ?
Philippe Schoeller –Absolument. C’étaient les vestales, les oracles de Delphes, des rituels où la voix traduisait de la présence d’un monde autre que visible. Quant au lyrisme, il faut l’entendre vraiment alphabétiquement. C’est-à-dire que le principe du lyrisme, c’est le souffle, c’est la continuité, quelque chose de permanent qui relie les choses entre elles, la recherche de mouvement, d’énergie ou de silence.
Renseignements, réservations, concert création Hercule, L’Hydre de Lerne - Ensemble Musicatreize
Ensemble Musicatreize+ Salle Musicatreize
53, rue Grignan
13006 Marseille
+33 (0)4 91 00 91 31
Programme :
Concert voix et piano
Ensemble Musicatreize
Marie-Josèphe Jude, piano
Roland Hayrabedian, direction
Hercule, L’Hydre de Lerne Philippe Schoeller (2024)
Création pour chœur mixte et piano Texte de Philippe Schoeller Commande de Musicatreize
Sept chansons a cappella - Francis Poulenc (1936)
La Naissance de Vénus - Gabriel Fauré (1883)
Texte de Paul Collin
Scène mythologique pour soprano, mezzo-soprano, ténor et baryton soli, et chœur mixte.
mercredi 13 mars 2024 - 20h
Pôle Chabran, 660 Bd John Kennedy, 83300 Draguignan
jeudi 14 mars 2024 - 20h
Salle Musicatreize, 53 rue Grignan 13006 Marseille