- Auteur Victor Ducrest
- Temps de lecture 4 min
« Gloria » de José Montalvo, un hymne à la différence
Le festival Vaison-Danses, qui existe dans la capitale voconce depuis 1996, a passé le cap de la pandémie covidienne avec une distribution prestigieuse pour son édition 2022. En haut de l’affiche, figurent cinq noms représentatifs de la danse de spectacle actuelle : Montalvo, Merzouki, Carlson, Pietragalla et Malandain. À 69 ans, c’est la toute première fois que José Montalvo, le grand chorégraphe de l’utopie, participait au festival de Vaison-Danses avec son dernier spectacle « Gloria », une production pour seize danseurs et danseuses, que le public du théâtre antique attendait avec plaisir et curiosité.
Lors de sa tournée, le chorégraphe José Montalvo s'est invité au Festival Vaison Danses 2022 à Vaison la Romaine, pour présenter son spectacle de danse "Gloria".
« Rassurons-nous, tout va mal; tout est foutu, soyons joyeux ; la joie de vivre est infinie", tel est le credo, tenant parfois du paradoxe, de José Montalvo, « choréeauteur » de « Gloria » dont le titre peut résonner comme une prière liturgique ou comme le prénom d'une héroïne de BD.
L'histoire de Gloria, racontée par José Montalvo, auteur et chorégraphe
Arriver au sommet de son art, un défi
Beatriz Santiago, Fran Espinosa
Le ballet commence comme un film avec arrêt sur image pendant lequel chacun des danseurs raconte les obstacles ordinaires qu'il a rencontrés pour accéder à la pratique de son art et la fierté de les avoir dépassés. Comme pour Beatriz Santiago, à qui il avait été reproché d'avoir de gros seins, ce qui déclenche dans la troupe une séquence explosive de danse seins nus. Ou comme Fran Espinosa, dont on avait déprécié la corpulence, et qui se révèle un fantastique danseur de flamenco. Toutes ces histoires personnelles portées sur la scène sont criantes de vérité.
Gloria : danse classique, flamenco, danse africaine, hip-hop
« Dansons, sinon, on est foutu » Pina Bausch
Le spectacle se poursuit sur un mode décalé et très fluide par le croisement sans frontières de tous les genres habituellement cloisonnés : la danse classique, le flamenco, la danse africaine, le hip-hop. Le comique et le tragique se côtoient dans un décor de fond, fait d’une très belle fresque animée où symboliquement l'Apocalypse et l'Arche de Noé servent de référence à une réflexion sur le monde comme il va. Au total un féminisme sans acrimonie, un écologisme sans agressivité, une critique de notre nombrilisme sans méchanceté, c'est ce qu'a applaudi sans réserve un public bienveillant.
Danser comme un homme, danser comme une femme, danser seins nus en rugissant, danser pour être vivant, parce qu’un jour sans danser est un jour perdu. Voilà ce que défend le maître du mouvement et du rythme, en reprenant une phrase empruntée à la chorégraphe Pina Bausch : « Dansons, sinon, on est foutu ».
Les jeunes danseurs de l'école de cirque de Vaison-la-Romaine
Pour finir, de manière festive, la troupe de Gloria a intégré sur la scène de l’imposant théâtre antique de Vaison-la-Romaine les jeunes danseurs de l'école de cirque locale dans une battle mémorable. « Un spectacle qui fait du bien », commentait simplement une spectatrice.
Biographie de José Montalvo en quelques notes ...
La danse, un langage universel
José Montalvo est né en 1953 en Espagne côté Méditerranée, mais il a grandi en France dans une famille cultivée de réfugiés politiques : son père était architecte et sa mère danseuse professionnelle de flamenco. « Je suis venu à Carcassonne à l’âge de huit ans et ma mère organisait des fêtes, par exemple au moment des vendanges. C’était pour moi des moments d’émotion très forts. Il y avait des Carcassonnais, mais aussi des Italiens et des Marocains. Chacun faisait son numéro. Moi, j’étais extrêmement timide et ce mélange m’a toujours fasciné. »
Après ses études secondaires, il commence des études d’histoire de l’art et d’arts plastiques à Vincennes, marqué par ce qu’il a appris de l’architecture post moderne , et de l’idée de mélanges. « En danse, mélanger les pratiques, c’est sauver quelque chose d’universel. On peut parler le catalan, le français, l’espagnol… La danse, elle, est un langage universel qui vient de la nuit des temps et qui permet ce mélange des sensibilités et des imaginaires. »
Parallèlement à ses études universitaires, Montalvo a travaillé aux Ballets modernes de Paris, créés en 1955 par Françoise et Dominique Dupuy tous deux chorégraphes, pédagogues et « artisans de la danse ». L’idée était d’ouvrir la danse à un plus large public, à de nouveaux lieux, à de nouvelles formes, bref de construire quelque part un « Avignon » de la danse. C’est pour lui une expérience qu’il met d’une certaine manière au même plan que ses rencontres avec Alwin Nikolais ou Merce Cunningham.
On connaît la suite : la création de la Compagnie Hervieu-Montalvo en 1988, la direction du Centre chorégraphique national de Créteil (1998-2009) après Maguy Marin (1985-1998) et avant Mourad Merzouki (2009-2022), le Théâtre national de Chaillot jusqu’en 2016 et enfin la Maison des Arts et de la Culture de Créteil.
José Montalvo est de ceux qui pensent que bal et ballet ont une même origine sémantique et que la frontière entre le populaire et le savant est parfaitement poreuse. Il n’est pas le premier à casser ce cloisonnement : Mozart et Chaplin l’ont fait avant lui. « Tous les grands créateurs s’inspirent des mouvements populaires » et Montalvo n’échappe pas à cette assertion.