- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 5 min
Au théâtre Toursky, le théâtre au-delà des frontières. “Acta non est Fabula”
La Covid 19 et les mesures sanitaires ont durement impacté les théâtres. Le Théâtre Toursky, dans le quartier Saint Mauront à Marseille, est un fleuron de la culture à Marseille et ailleurs. Le public est en manque, comme le sont tous les acteurs du théâtre vivant. Nous avons rencontré Richard Martin, directeur flamboyant, qui impulse depuis toujours, aujourd’hui plus encore, force et passion à son théâtre.
Reprise en force au Théâtre Toursky, la compagnie Richard Martin exporte son talent de Marseille à Saint Pétersbourg.
Inventif, résistant, fraternel, Richard Martin réussit, bafouant Covid et lettres mortes, à fédérer les saltimbanques au-delà même des frontières. Si les dernières paroles de l’empereur Auguste, à son lit de mort, furent ‘Acta est fabula’, expression avec laquelle, dans le théâtre antique on annonçait la fin de la représentation, pour Richard Martin, pour le Théâtre, pour la culture en général : Acta non est Fabula, la représentation n’est pas terminée !
Le théâtre Toursky au-delà des frontières
Master class en visioconférence avec Saint-Pétersbourg
Le contact n’est pas rompu :
Richard Martin entame pour la deuxième année un cycle de master class. Elles ont lieu, du 5 au 9 décembre 2020, de 13 h à 16 h, par visioconférence avec le Théâtre Académique d’Etat de Saint Pétersbourg, dirigé par Madame Svletana Lavretsova.
Danielle Dufour-Verna – Projecteur TV – Bonjour Richard. Parlez-nous de ces master class.
Richard Martin - Ce sont des master class comme j’avais fait l’année dernière au festival et, cette fois-ci, à cause de la Covid, je n’ai pas pu y aller. J’ai donc trouvé cette solution pour que nous puissions travailler avec les élèves de l’année dernière et les inviter à venir faire un spectacle au théâtre durant le festival russe 2021. Je vais suivre l’évolution de leur travail. Ce sera un spectacle musical et poétique qui fera une partie des soirées cabaret. Ils se préparent à cela. C’est en fait la poursuite du travail avec cette jeune compagnie qu’on a baptisée au cours des dernières master class : « La troupe de la Petite Cuillère ».
DDV - Pourquoi ce nom ?
Richard Martin - On avait fait des masters class sur la peur au théâtre ; ça a débordé. On a parlé de la peur en général, des différentes inquiétudes, du courage, de la résistance etc. Ils m’ont parlé d’un film où des gens qui étaient prisonniers ont passé tout le temps de leur enfermement à creuser un tunnel avec une petite cuillère pour s’échapper. Ils ont réussi, en fait, à s’évader, deux jours avant la fin de la guerre, en ayant creusé un tunnel avec une petite cuillère ! Cette histoire de résistance m’avait plu et nous avons décidé que la compagnie s’appellerait « La petite cuillère ».
DDV - C’est une troupe que vous avez créée l’année passée…
Richard Martin - Oui, avec ces dix élèves, on a créé une troupe russe. Ce sont des gens d’environ 25 à 40 ans, qui sont déjà acteurs confirmés du Théâtre Académique d’Etat de Saint Pétersbourg. J’y avais joué, l’année précédente, « La mémoire et la mer », avec l’orchestre philharmonique de Saint Pétersbourg. J’étais donc retourné pour des master class et nous avions pris date pour continuer notre aventure ensemble et la Covid nous a perturbés. C’est la directrice de ce Théâtre d’Etat qui a trouvé une façon pour continuer nos relations et notre travail en faisant une cellule de vidéo conférence.
DDV - Parlez-moi du Théâtre Toursky
« On continue dans les coulisses à garder la lumière allumée »
Richard Martin - Pour l’instant, on profite de ces congés imposés par la pandémie pour refaire les travaux d’accueil du public. On a réaménagé la cafétéria, le piano-bar, l’accueil et l’espace Léo Ferré. On a pris les pinceaux, on a repeint les loges, on a fait les planchers, on fait tout pour améliorer au maximum. Il y a des gens qui continuent leurs résidences, leurs répétitions. Moi, je vais faire ces master class. On continue dans les coulisses à garder la lumière allumée en attendant que les choses s’améliorent. Je pense que tout cela reprendra vraiment force et vigueur début janvier. Naturellement, des grosses tournées ont été annulées. On a trouvé un système particulier pour que le public, si ces spectacles ne reviennent pas, ne soit pas perdant. Sur la saison prochaine, plusieurs spectacles ont été reportés. Le public en sera informé. Les choses maintenant seront plus faciles car on aura la billetterie en ligne. Les gens pourront prendre leur place directement par internet.
« L’affirmation de la paix est le plus grand des combats » (Jean Jaurès)
Nous résistons. Rien n’a bougé de la vigueur et de notre volonté de faire savoir que le travail des saltimbanques est fondamental, que ce n’est pas non essentiel. Il faudrait peut-être revoir un peu la façon de parler aux gens car je crois que ce n’est pas nous qui nous trompons, ce sont eux. La parole de Jaurès s’applique à tout : « L’affirmation de la paix est le plus grand des combats ». Je crois qu’il faudrait réfléchir là-dessus. Je pense que dans tous les domaines, si on a cette phrase dans la tête, on peut revoir nos copies.
DDV - Pouvez-vous me donner votre définition du bonheur ?
Richard Martin - Je pense que le bonheur, ça n’existe pas. Il y a des moments de bonheur. Il y a des moments d’amour, des moments d’amitié, il y a des moments et il faut savoir les saisir. Je ne sais pas. Ou le bonheur, c’est tout simplement respirer, si on est un peu perspicace.