- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 4 min
Antoine Le Menestrel, “Le petit Prince” de la Descension
« Je suis un ‘folambule’, un fou poétique qui déambule. » Antoine le Menestrel, Le petit Prince qui danse sur les partitions de façades … Spectacle au Château de Gordes du 21 juillet 2022, à l’initiative de la tournée Mosaïque 2022 d’Arsud.
L’un des plus beaux villages de France, Gordes, est un village perché sur son rocher, sublimé par les siècles et le travail de l’homme. A son sommet, l’imposant Château de Gordes, classé aux Monuments Historiques, accueille des expositions toute l’année et devient ainsi un espace dédié à l’art sous toutes ses formes. En ce mois de Juillet 2022, sa façade s’est parée de couleurs métissées de musique, qu’un danseur aérien, poète, Antoine Le Menestrel, a fait vibrer jusque dans le cœur des spectateurs éblouis.
Antoine Le Menestrel en descension du Château de Gordes
Danseur, Chorégraphe, poète, à la Cie Lézards Bleus
En 1992, Antoine Le Menestrel crée avec Frank Sherrer, un ami grimpeur, ‘La Compagnie Lézards Bleus’, des spectacles de danse façade hybrides qui participent à la transformation des regards portés sur les espaces urbains et naturels. Chaque spectacle est une recréation unique pour une partition architecturale spécifique et un contexte humain particulier. C’est donc une équipe de quelques 20 à 30 personnes qui travaillent en direct pour une heure et demie de spectacle.
Au Château de Gordes, une histoire de Descension poétique
Une rencontre entre la danse, les arts de la rue, l’escalade, et l’acrobatie
Antoine le Menestrel dévoile sur les murs une voie poétique, dont le sommet est le public. L’architecture est la partition du danseur de façade. Par sa présence solitaire, il donne l’échelle humaine. C’est un allumeur de rêves. Avec son sifflet, il interpelle et fait sonner la cloche du rassemblement poétique. Dans un corps à corps avec les façades, face au vide, l’artiste s’abreuve de l’énergie qu’il trouve dans les lézardes de la pierre, cette pierre qui lui parle et crée avec lui une histoire, une danse poétique au plus près de la pierre, en descension sur la façade du Château de Gordes.
Des mots habités d’univers « La descente est une nécessité »
Pour échapper à la dictature du haut, car notre langage imagé polarise le haut positivement et le bas négativement (ex une rencontre au sommet etc.) Antoine le Menestrel démontre que la descente est une nécessité. Poète, il l’est jusqu’au bout et le spectacle devient message d’humanité. Il devient important de créér des nouveaux mondes, et pour créer des nouveaux mondes, il faut créer des nouveaux mots. Antoine le Menestrel veut être un inventeur de mots : ‘une Accordiste’ (qui accorde les cordes pour faire chanter les murs), ‘folambule’, parce qu’il est un fou poétique qui déambule, des mots pour créer un nouveau regard sur le monde, des mots habités d’univers. C’est un parcours qui commence au sommet et finit au sol, une danse avec la partition architecturale, un aller-retour entre le lieu et son imaginaire. C’est une volonté politique, poétique, poélitique de raconter une histoire de descension, poétiser ce mouvement que l’on a oublié. L’artiste prend la décision de redescendre. Ce choix est un acte fort. L’ascension demande un effort qui peut remplir un cœur d’homme, mais la descension, c’est comme une respiration, comme le dit Camus, c’est le temps de la conscience.
C’est une solitude dans le monde, un peu comme une planète et Antoine le Menestrel voit le monde à travers sa planète qui rencontre d’autres planètes, comme le petit prince qui passe de planète en planète, qui est seul et fait des rencontres. Au-delà de son histoire, il révèle le monde autour de lui.
« Je suis l’échelle humaine dans une dimension minérale »
Pour l’artiste, danser sur la façade du château de Gordes est un rêve. Un rêve réalisé grâce à Arsud, dans le cadre de la Tournée Mosaïque 2022, à son équipe, aux élus et aux services sociaux de la ville de Gordes. Un rêve fait de solitudes qui se rencontrent. Son inspiration, il la prend auprès des super héros de la hauteur qui sont aussi des hommes seuls et veulent sauver le monde, que ce soit le Petit Prince, le Pierrot lunaire, Roméo, le Père Noël ou Tarzan, que ce soit Icare, Prométhée ou Zeus. Sa partition en façade n’est pas un challenge sportif. Il place des cordes qui vont lui permettre de sécuriser des lignes de vie, lui donner de l’espace pour danser et mettre en valeur le spectacle.
« On a besoin de poésie ancrée dans le monde qui nous amène à voir le monde différemment. Les artistes sont là pour inventer des nouveaux mondes »
Pas de valorisation du sommet. On ne parle jamais, dit-il, de ce mouvement de retour. Citant ‘La République’ et Platon : « Quand le philosophe monte dans le monde des lumières, il ressort de sa grotte et il lui faut redescendre sur terre pour affronter les difficultés terrestres ». La mission d’Antoine Le Menestrel, aujourd’hui, est de parler de ce mouvement. Aujourd’hui, dit-il, il faut incarner son corps, incarner notre terre. L’issue de secours n’est pas là-haut….
Alors, comme les milliers de spectateurs qui ont admiré ces prouesses, laissez-vous aller au rêve, en redescendant sur terre.