- Auteur Victor Ducrest
- Temps de lecture 4 min
Une Alice taïwanaise surprenante à Vaison Danses
Pour sa troisième représentation au théâtre antique, le festival Vaison-danses a invité la compagnie taïwanaise B.DANCE dirigée par Po-Cheng Tsai, élu « chorégraphe de l’année 2018 » par le magazine allemand Tanz. À l’affiche et en première européenne, le ballet Alice était dansé par les sept danseurs et les huit danseuses de la troupe.
Alice – B-Dance – Vaisons Danses 2023 ©AA
Vu à Vaison Danses le 19 juillet 2023 au théâtre antique de Vaison-la-Romaine, Alice, de la Compagnie B-Dance, du chorégraphe Po-Cheng Tsai.
On en attendait des merveilles, et cela a été vrai pour beaucoup de spectateurs. D'autres ont été quelque peu déconcertés, désenchantés, ce qui peut interroger sur l'idée que la danse est « une langue universelle, un langage du corps compris de tous ».
Alice, Compagnie B-Dance - Po-Cheng Tsai
Po-Cheng Tsai, au pays de Lewis Carroll
Après les versions d’Alice au pays des merveilles données par le Royal Opera House en 2014 ou plus récemment par Amir Hosseinpour et Jonathan Lunn à l’Opéra du Rhin, le chorégraphe taïwanais, formé à l'université nationale des arts de Taipei, a lu Lewis Carroll avec sa propre sensibilité extrême-orientale. Pendant 55 minutes, on entre dans son univers fantastique, guidé par un lapin qui a plutôt la forme d'un grand insecte aux longues antennes flexibles capables de se transformer en cœur pour signifier « je vous aime ». On retrouve tableaux et personnages du roman avec une stylisation particulière qui synthétise des mouvements et des postures de la danse contemporaine, du hip hop, des arts martiaux, du Kung Fu, du tai chi, de la danse folklorique chinoise, ce qui donne un caractère original à cette création et accentue sa dimension insolite. Le ballet est accompagné par la musique du Sound designer Rockid Lee, compositeur connu notamment pour sa bande originale du film d'horreur Incantation (2022). Et sur un écran de quinze mètres de large en fond de scène, se déploie une vidéo conçue par Po-Chih Chang qui fonctionne comme un décor animé.
Des avis controversés
Charlotte n'a pas aimé
Elle s'est ennuyée, a trouvé un peu ridicules les costumes d'Alice et de la reine de cœur, coiffées d'un casque en plastique rigide, habillées d'un tutu à panier et chaussées de chaussettes à mi-mollet. Bref, elle ne s’est pas retrouvée dans ce ballet qu’elle a ressenti comme violent notamment par sa musique.
Anne a adoré
À l’inverse, Anne s’est éclatée. Elle a particulièrement apprécié l’esthétique générale de la proposition taïwanaise, de cet univers qui relève à la fois de la féerie et du manga japonais sans trahir l’esprit de Lewis Caroll. « Les incongruités du costumes féminin font partie de l’enchantement que j’ai éprouvé ; la musique m’a paru totalement intégrée au projet ; et le rythme parfois lent de la chorégraphie, qui me paraît aller contre les habitudes de la danse contemporaine est fait pour me séduire ». C’est dire qu’il faut sans doute lâcher prise pour se laisser porter par ce qu’on voit et ce qu’on entend, et laisser place aux libres associations sans nécessairement se poser la question de la compréhension.
Un projet international de danse
À l’évidence, la prestation de cette compagnie indépendante n’a pas laissé indifférent le public. Alice laisse augurer de nouvelles créations qui nous étonneront, d’autant que la Compagnie a lancé un projet B.OOM : un projet pionnier qui transcende les frontières.
Par là, B.DANCE souhaite créer une plateforme qui renforce les échanges culturels sur la scène internationale de la danse. « De nos jours, les artistes peuvent facilement voyager dans le monde, où ils peuvent rencontrer d'autres artistes de différentes disciplines, partager entre eux et apprendre des autres aussi. B.OOM crée non seulement une plate-forme transparente pour les échanges interculturels, mais offre également aux artistes de danse internationaux la possibilité d'accroître leur visibilité sur la scène de la danse orientale ».