Publié le 26/12/2020

Récolte du diamant noir ou cavage de la truffe noire, le précieux rituel de l’hiver en Provence

Les fêtes de fin d’année sont là ! Avec elles revient la haute période de la récolte de la Truffe du Périgord dans le sud-est de la France, dite cavage. La truffe est un champignon extrêmement particulier, prisé par les plus fins gourmets, dont la formation en terre a passionné nos époques depuis l’Antiquité. Une immersion inédite en images dans la récolte de la truffe sur le territoire des Alpes-de-Haute-Provence.

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Les Truffes du Périgord, truffes noires, sont récoltées, comme le nom ne l'indique pas, dans le sud-est de la France entre le mois de novembre et le 15 mars de l'année suivante. Notre présence sur le territoire nous donne l'avantage de découvrir de près les techniques traditionnelles d'observation et de cavage de ce "diamant noir".

Les truffes

Il est courant de dire que la truffe, la rabasse en provençal, est un champignon souterrain. Elle est plus exactement le fruit d'un appareil végétatif correspondant au mycélium, formé de filaments généralement blancs et ramifiés. En fait ce que nous cueillons n'est que le fruit du champignon ! Sous terre donc, hypogée, la truffe se creuse entre la surface du sol et 20cm de profondeur environ. C'est, pour ainsi dire, le seul champignon souterrain, avec le Terfez, appelé abusivement "Truffes des sables", que l'on trouve sur le pourtour méditerranéen.

Par son aspect, la truffe est de forme arrondie mais parfois irrégulière en raison du terrain. Elle est généralement de la taille d'une noix ou d'un œuf. Son poids le plus courant se situe entre 20 grammes et 100 grammes mais il arrive de caver des truffes de 200 à 500 grammes. Certaines prises exceptionnelles ont même été supérieures au kilo.

Hyphae
Mycélium © TheAlphaWolf

La symbiose mycorhizienne

Bien que végétal, le champignon est dépourvu de racines, de feuilles, de tige et de vaisseaux. Comme tout champignon, la truffe ne réalise pas la photosynthèse, n'est pas autotrophe ; elle est donc contrainte de se rattacher à une autre vie pour survivre. Certains champignons se développent sur des matières en décomposition, d'autres prennent vie sur un corps vivant, provoquant parfois des maladies, et enfin, certains, comme la truffe, s'associent à un partenaire. On parle alors de symbiose entre les champignons et l'arbre hôte : les échanges sont mutuels et le contrat de vie en commun est respecté.

Contrairement aux idées reçues, la truffe n'est donc pas du tout une maladie du chêne, mais bien le fruit d'un champignon vivant en symbiose avec un arbre ! C'est grâce à son système végétatif, le mycélium, que la truffe ira chercher un support nourricier pour vivre et croître. Et c'est de la rencontre des radicelles de l'arbre hôte et du mycélium que naîtra un organe indispensable aux échanges alimentaires entre le champignon et l'arbre : la mycorhize. Le mycélium prospecte la terre plus facilement que ne le ferait une racine : il fournit ainsi à l'arbre certains minéraux que ne pourraient atteindre les racines. La truffe puise, elle, dans l'arbre, des sucres et substances organiques dont elle a besoin pour vivre. C'est ce que l'on nomme la symbiose mycorhizienne.

truffe noire du_perigord

La Tuber melanosporum

Lorsque l'on évoque la truffe noire, c'est de la Tuber mélanosporum qu'il s'agit. Elle est extérieurement de couleur brune, tirant vers le noir à maturité. Cette truffe noire est couramment nommée truffe du Périgord ; une appellation, source de confusion, usuelle et non botanique. Rappelons que le Périgord n'a jamais été la première région trufficole française. Cette place revient au sud-est et à des départements tels que le Vaucluse, la Drôme et les Alpes-de-Haute-Provence. Aujourd'hui, le sud-est de la France produit 80% des truffes présentes sur le territoire.

La truffe noire est la truffe noble par excellence, libérant un parfum riche et puissant, au goût fin et subtil. Elle est croquante et généreuse et tient bien son nom de "diamant noir" tant recherché et convoité par les plus fins gourmets.

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Terra tufide tubera du Tacuina sanitatis.

Au sujet de l'origine des truffes, chronologie des différentes théories

Dans le passé antique, la truffe, déjà, fit parler. Que ce soit la truffe blanche du désert, le terfez, ou la truffe noire, on la cru d'abord créée par des interventions divines, ou être le résultat d'un agrégat terreux. C'est au XVIIIe siècle qu'apparaissent de nouvelles théories, plus sérieuses, sur l'origine des truffes.

À cette période, et pendant près de deux siècles, deux écoles vont s'affronter : ainsi les partisans, en quelque sorte les anciens, qui continuent d'affirmer que les graines observées dans la truffe sont de petites truffes aptes à grossir individuellement. Puis Bonnet et Martin Ravel, au milieu du XIXe siècle, soutiennent la thèse de la mouche truffigène, théorie selon laquelle cette dernière piquerait les racines de l'arbre donnant ainsi naissance à une maladie comme la galle, qui en se développant produirait des truffes.

D'autres, comme l'Abbé Charvat de Réauville dans la Drôme, prétendent que la truffe naît des branches et précise qu'elles produisent des fruits et des semences et que les racines nourrissent le tout. L'Abbé Charvat, grand défenseur de cette théorie farfelue, écrivit :

"J'ai remarqué une poussière cendrée sur les feuilles comparables à celle qui recouvre les raisins. Les rosées et les pluies délayent cette poussière et l'entraînent dans le sol. Une fois en terre et imbibée de fraîcheur, quelle difficulté verrait-on à ce que cette matière devienne le germe de la truffe ? Plus je vais, plus je vois que le germe de la truffe vient des branches, des rameaux et des feuilles."

L'autre école est plus réaliste, et les découvertes scientifiques prennent le dessus, face aux divagations de l'esprit. Au début du XVIIIe siècle, Ray, Geoffroy et Micheli découvrent l'existence des spores et les décrivent. Au milieu du XIXe siècle, Tulasne affirme qu'un manchon est constitué autour des racines de l'arbre par le mycélium. Mais il faudra attendre la fin du XVIIIe siècle pour qu'apparaisse le terme de mycorhize. Le XXe siècle sera riche en découvertes : Malençon dans son ouvrage Les Truffes Européennes établit l'origine morphologique de la truffe à partir de la "pezize" et décrit, de manière explicite, 32 espèces de truffes. Puis viendront les années soixante et soixante-dix, riches en travaux avec des chercheurs comme Delmas, Chevalier, Grente et Fontana. Ainsi progressivement, le cycle biologique de la truffe sera déterminé sans pour autant que lui soit supprimé totalement son mystère.

cavage truffe fougie

Les différentes techniques de cavage des truffes

S'il existe un champignon que l'on ne peut chercher seul, c'est bien la truffe. Nos capacités olfactives ne sont pas assez développées pour la trouver. Même si la truffe est une culture, et sa recherche un travail, c'est toujours avec joie et passion que l'on se lance à la recherche des truffes, comme une énigme à résoudre, qui nous permet de communiquer, un moment, à travers le sol sous nos pieds.

Pour creuser le sol, le caveur utilise différents outils d'une grande simplicité. Dans le sud-est, le plus couramment utilisé est le "fougie" : il s'agit d'une barre de fer ronde d'environ 50 cm de long, pointue à une extrémité, recourbée à l'autre, en forme de poignée de canne.

Récolte avec le chien

Il existe plusieurs modes de recherche, qui ont évolués au fil du temps, le plus courant aujourd'hui étant la récolte avec l'aide d'un chien, dressé depuis son jeune âge à reconnaître la forte odeur de la truffe. Certains chiens ne font que marquer le sol de leur patte pour indiquer l'endroit, et d'autres creusent volontiers en plongeant de temps à autre le museau dans le sol pour vérifier si la truffe est bien là. Il existe entre le chien et le trufficulteur des liens de confiance, de complicité, de respect : en principe, un chien ne cave qu'avec son maître.

Le chien n'étant pas naturellement amateur de truffes, il convient donc de le dresser à la recherche. À ce sujet, lorsqu'on discute avec différents trufficulteurs, on s'aperçoit que l'approche et les méthodes sont assez différentes : mamelles de la mère régulièrement frottées avec des truffes, pédagogie, démonstration, apprentissage entre vieux et jeune chien ou encore récompense sont autant de techniques utilisées.

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Truffière et brûlé © Marianne Casamance

Recherche à la mouche

Une autre technique est la récolte avec la mouche appartenant au genre Suillia. Rappelons que l'on a longtemps cru que cette mouche dite truffigène était à l'origine de la pousse de la truffe, qu'en piquant les racines des arbres elle provoquait une réaction donnant naissance à la truffe, explication sans fondement qui depuis a été largement démentie.

La recherche des truffes avec des mouches n'est pas ou peu utilisée par les trufficulteurs, cette technique étant plutôt réservée aux personnes ayant quelques arbres sur leur terrain. Elle se pratique par temps calme et ensoleillé, vers la fin de matinée. On aborde la truffière face au soleil en faisant peu de bruit, puis on balaye la surface du sol avec un bâton pour faire s'envoler la mouche, reconnaissable par son comportement lent et son vol court. Si la mouche rabassière recherche la truffe c'est simplement pour pondre ses œufs à proximité du champignon. En éclosant, ces larves pénétreront le champignon et la truffe pourrira rapidement.

Récolte avec la truie

La truie reste encore dans certaines régions, le sud-ouest par exemple, un animal très utilisé pour le cavage. Quand on connaît la bête pesant jusqu'à 150kg, son odeur, sa force, il faut qu'il y ait de bonnes raisons et de véritables motivations pour la préférer aux chiens ! L'une d'entre elle serait qu'en complément du cavage, la truie représente un intérêt économique supplémentaire non négligeable. Également, le dressage du porc est plus facile que pour le chien dans la mesure où l'animal recherche la truffe pour son plaisir, étant naturellement attiré par son parfum.

Après tant d'efforts à l'air pur des truffières, il sera bientôt temps de déguster cette merveille.

Cf Le livre de la Truffe, Bernard Duc-Maugé / Bernard Duplessy

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