- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 14 min
Nice, Terra Amata « M’en bati sieu Nissart » (Je m’en fous je suis Niçois)
Tous les Niçois ont l’Italie au cœur. Nombre d’entre eux ont des liens anciens avec la péninsule, des liens de sang et de parenté, des liens économiques et des liens d’amitié. Les Niçois ont une grande affinité pour la culture italienne, et une véritable affection pour leur sœur latine. La situation actuelle, dramatique, resserre plus encore leurs liens dans une solidarité exemplaire. Les poètes l’ont chantée, les écrivains l’ont magnifiée …
Nice, Terra Amata, Nice la Terre aimée ...
Nice, capitale de la Côte d'Azur, au cœur d'une région d'une beauté intemporelle, s'offre dans toute sa diversité: ville d'histoire, architecture, culture, art, créativité, événements, spectacles, sports, loisirs, nature, douceur, saveurs ... Nice conserve le charme authentique d'une ville méditerranéenne et resplendit de l’aura d’une cité moderne et dynamique.
« À Nice, notre ville aimée…
Là, dans la proximité du port et de l’ancienne acropole, je pouvais ressentir presque instinctivement le lien qui rattachait Nice à la première pensée grecque. C’est sans doute cette lumière, cette douceur, et la présence forte de la mer, l’âpreté des rochers de calcite sous le soleil qui créaient cette proximité, cet appel – n’est-ce pas cela justement que Nietzche ou Valéry étaient venus y chercher ? […] Quelque chose survit de ce passé, que rien ne pourra effacer.Un charme, une élégance. C’est la rencontre de la mer et des vagues des collines, l’ouverture de cette baie sur l’âpreté des montagnes, la brume qui noie certains soirs les vallons, où surnage pareil à une île la silhouette obstinée du Château. C’est la mémoire de Nice, toute sa mémoire, faite non pas seulement de dates et d’événements, encore que ceux-ci donnent aux vieux Niçois cette distance ironique par rapport aux aléas du temps, mais de sensations, de réalités, de substances : la beauté de la terre, des jardins, des terrasses d’agrumes et d’oliviers, l’odeur de la mer mêlée au parfum du chèvrefeuille et du mimosa, le vol oblique des goélands et des mouettes, au crépuscule, au-dessus des toits de tuiles, l’estompe des soleils couchants et la force crue du Midi. » Le Clézio, Nice, 100 ans, 1860-1960
Un enfant de Nice, Héros des deux mondes : Giuseppe Garibaldi
« Si l’on n’est poète qu’à la condition de faire l’Iliade ou la Divine Comédie, les Méditations de 66 Lamartine ou les Orientales de Victor Hugo, je ne suis pas poète; mais si l’on est poète pour passer des heures à chercher dans les eaux azurées et profondes les mystères des végétations sous-marines; si l’on est poète pour rester en extase devant la baie de Rio-Janeiro, de Naples ou de Constantinople; si l’on est poète pour rêver de tendresse filiale, de souvenirs enfantins ou d’amour juvénile, au milieu des balles et des boulets, sans songer que votre rêve peut finir par une tête cassée ou un bras emporté,—je suis poète. » Giuseppe Garibaldi
Alors que Nice fait encore partie du Royaume Piémont Sardaigne, Giuseppe Garibaldi naît à Nice le 22 juillet 1807, non-seulement dans la même maison, mais dans la chambre même où naquit Masséna, l’illustre maréchal. Son père Dominique Garibaldi, né à Chiavari, était fils de marin et marin lui-même; ses yeux en s’ouvrant virent la mer, sur laquelle il devait passer à peu près toute sa vie. A cette triste époque, les prêtres sont les maîtres absolus du Piémont. Leur travail assidu tend plutôt à faire, des jeunes gens, des moines inutiles et fainéants, que des citoyens.
Sa mère, Rosa Ragiundo, est d’une tendresse angélique avec son fils, tendresse dont il hérite comme le prouve cette anecdote de l’enfance : allant à la chasse avec un de ses cousins, dans le Var, il s’arrête sur le bord d’un fossé profond où les blanchisseuses avaient coutume de laver leur linge, et où une pauvre femme lavait le sien. Alors qu’elle tombe à l’eau –Giuseppe n’a que huit ans— il se jette à l’eau et la sauve. Le sentiment qui le porte à secourir son semblable lui est naturel. Mais le caractère rebelle du jeune Garibaldi commence à poindre.
Fatigué de l’école et souffrant de son existence sédentaire, il propose un jour à quelques-uns de ses compagnons de s’enfuir à Gênes. Ils détachent un bateau de pêche, et les voilà voguant vers l’Orient. À la hauteur de Monaco, un corsaire, envoyé par son père, les capture et les réintègre, tout honteux, dans leurs maisons respectives. Jeune et obstiné, il refuse le métier de médecin auquel son père rêvait pour lui et s’embarque, à l’âge de 15 ans, sur le brigantin la Costanza.
Le reste fait partie de la Grande Histoire :
Testament symbolique de Joseph Garibaldi : « Je lègue : mon amour pour la Liberté et la Vérité ; ma haine du mensonge et de la tyrannie ».
Garibaldi reste une des figures du séparatisme niçois. À propos du rattachement de Nice à la France par le Second empire et la IIIe République naissante, il déclare : « Je ne reconnais à aucun pouvoir sur terre le droit d’aliéner la nationalité d’un peuple indépendant et je proteste contre la violence faite à Nice avec la corruption et la force brutale en me réservant pour moi et mes concitoyens le droit de revendiquer mon pays natal, pour que le droit des gens ne soit pas une vaine parole. » Il meurt le 2 juin 1882 sur l’île de Caprera.
Nice devient française
« Un traité conclu le 24 mars prévoit que la réunion de Savoie et de Nice en France aura lieu avec l'adhésion des populations et la sanction du Parlement. Aussi pénible que ce soit pour moi de séparer des provinces qui font depuis si longtemps partie des États de mes ancêtres, et auxquelles sont attachées de nombreuses réminiscences, j'ai dû considérer que les changements territoriaux, nés de la guerre d'Italie, justifieraient la question , que mon auguste allié l'empereur Napoléon m'a chargé d'obtenir cette réunion. J'ai également dû tenir compte des immenses services que la France a rendus à l'Italie, des sacrifices qu'elle a faits dans l'intérêt de son indépendance, des liens que les batailles et les traités ont noués entre les deux pays.
En revanche, je ne pouvais pas nier que le développement des échanges, la rapidité et la facilité des communications augmentent chaque jour l'importance et le nombre des relations entre la Savoie et Nice avec la France. Enfin, je ne pouvais pas oublier que les grandes affinités raciales, linguistiques et coutumières rendent ces relations plus intimes et naturelles.
Cependant, un si grand changement dans le sort de ces provinces ne pouvait vous être imposé; cela doit être le résultat de votre libre consentement. C'est ma ferme volonté, et c'est aussi l'intention de l'empereur français. Afin que rien ne puisse gêner la libre manifestation de vos votes, je rappelle ceux parmi les principaux responsables de l'ordre administratif, qui n'appartiennent pas à votre pays, et les substitue temporairement à certains de vos concitoyens, qui apprécient le plus l'estime et la considération générales.
Dans ces circonstances solennelles, vous vous montrerez digne de la réputation que vous avez acquise. Si vous devez suivre d'autres destins, assurez-vous que les Français vous accueillent comme des frères, qui ont longtemps appris à évaluer et à estimer. Que votre union avec la France soit un lien entre deux nations dont la mission est de travailler en accord avec le développement de la civilisation. Turin, 1er avril 1860. Vittorio Emanuele »
Le plébiscite a lieu en avril et les chiffres officiels montrent des pourcentages très élevés en faveur de l'annexion à la France (respectivement 99,4% et 99,8% des électeurs): comme dans le cas des plébiscites survenus quelques semaines plus tôt dans les États italiens de pré-unification qui avaient rapporté des pourcentages similaires.
Les 29 mai et 10 juin suivants, la Chambre et le Sénat de Turin ratifient le Traité de Turin et le transfert des territoires à la France.
Le traité de Turin signé le 24 mars 1860 déclare l'annexion du comté de Nice et de la Savoie à la France. À la suite des accords de Plombières (21 juillet 1858), le Premier ministre du Royaume de Sardaigne, Camillo Cavour avait promis le transfert de la Savoie à l'empereur français Napoléon III en échange de son soutien à la politique d'unification italienne menée par la monarchie savoyarde.
Nikaia la belle
Nice, ancienne Nikaia –Victoire-, ...
... résolument tournée vers l’avenir, est attachée à ses racines. Preuve en est ce parler nissart qui résonne encore dans les rues de la vieille ville.
Le comté de Nice était ce territoire - de langue italienne - qui comprenait presque tout le bassin de la rivière Var et une partie de la vallée de la Roya et de Bevera. La capitale était Nizza, appelée "Nizza Marittima" pour la distinguer de Nizza Monferrato dans le Piémont. Appartenant au Royaume de Sardaigne jusqu'en 1860, puis cédé à la France, un travail intense de francisation est mené.
Dompté, canalisé, couvert, là était le Paillon
Désormais couvert et dissimulé aux yeux des riverains, le Paillon revêt une grande importance tant dans la vie quotidienne niçoise que dans son développement urbain. Ce cours d’eau, formé par quatre bras principaux – venant de Levens, l’Escarène, Contes et Laghet - pour se rejoindre ensuite en un seul fleuve, chemine sur 35 kilomètres et trouve son embouchure sous le jardin Albert1er. Défense naturelle à côté de laquelle était construite au Moyen Âge la ville basse (vieille ville actuelle), le Paillon était une source indispensable au développement de la vie. Son courant faisait tourner les moulins, les tanneries, les corderies. Ses eaux irriguaient les champs aux alentours. Et son large lit permettait aux pêcheurs d’y venir, aux paysans également pour y faire boire leurs bêtes. Les lavandières, bugadiera, appelées ainsi en référence à la cuve servant à faire le savon- y travaillaient pour faire leur lessive et étendre leur linge.
Cependant, cette frontière naturelle, autrefois entre la ville et la campagne, représente un danger permanent. Ce petit filet d’eau peut se transformer en vague torrentielle emportant tout sur son passage et de nombreuses chroniques rappellent les dates de catastrophes fréquentes comme celles de 1529 où le Pont-Vieux a été démoli, et même jusqu’à nos jours comme celle de 1940.
Son franchissement ne se faisait que par un seul pont appelé Saint-Antoine, datant au moins du XIIIème siècle, face à l’actuel lycée Masséna. Petit à petit la couverture, réalisée jusqu’à la promenade des Anglais entre 1887 et 1893, offrit un espace public d’envergure que l’on aménagea en jardin, le jardin Albert 1er.
Un jardin royal
« Je n’ai rien vu de plus beau. J’ai trouvé ma ville, c’est Nice. » (Hector Berlioz)
Restructuré en 1945, ce parc fut le premier jardin à relier la vieille ville aux nouveaux quartiers.
D’abord appelé jardin des Plantes, jardin Paradis, puis Jardin public, il prit le nom du roi des Belges Albert 1er en 1914, à la suite de l’invasion de la Belgique par l’armée allemande.
Conçu par l’ingénieur niçois Durandy, il s’étend sur une surface de 32 000 m2. Il est composé d’un long parc de 150m longé par des tonnelles depuis la place Masséna, conclu par une grande vasque où est installée la fontaine des Trois Grâces d’Antoniucci Volti (1915-1989). La promenade suit ensuite un parcours courbe vers le théâtre de verdure qui de part et d’autre, est entouré d’un kiosque à musique et d’un parterre à la française encadrant la fontaine des Tritons (1824).
Elevé, face à la mer, pour commémorer le centenaire du premier rattachement de Nice à la France en 1793, le monument du Centenaire fut installé en 1896. Réalisé par l’architecte Joseph Febvre (1859-1934), il s’inscrit dans la tradition des statues commémoratives de la III° République. Constitué de pierre de la Turbie, il prend la forme d’une pyramide très pointue. Cette dernière est surmontée de la Vierge ailée, Niké ou Nikaia, déesse de la Victoire chez les Grecs, qui fait allusion au nom de Nice.
La Promenade du Paillon
À Nice, la Promenade du Paillon est une coulée verte inaugurée, le 26 octobre 2013, par Christian Estrosi, Maire de Nice et Eric Ciotti Président du Conseil Départemental des Alpes-Maritimes. Le succès est immédiat auprès des Niçois et des touristes. Les architectes-paysagistes Péna & Péna signent la Promenade du Paillon qui relie la Promenade des Anglais au Théâtre National. Un miroir d’eau de 3000 m2, ses 128 jets et un plateau de brume de 1400 m2 donnent à l’ensemble une vision onirique de toute beauté.Comme nous l’avons indiqué plus haut, sous la Promenade coule le fleuve Paillon qui rejoint la Baie des Anges après un cours de 35 km prenant sa source sur la commune de Lucéram.
Nice, un petit paradis
Ville cossue, nichée au pied des Alpes enneigées et sur la Riviera française, dont le microclimat ignore l’hiver, Nice a tout d’un paradis : sa mer si bleue, décor de l’élégante promenade des Anglais ; son Vieux-Nice à la palette orangée, italien et baroque, où l’on devine encore les bals carnavalesques de la Renaissance ; ses villas extravagantes et ses palaces de la Belle Époque, qui s’égrènent le long de la colline de Cimiez et dans les quartiers de Carabacel ou des Baumettes ; son port ancré dans un bassin rocheux, témoin d’un passé de pêche… et partout, cette végétation exotique qui abonde dans les jardins, surgit dans les courettes et agrémente parcs et parterres.
Que nul ne s’étonne donc de cet art de vivre bien niçois, avec ses marchés chargés de fruits et de légumes du pays, sa cuisine aux parfums de la Méditerranée, et ses artistes inspirés, que l’on admire dans les musées, les galeries d’art, ou sur le parcours du tramway. Un art de vivre qui invite à oublier le temps qui passe. Cependant, Nice la dynamique entend aussi défier les clichés trop langoureux : à quelques mètres des plages foisonne, insolente, l’effervescence urbaine.
Nice aux couleurs italiennes, Nice française, Nice qui accueille, fraternelle, Nice respectueuse du passé, tournée vers l’avenir, miroitante aux rayons du soleil.
Photo à la Une : ©Médiathèque de l'Office de Tourisme et des congrès de Nice