- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 10 min
Festival d’Art Sacré d’Antibes
Rencontre avec Philippe Depétris, fondateur et directeur artistique du festival d’Art Sacré d’Antibes, créé il y a 29 ans. Une musique sacrée qui se diffuse au coeur du patrimoine de la ville d’Antibes, envoûtant le public par la spiritualité de cette musique sacrée et la beauté des édifices. Un partage entre l’histoire de la musique et celle du patrimoine.
Festival d’Art Sacré d'Antibes, un festival de musique qui met en lumière le patrimoine de la Ville
Le Festival d’art sacré d’Antibes célèbre ses 29 ans. Cet anniversaire mettra en valeur les trésors patrimoniaux de la commune avec des concerts exceptionnels au sein de la cathédrale, de la Chapelle Saint-Bernardin et de la Chapelle Notre-Dame de la Garoupe. Chefs d’œuvres du répertoire, musique de chambre, voix sacrées, pour chœurs, orchestre et solistes constitueront autant de temps forts. L'occasion de découvrir un répertoire aussi brillant que parfois méconnu.*
« Il est important que la musique vive, que le spectacle ‘vivant’ vive… » (Philippe Depétris)
Nous avons interviewé son charismatique directeur artistique, Philippe Depétris.
Danielle Dufour-Verna-Projecteur tv : Bonjour Philippe Depétris. Merci de m’accorder cette interview. Parlez-nous de vous.
Philippe Depétris : Je suis flûtiste et le créateur de plusieurs festivals dont le Festival de l’Abbaye de La Celle dans le Var, les Soirées Musicales de Grimaud, et le Festival d’Art Sacré d’Antibes. Je suis enseignant au Conservatoire d’Antibes Juan-les-Pins.
Le Festival d’art sacré d’Antibes, une manifestation qui met en valeur le patrimoine architectural et le patrimoine musical
DDV – Vous nous présentez le Festival ?
Philippe Depétris – En 29 années d’existence, le Festival a acquis une notoriété internationale. Il y a peu de festivals d’art sacré. C’est une manifestation qui permet d’intégrer aussi bien des artistes de la région que des artistes internationaux. De grands artistes s’y sont produits comme Gustave Léonhardt, l’Orchestre de Milan etc. Cette année, en raison des contraires sanitaires qui sont les nôtres, le Festival est un peu particulier. Il y a eu beaucoup d’annulations de festivals mais nous avons tenu, avec la Ville d’Antibes, le Département des Alpes maritimes et la Région Sud qui sont nos partenaires essentiels, à maintenir cette manifestation pour apporter un soutien aux artistes et faire que des évènements continuent car beaucoup ont été annulés. Ce festival a une particularité : il a pour vocation d’animer les grands lieux du Patrimoine de la Ville d’Antibes : la Cathédrale, la Chapelle Saint-Bernardin, la Chapelle de la Garoupe qui est sur le Cap d’Antibes, un endroit magnifique au-dessous du phare. C’est donc une manifestation qui s’intéresse à la mise en valeur du patrimoine de la Ville d’Antibes-Juan-les-Pins et, bien sûr, du patrimoine musical au-travers de grandes œuvres du répertoire mais aussi de créations. Je tiens beaucoup à ce qu’il y ait ce panachage entre les musiques de toutes les époques et les musiques contemporaines, également les artistes régionaux, nationaux et internationaux.
DDV : Musique contemporaine sacrée ?
Philippe Depétris – oui, en tout cas des musiques qui peuvent se donner dans des églises.
DDV : Y a-t’il un lieu qui réponde plus particulièrement à la vocation de ce Festival ?
Philippe Depétris : Le point central du Festival est évidemment la Cathédrale d’Antibes qui a un chœur magnifique du 12e siècle à l’acoustique formidable. Les chapelles ont des capacités différentes mais elles ont toutes leur spécificité et leur grand intérêt historique. Par exemple la Chapelle de la Garoupe au Cap d’Antibes est vouée depuis l’an mille à la mer et aux marins. Elle présente une immense collection d’exvotos qui ont trait à la mer et aux remerciements des marins pour des sauvetages, ou autres, à Notre-Dame de Bon Port. Le patrimoine est très intéressant.
DDV –Des modifications en rapport avec les contraintes sanitaires ?
Philippe Depétris – le Festival d'Art Sacré d'Antibes a lieu du 10 au 15 septembre. Nous avons tout de même, malgré les contraintes sanitaires, décidé de maintenir l’édition 2020 car nous avons pour vocation de préserver, de maintenir, un lien très précieux que nous avons tissé depuis beaucoup d’années avec le public. On ne voulait pas le décevoir en l’annulant. Cette année, il y a 4 concerts au lieu de 8, des concerts de grande qualité mais avec des effectifs artistiques réduits à des formats de chambre. Il était totalement exclu de faire de grands concerts avec chœur et orchestre en maintenant la distanciation sociale. Ces concerts-là sont reportés bien sûr en 2021. Le Festival célèbrera alors ses trente ans d’existence.
DDV – Vous-même, flûtiste, participez au Festival ?
Philippe Depétris - Oui, bien sûr. C’est important pour un artiste de jouer, même s’il est directeur artistique.
DDV – Quelle est votre compositeur favori ?
Philippe Depétris - J’ai une passion pour Jean-Sébastien Bach et pour Mozart, mais pas que. Ce sont pour moi, les compositeurs qui sont mes points d’ancrage dans la musique. Mais mon répertoire va, bien sûr, jusqu’à la musique contemporaine.
DDV – Quelques noms ?
Philippe Depétris - Henri Dutilleux, Nicolas Bacri… Ce sont des gens qui sont très importants et aussi des compositeurs moins connus. J’aime bien découvrir. La composition d’un programme, c’est toujours un cocktail difficile. Il faut faire découvrir aux gens de nouvelles choses et en même temps donner au public ce dont il a envie. Cette année par ailleurs, je consacre un concert à Richard Galliano. A la base, un accordéoniste, ce n’est pas commun. J’ai réussi à décider Richard Galliano, qui est aussi bien un musicien de jazz qu’un musicien avec une passion pour la musique classique, à se produire dans une cathédrale avec un répertoire tout-à-fait adapté et c’est très original. Le chant est présent avec un groupe ‘Barbara Furturna’ qui fait des polyphonies corses sacrées. C’est une de mes découvertes. C’est un groupe que je suis depuis de nombreuses années et qui, maintenant, a une notoriété internationale et se produit dans le monde entier. J’ai tenu à ce qu’il soit là pour cette édition du Festival. Nous ouvrons le Festival jeudi 10 septembre, à la cathédrale, avec Romain Leleu, l’un des trompettistes les plus en vue de sa génération qui renouvelle vraiment le genre, avec une sonorité merveilleuse. J’ai eu l’occasion de faire des tournées avec Maurice André. Romain Leleu semble être quelqu’un de la dimension de Maurice André. Il n’a pas quarante ans, mais c’est quelqu’un qui ira très loin. J’aime bien suivre les musiciens que je découvre, comme Romain il y a une quinzaine d’années. Il avait déjà cette sonorité tout-à-fait extraordinaire. Ce qui est formidable, c’est que maintenant tous ces gens comme Romain Leleu, Richard Galliano, Barbara Furtuna, qui jouent dans le monde entier, reviennent toujours au Festival, lorsque je le leur demande.
La Ville d’Antibes a fait de très gros efforts pour réhabiliter son patrimoine, entre autres la Chapelle Saint Bernardin qui se trouve dans le centre-ville d’Antibes et qui a pour particularité d’avoir un très beau retable baroque extraordinaire. Nous conclurons le Festival dans cette chapelle avec un trio : moi-même à la flûte, Eric Courrèges au violoncelle et Frédéric Moreau qui est le Directeur artistique de l’Ensemble des Violons de France dans un programme consacré à Haydn avec en pièce centrale les Trios londoniens qui une des musiques de chambre les plus claires, les plus lumineuses. Ces trios sont les ferments des grandes symphonies de Haydn.
DDV –Comment allez-vous procéder avec le public ?
Philippe Depétris – Ce n’est pas compliqué. Il y a des mesures de distanciation qui doivent être appliquées dans tous les édifices. Leur capacité totale, telle que nous l’avons conçue, respecte absolument toutes les préconisations de distanciation sociale, port du masque, gel hydro alcoolique et désinfection des lieux avant et après les concerts pour que le public soit en toute sécurité pour apprécier pleinement le Festival.
DDV –Donc sur réservation ?
Philippe Depétris –Absolument. Il faut savoir que cette année est vraiment très particulière. Je remercie vraiment tous les acteurs, musiciens, bénévoles, institutions, qui ont permis la réalisation du Festival parce que, franchement, ce n’est pas simple mais il est important que la musique vive, que le spectacle vivant vive, et c’est pour cela que nous n’avons pas voulu renoncer. C’est une immense volonté, mais on ne manque pas de volonté. Ce Festival a 29 ans et vous imaginez la somme d’efforts et d’enthousiasme qu’il faut pour faire perdurer une manifestation pendant trente ans.
DDV –Durant ces 29 années, l’engouement du public est allé crescendo ?
Philippe Depétris –Le Festival a toujours été très bien accueilli. La quasi-totalité des concerts, depuis le premier Festival, se joue quasiment à guichets fermés.
DDV –Que pensez-vous du devenir de la musique sacrée, de son futur ?
Philippe Depétris –Il faut s’entendre sur le terme ‘Musique sacrée’. Dans Musique sacrée vous avez de la musique liturgique, c’est-à-dire de la musique qui est faite pour les Offices. A l’époque de Mozart, ou de Bach, ces compositeurs écrivaient des musiques qui n’étaient pas forcément liturgiques mais qui se donnaient essentiellement dans les églises. L’assertion du terme sacré, chez nous, est très large. En fait, ce sont des musiques en adéquation avec les lieux et les édifices religieux dans lesquels elles peuvent être données. C’est pour cela que le répertoire est très large, depuis les grandes messes aux choses plus intimistes. Nous avions donné par exemple ‘Le Chant des Ténèbres’ de Couperin, des choses comme cela qui sont très spécifiques comme le ‘Miserere’ de Gregorio Allegri, cette pièce qui était interprétée à Rome pendant la Semaine Sainte mais qui ne l’était qu’en présence du Pape. Nous l’avons beaucoup donnée au Festival car c’est une pièce vocale extraordinaire. Nous essayons donc d’avoir un spectre très large avec pour condition, bien sûr, le respect des édifices dans lesquels ces musiques sont données.
DDV –Quelque chose à ajouter pour conclure ?
Philippe Depétris –Je suis le créateur de plusieurs festivals qui continuent, qui perdurent. C’est très important d’apporter au public, à travers ces festivals, des moments de paix et de bonheur dont, il faut avouer, nous manquons de plus en plus. Ma grande ambition est qu’il y ait vraiment ce grand partage entre les artistes et le public avec la connaissance des répertoires merveilleux que nous a donné l’histoire de la musique. C’est l’essentiel de ma démarche.
L’enthousiasme de son Directeur artistique, l’excellence de la programmation, des musiques ‘divines’, des lieux enchanteurs, tout est réuni pour augurer d’un Festival d’Art sacré qui marquera les annales des festivals de musique.
Programmation du festival d'art sacré d'Antibes 2020
*sources antibesjuanlespins.com
Photo à la Une : ©antibesjuanlespins