- Auteur Victor Ducrest
- Temps de lecture 9 min
La Cité Médiévale de Vaison-la-Romaine, une histoire de plus de neuf siècles
La cité médiévale de Vaison la Romaine est un tableau à part entière à découvrir avec ses pierres illuminées par le soleil de Provence, ses calades, sa cathédrale rénovée et son château.
La Cité Médiévale de Vaison-la-Romaine : la haute-ville et sa cathédrale, le château des comtes de Toulouse, une cité du patrimoine historique des Voconces.
Archéologues et historiens se sont plus intéressés à Vaison-la-Romaine qu’à Vaison la médiévale. Et pourtant, la première a duré trois ou quatre cent ans tandis que la seconde a vécu pendant neuf siècles sur son promontoire rocheux qui domine l’Ouvèze. Le château des Comtes de Toulouse s’est construit à la fin du 12e siècle et c’est à partir du 13e siècle que la ville haute va se développer et ce jusqu’au 18e siècle. À regarder le plan cadastral de 1826, on voit que la ville basse n’existe qu’autour de la grand’rue, alors que la haute ville est le véritable bourg d’habitation, surélevé, protégé par des remparts et dominé par un château-fort.
La Cité Médiévale de Vaison-la-Romaine et ses pentes de la haute ville à gravir
Pour y accéder, on peut partir de la cathédrale Notre Dame de Nazareth, traverser l’Ouvèze par le pont neuf et emprunter la rue Gaston-Gévaudan. Ou alors on peut enjamber la rivière par le pont romain et se diriger directement vers les hauteurs.
Le premier choix nous laissera dans l’univers moyenâgeux, le second nous fera sauter de la période romaine à celle qui l’a suivie et nous rappellera que ce pont qui, contrairement au « pont neuf », a résisté globalement à toutes les intempéries y compris la grande crue de 1992, a été construit au premier siècle de notre ère et, manifeste la richesse de la ville antique par sa largeur exceptionnelle.
Dans les deux cas, on aboutira à la place du Poids avec sa jolie fontaine provençale du 18e siècle. Galerie de tableaux et restaurants accueillent le visiteur qui a peut-être oublié qu’à cet emplacement se trouvait la première maison commune de la cité médiévale.
En poursuivant la montée de la rue de l’Horloge, on passe sous la voûte du beffroi. La tour, classée monument historique en 1914, date du 14e siècle et son campanile en fer forgé du 18e. Son premier étage fut le siège de la deuxième maison commune de 1523 à 1727, mais ne se visite pas. Force sera donc de continuer son chemin par une calade tout aussi pentue qui nous mène face au troisième hôtel de ville, une bâtisse du 18e siècle, qui appartint au marquis de Vedène et qui est occupée actuellement par une artiste peintre dont le garage ouvert est parfois le lieu de performances musico-picturales.
En prenant sur sa droite, on longe l’hostellerie du Beffroi, qui réunit deux hôtels particuliers, pour arriver à l’emplacement de l’ancien évêché et à la place du vieux marché. Parallèle à la rue de l’évêché, la deuxième voie d’importance est la rue des Fours qui doit son nom aux fours banaux qui s’y trouvent. En la parcourant d’ouest en est, on parvient à l’église-cathédrale qu’on appelle aujourd’hui « Sainte Marie de l’Assomption ».
La Cité Médiévale de Vaison-la-Romaine et sa cathédrale Sainte-Marie-de-l'Assomption
Le temps du culte (1464-1791)
Cet édifice religieux est le témoin de plus de 550 ans d’histoire. Au premier abord, sa façade « de type jésuite », commandée en 1776 par les élus de Vaison, a quelque chose de baroque avec son fronton triangulaire qui prend modèle sur l’église romaine del Gesù mais en plus rustique. En fait, la construction de l’église a débuté trois cents ans auparavant, à la fin du XVe siècle, sous l’impulsion de l’évêque Pons de Sade qui souhaitait rapprocher le lieu de culte de l’endroit où se trouvait à l’époque la majorité des habitants, sans pour autant abandonner complètement l’église de la plaine. Le devis de 1454 indique que la nouvelle cathédrale devait mesurer 22 mètres de long avec une nef large de 9 mètres.
Trop petite, elle fut agrandie autour de 1600 par les soins de l’évêque de Vaison Guillaume de Cheisolme (1585-1629), réfugié écossais, d'abord évêque de Dumblan chassé de son pays par la Réforme. L’église disposera ainsi de quatre chapelles de part et d’autre de la nef. Vue de haut, l’église a une toiture remarquable avec sa cinquantaine de pans différents qui font les délices des couvreurs professionnels et des amateurs de charpente, mais la hantise des préposés à l’entretien.
À l’époque, les évêques résidaient au château de Crestet qui garde d’ailleurs la marque de leur passage par une crosse épiscopale sculptée au-dessus d’une meurtrière encore bien visible aujourd’hui. Pour rapprocher les évêques de leur cité épiscopal, il fait construire dans la haute ville un petit palais que ses successeurs vont occuper jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
L’église est laissée à l’abandon
C’est pendant la Révolution française que l'Évêché est supprimé et que le culte est également abandonné. Le comtat Venaissin et la ville d’Avignon appartenaient aux papes depuis plus de quatre siècles, quand, en 1791, les deux territoires sont réunis à la France dans un département, le Vaucluse. Avignon devient le chef-lieu et, au niveau des circonscriptions religieuses, se transforme en archevêché ; ce qui fait que l’évêché de Vaison n’a plus de raison d’être. En conséquence, les cathédrales de Vaison deviennent de simples églises. Trois ans plus tard, en 1794, l’église de la haute ville est incendiée et pillée. Avec la fin du 18e siècle s'achève la période faste de l'église. Et avec la fin du 19e, en 1897 plus précisément, la paroisse est transférée dans la plaine à la cathédrale Notre-Dame de Nazareth.
Le temps de la renaissance (1994-2020)
Tardivement, le ministère de la Culture lui reconnaît son intérêt historique et architectural : c’est en 1946 qu’elle est inscrite à l’inventaire supplémentaire et en 1994 qu’elle peut bénéficier de la protection due aux édifices classés « Monuments historiques », alors même qu’elle est fermée pour des raisons de sécurité.
Il fallait pour sauvegarder ce patrimoine une convergence d’intérêts institutionnels, de compétences professionnelles, d’énergie associative et de mécénats généreux. Les années 2000 ont rendu possible cette synergie fragile, grâce à la ténacité des « Amis de l’Église de la Cité médiévale » (AECM). Études, diagnostics, travaux de restauration et de réparation se sont succédés jusqu’à ce que l’église puisse enfin être rouverte au public en 2013. Certes, aujourd’hui, rien n’est achevé, d’autant que son emplacement au ras d’une haute falaise la rend vulnérable et nécessite des consolidations. Mais, s’il est vrai comme en sont persuadés les membres de l’AECM et leur président, que, selon le précepte attribué à l’architecte Viollet-le-Duc, « la meilleure manière de préserver et faire vivre un bâtiment est de lui trouver un emploi », alors les pierres de l’église peuvent être rassurées.
L’église en effet a retrouvé une nouvelle vie comme espace de concerts, d’expositions temporaires et de conférences sans oublier sa fonction cultuelle puisqu’elle n’a jamais cessé d’être consacrée. Il faut ajouter qu’elle est également un lieu d’exposition permanente par ses inscriptions, ses tableaux, son enduit peint symbolisant le couronnement de la Vierge, ses fonts baptismaux du XVIIe siècle, ses hommages aux premiers évêques et à Sainte Rusticule, abbesse vaisonnaise du monastère Saint Césaire d'Arles. La lumière intérieure de l’église a changé depuis que ses dix-neuf ouvertures ont été embellies par les vitrages artistiques du Père dominicain Kim En Joong inaugurés en octobre 2019, et financés par la Fondation Gianadda et les dons de particuliers.
La Cité Médiévale de Vaison-la-Romaine et le château des comtes de Toulouse
© AA
Notre périple en territoire vaisonnais s’arrêtera – provisoirement – en son point culminant : le château comtal, classé monument historique en 1920. Son accès est doublement difficile. Pour y grimper, ce n’est pas tout à fait de l’escalade, mais il faut reconnaître que le chemin n’est pas fait pour les fauteuils roulants. Pour y pénétrer, il faut encore attendre, car la mise aux normes de sécurité n’est pas suffisante pour accueillir sans risque tout public.
De loin, le château porte fièrement tous les trois ans le drapeau des Choralies festival de chant choral. Sa découpe rectangulaire dessine la silhouette de ces bâtisses fortifiées que l’on trouve aussi au Crestet ou à Entrechaux.
De près, il n’en reste qu’une enceinte en ruine dans laquelle on trouve un donjon, trois corps de bâtiments, une belle salle voûtée, des fenêtres à meneaux qui évoquent cette longue rivalité qui a opposé à la toute fin du XIIe siècle les évêques de Vaison aux comtes de Toulouse pour des questions de propriétés et donc de pouvoir sur la ville.
Du haut de ce promontoire qui offre une vue unique sur la ville, sur le Géant de Provence et sur ses environs, on se dit que le label touristique de la région « Vaison-Ventoux » n’est pas usurpé.
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Des visites guidées des sites archéologiques sont organisées par la ville.
Du 1er juillet au 27 septembre 2020
Pour toute demande de renseignements :
04 90 36 50 48
www.vaison-la-romaine.com