- Auteur Victor Ducrest
- Temps de lecture 8 min
Saint Quenin, une chapelle romane provençale à Vaison-la-Romaine
La chapelle Saint Quenin est l’un des monuments “les plus intéressants de Vaison” selon Joseph Sautel, le principal “découvreur de la Cité des Voconces”. Aujourd’hui nous vous emmenons visiter ce monument historique inscrit sur la première liste des monuments classés en 1840. Outre la procession en rituel à l’évêque qui porte son nom, ce lieu est destiné aujourd’hui à écouter des concerts de musique classique.
Petit détour à la Chapelle Saint-Quenin, un autre page de l'histoire du patrimoine de Vaison-la-Romaine.
En visitant la cathédrale Notre-Dame de Nazareth, nous nous étions arrêtés sur une grande figure légendaire de Vaison et du haut moyen-âge chrétien, celle de l'évêque Quenin (vers 520 – 578 ou 579), devenu Saint Quenin par la grâce du pape Innocent III en 1205.
À quelques 350 mètres de là, un peu plus au nord, se situe un autre édifice religieux qui rend hommage au Saint patron de la ville : la chapelle Saint Quenin. Elle est certes moins importante et située un peu en marge du centre-ville actuel. Toutefois, ce monument, dont la sculpture au-dessus de l'entrée porte un motif qui est devenu le blason officiel de Vaison en 1630, a un caractère exceptionnel et a suscité depuis longtemps des interrogations chez ceux qui ont essayé de la comprendre. Prosper Mérimée, écrivain, mais aussi inspecteur général des Monuments Historiques, l’avait remarquée et bien décrite dans ses « Notes d'un voyage dans le midi de la France » au point de la faire inscrire sur la première liste des monuments classés en 1840.
La chapelle Saint Quenin, Une curiosité architecturale
Vue d’un drone, la chapelle ressemble à une flèche en trois dimensions dirigée vers l'Orient.
Vue de l’extérieur la pointe de la flèche, qui constitue le chevet de la chapelle, est triangulaire, ce qui est une véritable exclusivité de la chapelle Saint Quenin. Chacun des deux pans en pierres taillées est cerné verticalement par des colonnes cannelées et engagées qui délimitent les surfaces. Les colonnes engagées, c’est-à-dire enfoncées en partie dans un mur, étaient une technique fréquemment utilisée au Moyen-Âge. Au milieu de ces deux surfaces en pointe qui sont percées de fenêtres plein cintre, ont été placé un pilastre, c’est-à-dire une colonne fictive plaquée sur le mur qui n’a aucun rôle de soutien, d’autant qu’elle part du toit et s’arrête au deux-tiers de la hauteur du mur. Cet agencement donne à cette partie de la construction une apparence à la fois géométrique, décorative et raffinée.
Accroché au chevet, le corps de la chapelle, qui abrite la nef, avec ses contreforts, ses fenêtres plein cintre, sa façade surmontée d’un clocheton, ses murs rustiques, fait penser au contraire à l’architecture des chapelles rurales qu’on peut rencontrer ici et là en Provence.
Ce sentiment de disparité dans la construction correspond bien à deux moments dans l’histoire du bâtiment : le chevet, selon le chanoine et archéologue Joseph Sautel, date du XIIe siècle, alors que la nef et la façade ont été reconstruites entre 1630 et 1636, sous l’épiscopat de Joseph Marie Suarès, évêque de Vaison réputé pour son érudition et son intérêt pour l’histoire.
Un temple de Diane ?
Les curiosités de la chapelle ne s’arrêtent pas là. En y regardant de plus près, au-dessus des colonnes, on peut apercevoir des chapiteaux ouvragés, ce qui n’a rien d’exceptionnel, mais sur ces chapiteaux, sont posés des blocs de pierre parallélépipédiques sculptés qui soutiennent eux-mêmes la corniche du toit. Ces sculptures peuvent représenter un personnage commun ou une scène biblique. On peut y reconnaître Abraham se préparant au sacrifice d’Isaac aussi bien qu’un pèlerin avec son bâton, un homme en train d’uriner, un tailleur de pierre, un barbu faisant le signe de la bénédiction ou encore Hercule ouvrant la gueule du lion de Némée.
Par ailleurs la forme triangulaire de l’abside et la position en biais des deux absidioles intérieures, ont donné libre cours à l’imagination historique des architectes, qui , comme le rapporte le chanoine Sautel, ont daté ce monument de toutes les époques, depuis les premiers temps de l’ère chrétienne jusqu’au XIIIe siècle. Ainsi on a parlé de chapelle mérovingienne, de construction romaine christianisée, et d’anciennes cartes postales de la chapelle portent comme légende « Vaison-la-Romaine – Le Temple de Diane ».
La chapelle Saint Quenin, Vue de l’intérieur
Vu de l’intérieur, le choeur de la chapelle ne correspond pas à la triangularité de la construction extérieure. Il présente une abside en cul-de-four, c’est-à-dire surmontée d’une voûte en forme de quart de sphère comme les fours à pain. Sur les côtés deux absidioles sont curieusement placées en biais. Mérimée pense que c’est une restauration fort ancienne qui a donné à l’abside cette forme semi-circulaire.
La nef est unique, simple, à trois travées en berceau brisé, une technique qu’on ne trouve pas chez les Romains et qui permet de donner plus de hauteur et moins de poussée sur les murs.
Une actualité essentiellement musicale
Cette chapelle, dont le grand chantier de reconstruction est dû à Monseigneur Suarès au XVIIe siècle, a connu récemment une dernière restauration conduite par Didier Repellin, inspecteur général des Monuments historiques. Les travaux, qui ont duré un peu plus d’un an, ont débuté en février 2006. Il s’est agi de consolider et de restaurer la toiture et les voûtes intérieures : les tuiles de l’abside ont été remplacées par des dalles en pierre de Crillon, dans le respect des techniques de construction originelle de l’édifice ; les frises et les chapiteaux ont été restaurées ; le clocheton a été complètement reconstruit.
Aujourd’hui cette chapelle consacrée n’a de fonction religieuse que pour entretenir le culte de Saint Quenin. À l’occasion de l’anniversaire de sa mort, le 15 février, une importante neuvaine est organisée par la paroisse et une procession, réunissant le clergé et les fidèles de Vaison et de ses environs, se déroule entre la cathédrale Notre Dame de Nazareth et la chapelle Saint Quenin.
Si l’on est d’accord avec l’idée que la musique a quelque chose de divin et qu’elle doit être écoutée religieusement, alors on pensera que la chapelle est utilisée à bon escient. C’est en effet en tant que salle de concert qu’elle fonctionne essentiellement aujourd’hui. Son acoustique est parfois contestée par certains puristes du fait qu’après la restauration et la réfection minutieuse des joints intérieurs des murs, la réverbération des sons est sans doute plus importante qu’auparavant. Mais cela peut se compenser par des tentures et ceci n’empêche pas que les Amis de la musique , les Choralies, et l’Académie Krakauer y organisent des concerts de grande qualité.
La chapelle Saint Quenin, « Un des monuments les plus intéressants de Vaison »
Joseph Sautel, le principal « découvreur de Vaison » écrit à la fin de son ouvrage sur la ville : « ce monument reste un des plus intéressants de Vaison », non seulement par son plan, ses bas-reliefs et ses sculptures, mais encore par le fait qu’il rappelle les principaux événements de la cité depuis les premiers temps du christianisme jusqu’à l’époque moderne.
Avis aux visiteurs : la chapelle n’est généralement accessible qu’à l’occasion des célébrations, des visites guidées et des concerts qui y sont programmés. Elle est actuellement fermée en application des mesures relatives à la lutte contre la propagation du coronavirus. Toutefois la visite de l’extérieur vaut le déplacement.
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Du 1er juillet au 27 septembre 2020
Pour toute demande de renseignements :
04 90 36 50 48
www.vaison-la-romaine.com