- Auteur Joseph Lustro
- Temps de lecture 7 min
Vladimir Cosma, une vie de musique et de passion
Rencontre avec Vladimir Cosma, compositeur aux 500 musiques de films : “La bonne musique de film, c’est la bonne musique tout court, celle qui doit pouvoir s’écouter sans images”
Rencontre avec Vladimir Cosma, à l'occasion de son concert du 29 juillet 2023 à Saint-Raphaël. Une interview comme au cinéma avec 5 films en fil rouge.
Vladimir Cosma est un compositeur, violoniste et chef d'orchestre d'origine franco-roumaine, né le 13 avril 1940 à Bucarest. Il a composé la musique originale d'un grand nombre de films du cinéma français, notamment durant les années 1970, 1980 et 1990.
Vladimir Cosma, depuis, a composé plus de trois cents partitions pour des films de longs métrages cinéma et séries télévisées.
Il a été récompensé deux fois aux Césars avec les films Diva et Le Bal, pour la meilleure musique originale et à reçu deux sept d'Or.
Il a également composé des œuvres scéniques, des œuvres symphoniques, des œuvres de musiques concertantes pour orchestre d'harmonie, musique de chambre et musique vocale, et également des chansons.
Vladimir Cosma est Chevalier dans l’ordre national de la Légion d'honneur, Commandeur des Arts et des lettres, et Grand officier du mérite Roumain.
Vladimir Cosma, une vie de musique, une interview comme au cinéma avec 5 films en fil rouge.
1968 - Alexandre le Bienheureux d'Yves Robert.
Joseph Lustro : C'est l'une de vos premières musiques de films, pouvez nous parler de cette collaboration ?
Vladimir Cosma : Oui, ce fut ma première musique de films, et cela été une rencontre décisive pour la suite de ma carrière dans le cinéma. Nous nous sommes très bien entendu avec Yves Robert au point que j'ai fait la musique de tous ses films jusqu'à son décès. Je garde un excellent souvenir d'Yves Robert. Dès cet instant, j'ai voulu donner à ma musique une couleur particulière et du sens...je n'ai jamais voulu faire des musiques trop descriptives par rapport à une scène.
Une bonne musique de film n'est pas descriptive, on doit l'entendre.
1979 - Confidences pour confidences de Pascal Thomas
Joseph Lustro : Une très jolie comédie familiale, et vous M Cosma, confidences pour confidences êtes vous un musicien qui aime le cinéma ou un cinéphile qui compose de la musique ?
Vladimir Cosma : Je dois l'avouer humblement, je ne suis pas cinéphile.
Mais je dois reconnaître que le cinéma m'a donné d'énormes possibilités et j'ai pu ainsi écrire de nombreuses musiques de films et exercer mon art. Je pars du principe qu’il faut surprendre avec du déjà entendu. J’imagine un thème en apparence simple, mais au fond très travaillé, que j’essaie d’anoblir ensuite par l’orchestration, en lui donnant une autre dimension qui n’existait pas à première vue.
1981 - Diva de Jean-Jacques Beineix
Joseph Lustro : En 1982, vous remporter le César de la la meilleure musique originale pour le film Diva du regretté Jean-Jacques Beineix, pouvez-nous en dire un mot.
Vladimir Cosma : Jean-Jacques Beineix était l'assistant à l'époque de grands metteurs en scène comme Claude Berri, René Clément ou encore Claude Zidi, et c'est en travaillant avec ces réalisateurs que je l'ai croisé. Des liens amicaux se sont alors créés et en 1977, je compose la musique de son court métrage "Le chien de M Michel".
Il me demandera par la suite d'écrire la musique de son premier long métrage Diva.
C’était un film d’autant plus important pour moi aussi que c’était une des premières fois que j’abordais au cinéma un autre genre que la comédie à la française, donc j’étais très content que Beineix m’appelle pour ce film. Diva était un film qui coupait effectivement complètement avec ce que j’avais l’habitude de faire, et ça a été quelque chose de très intéressant et de très important. Beinex souhaitait une expérimentation sonore, j'ai donc opté pour une musique planante, parfois répétitive, dans laquelle j'ai utilisé des instruments uniques comme les tambours à eau africain, la cithare vietnamienne ou encore la Bronté, une énorme sculpture de cinq mètres proche des sonorités métalliques des structures Lasry-Baschet.
Ce fut une belle rencontre mais malheureusement nos chemins se sont séparés, et nous n'avons plus eu l'occasion de retravailler ensemble.
1973 - Les Aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury
Joseph Lustro : Vous avez composé des musiques de films célèbres avec des stars des années 80 comme Louis de Funès, Pierre Richard ou l'inoubliable Jean-Paul Belmondo, parlez nous des aventures de Rabbi Jacob.
Vladimir Cosma : Ce fut ma première collaboration avec Gérard Oury comme avec Louis de Funès, que j'admirais déjà lorsque je vivais en Roumanie. Gérard Oury avait vu le film "Le Grand blond avec une chaussure noire" et la musique ne lui avait pas plu.
La plupart des réalisateurs ne m’ont pas sollicité parce qu’ils aimaient ma musique mais parce que mes musiques avaient du succès ou qu’on leur avait conseillé de me rencontrer. Quand Gérard Oury préparait son film, son ami François Reichenbach, grand connaisseur de musique, lui a parlé de moi. Je reçus alors un coup de téléphone de la production: « Monsieur Oury voudrait vous rencontrer demain à l’aéroport d’Orly, où il tourne son nouveau film ». J’y suis allé avec une légère émotion...La première chose qu’il m’a dite, c’est qu’il ne voulait pas d’une musique dans le genre de celle du Grand Blond, à laquelle la flûte de Pan et le cymbalum donnaient une couleur très particulière.
Il a ajouté que l’action de son film se déroulait en partie à New-York, où de nombreuses ethnies sont représentées.
Voici ce que me disait Gérard Oury :
" Moi, je voudrais une musique qui part du cœur. On se trouve à New-York, y’a des mélanges, y’a des juifs, des noirs, des blancs, je ne veux pas une musique à trouvailles sonores. Je voudrais une musique généreuse qui englobe tout ça."
Il voulait une musique fédératrice, qui s’adresse au cœur des spectateurs et les relie à l’humanité. J'étais en concurrence avec de nombreux compositeurs, mais à la fin Gérard Oury m'a choisi et Louis de Funès à beaucoup aimé ma musique.
Ce fut un véritable challenge pour moi et au final, le film fut un grand succès.
2023 - Le Cours de la vie de Frédéric Sojcher.. la toute dernière composition de musique de film de Vladimir Cosma
Joseph Lustro : Vous avez écrit plus de 500 musiques de films, et vous qu'est-ce qui vous fait encore courir dans la vie ?
Vladimir Cosma : Je ne cours pas, la musique est ma vie, et c'est plutôt la musique qui me poursuit.
Ma passion est intacte, et comme pour Jean-Jacques Beineix qui avait une trentaine d'année à l'époque de Diva, je continuerai à composer pour des jeunes auteurs. Et je n'aime pas trop me projeter, le plus important est que je puisse continuer à jouer et à composer, c'est le plus important pour moi...
La dernière note et le dernier mot au Maestro :
"La bonne musique de film, c'est la bonne musique tout court, celle qui doit pouvoir s'écouter sans images"