- Auteur Viviane Le Ray
- Temps de lecture 9 min
Rencontre avec M. Björn Dahlström, directeur du Nouveau Musée National de Monaco
Monsieur Björn Dahlström, ancien directeur des musées Yves Saint-Laurent de Marrakech et Paris, et historien de l’art, dirige officiellement depuis le 1er avril 2021, les deux entités du Nouveau Musée National de Monaco (NMNM) que sont La Villa Sauber et la Villa Paloma.
M. Björn Dahlström, succède à Madame Marie-Claude Beaud, qui était à la tête de l’institution monégasque depuis 2009, et qu’il connaît bien, avec laquelle il a œuvré à la naissance du Musée d’art moderne de Luxembourg ; ensemble ils ont été commissaire et curateur de l’exposition Air Conditioned de l’artiste Su-Mei Tse : « Lion d’or de la meilleure participation nationale pour le Luxembourg » à la 50ème Biennale de Venise, en 2003…. Le nouveau directeur du NMNM, M. Björn Dahlström évoque pour notre magazine culturel son parcours professionnel et nous dévoile ses projets d'expositions.
Björn Dahlström, directeur du Nouveau Musée National de Monaco
La passion pour l'Histoire de l'Art
V.L.R : Monsieur Björn Dahlström, les moments marquants de votre parcours en tant qu'historien de l'art et conservateur ?
Björn Dahlström : J’exerce le métier d’historien de l’art pour lequel j’ai été formé sans trop de surprises, enfant j’étais attiré par l’histoire de l’Antiquité, j’allais dans les musées avec ma grand-mère paternelle qui m’a transmis cette passion. Au départ j’ai suivi des études de droit dans lesquelles je ne m’épanouissais pas vraiment, volontairement je me suis alors inscrit au concours de l’Ecole du Louvre. J’ai été reçu. Ma voie était désormais tracée. Je me suis d’abord intéressé à l’histoire des civilisations, à l’art patrimonial, les outils sont importants et indispensables, puis au fil du temps j’ai voulu connaître l’art contemporain, autrement dit : le monde en mouvement, comprendre, voir, étudier comment les artistes interagissent, expriment leurs questionnements, c’est tout ce langage actuel, qui m’intéresse aujourd’hui.
Björn Dahlström prend la direction du NMNM, le 1er avril 2021, succédant à Marie-Claude Beaud
V.L.R : Marie-Claude Beaud à qui vous succédez, a fait partie de votre parcours. Quand elle songe à cesser son activité au NMNM, elle vous propose de poser votre candidature. Comment vous étiez-vous rencontrés ?
Björn Dahlström : A 23 ans j’ai rencontré le metteur en scène américain Bob Wilson, dans le cadre d’une rétrospective au Petit Palais de l’œuvre du sculpteur Paul Landowski, pour mémoire Landowski a réalisé le Christ du Corcovado, à Rio. J’ai été associé, en tant qu’étudiant, à cette rétrospective. Landowski m’a fait venir aux USA dans sa Fondation, à Long Island et là j’ai fait la connaissance de Marie-Claude Beaud, qui venait d’être nommée au Musée d’art moderne de Luxembourg. Il se trouve bizarrerie de la vie qu’adolescent j’avais vécu à Luxembourg, ce fut entre nous un vrai coup de foudre professionnel, c’est alors qu’elle m’a proposé de rejoindre son équipe naissante de quatre personnes sur ce gros projet, c’est comme ça que j’ai quitté New-York pour travailler avec Marie-Claude Beaud durant 7 années pour la mise en place du musée avec son programme d’expositions, la création d’un nouveau lieu. Les rencontres seront d’ailleurs déterminantes dans ma vie professionnelle, par la suite j’ai fait la connaissance de Pierre Bergé qui me confiera la création de son Musée Berbère dans les jardins de la Fondation Majorelle, à Marrakech, il m’associera à ma maîtrise d’ouvrage, plus tard il me confiera la direction du Musée Yves Saint-Laurent, puis je dirigerai le musée Saint-Laurent à Paris.
V.L.R : De Pierre Bergé à Yves Saint-Laurent on peut penser qu’il n’y a qu’un pas… L’avez-vous franchi facilement ? Quelques mots sur votre découverte de l’univers de la mode ?
Björn Dahlström : Lorsque j’ai commencé à travailler pour la Fondation Saint-Laurent, Yves Saint-Laurent était décédé, mais je l’avais croisé parce que je connaissais bien les équipes qui travaillaient rue Marceau à Paris à la Fondation aux premières expositions, ce devait être en 2003 et déjà à l’époque malheureusement Yves Saint-Laurent avait une vie mondaine, sociale limitée, donc j’ai beaucoup travaillé avec Pierre Bergé.
V.L.R : A votre arrivée en Principauté, vous avez été présenté à la presse comme un directeur s’inscrivant « dans la continuité ».
Björn Dahlström : Quand Marie-Claude Beaud est arrivée en Principauté, la villa Paloma était une nouvelle institution, donc de nouveaux espaces lui ont permis de recenser les collections, c’est pourquoi lorsque j’ai dit que je m’inscrivais « dans la continuité », je parlais de la cohérence entre le lieu et les collections, je trouve intéressante la diversité des œuvres d’une même collection, nous avons 10 000 objets à charge qui relient les arts et traditions populaires, nous avons des collections africaines, nous avons les dépôts de la Société des Bains de Mer à travers les maquettes et les costumes des Ballets russes, un peu d’art moderne du début du XXème siècle, un fonds Van Dongen très important et puis un axe contemporain qui avait été développé dans un premier temps par Jean-Michel Bohours, mais surtout par a suite par Marie-Claude Beaud. L’intérêt de ce musée et que sa collection est extrêmement hétéroclite et qu’elle reflète en même temps l’histoire et l’identité monégasque. Donc bien sûr j’entends m’inscrire dans cette histoire, mais bien évidemment avec ma personnalité ! Déjà je vais peut-être tenir davantage compte de saisonnalité, peut-être que l’été nous présenterons des expositions un peu plus grand public. J’ai regardé la typologie dans l’art contemporain il y a des dialogues à continuer d’établir, un travail de fond à développer plus particulièrement en hiver avec un public davantage scolaire, c’est vers ces axes que je me dirige…
Un programme d'expositions "un peu plus grand public" au NMNM
V.L.R : A quels thèmes songez-vous plus particulièrement pour le futur du Musée national ?
Björn Dahlström : Les axes qui m’intéressent davantage sont le monde du spectacle, la performance, le contexte botanique, de par mon parcours les arts liés à la mode évidemment. Mon programme pour cet été 2022 en est une illustration, avec l’exposition dédiée à Helmut Newton qui est un des artistes résidents à Monaco les plus importants du XXème siècle. Je souhaiterais faire mieux savoir que des grandes personnalités ont traversé la Principauté. L’exposition « Tremblements » actuellement présentée à la Villa Paloma est an quelque sorte un passage de relais présentant les œuvres acquises depuis 10 ans sous la direction de Marie-Claude Beaud.
V.L.R : J’imagine que vous aborderez l’art, peut-être lié au monde de la mode… A ce propos quelles sont les années Saint-Laurent qui vous inspireraient pour le NMNM ?
Björn Dahlström : Monaco est un lieu où la mode a eu sa place et l’a toujours. Je suis entrain d’y réfléchir, il faut trouver un écho avec l’idée que l’on se fait de Monaco ou que l’on devrait s‘en faire. J’ai travaillé 6 ans sur un musée monographique, le Musée Yves-Saint-Laurent, je dirai que je suis sensible à l’univers Saint-Laurent plus qu’à des époques de sa création, par exemple quand il emprunte aux Ballets russes, la fameuse collection de 1976, quand il emprunte à l’Orient, ses passementeries, ses couleurs, ses velours, je suis sensible à sa façon de détourner un mélanges d’inspirations pour arriver à des nouveautés, à chaque fois qu’il détourne : par exemple avec le smoking lorsqu’il emprunte à l’homme pour déplacer le vestiaire vers la femme et lui confère une grande féminité. Saint-Laurent a fait basculer les codes, avec élégance. Un vrai révolutionnaire !
Les expositions de l'été 2022 à la villa Paloma et à la villa Sauber
V.L.R : Pouvez-vous lever une partie du voile, pour ProjecteurTv, sur les expositions de l’été 2022 à la villa Paloma et à la villa Sauber ?
Björn Dahlström : Une exposition intitulée « Newton, Riviera » sera présentée, dans le cadre de la Villa Sauber du 17 juin au 13 novembre 2022. Elle retrace une période qui court de 1981 à 2004 (date de sa mort dans un accident de voiture) c’est une période des plus prolifiques et, la plus libre de sa carrière. Monaco offre à Newton un cadre original à ses photographies de mode. C’est à Monaco, que Newton s’essaye enfin au paysage, un genre photographique qu’il n’avait pas abordé jusqu’alors… Cette présentation rappelle les liens anciens de Newton avec la Côte d’Azur, en particulier Ramatuelle, mais surtout Monaco où il a résidé, mais aussi l’Italie … A la Villa Paloma du 9 juillet au 16 octobre 2022 sous le Commissariat de Célia Bernasconi, Conservateur en Chef du NMNM, le public découvrira l’exposition “Christian Bérard, Excentrique Bébé » s’inscrit dans la continuité d’un programme du NMNM consacré à l'esthétique développée par Serge de Diaghilev à Monte-Carlo. Bérard a œuvré librement dans de nombreux cercles et domaines artistiques. Peintre, décorateur et costumier de théâtre et de cinéma, dessinateur de mode, décorateur d’intérieur, Christian Bérard fut longtemps relégué à la marge d’une histoire officielle de l’art moderne. Et pourtant ; de Villefranche-sur Mer, où il rencontre Cocteau en 1924, à Monaco, où il signe en 1932 son premier projet pour les Ballets Russes, en passant par la Villa de Charles et Marie-Laure de Noailles à Hyères, ils réalisera plus de deux-cent tableaux, dessins, photographies et décors d’intérieurs rassemblés pour l’exposition qui raconte une vie de rencontres et de collaborations avec les plus grands créateurs de son temps, parmi lesquels figurent Jean-Michel Frank, Christian Dior et Gabrielle Chanel.
V.L.R : Quelques mots sur l’exposition actuellement présentée à la Villa Sauber « Monaco-Alexandrie, le grand détour…»
Björn Dahlström : : L’exposition « Monaco-Alexandrie, le grand détour. Villes-mondes et surréalisme » cosmopolite » a été construite par ses commissaires, Morad Montazami et Madeleine de Colnet, comme un dialogue entre deux ports emblématiques de la Méditerranée. En traçant de nombreux itinéraires dans cet intervalle, ils invitent le visiteur à repenser l’histoire de la modernité autour de grands ensembles d’œuvres et de thématiques qui dépassent les histoires nationales et officielles, pour raconter les trajectoires multiples des artistes, leurs rencontres, et le foisonnement de leurs interactions et de leurs influences. »