- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 5 min
Rencontre avec Robin Renucci, Directeur de la Criée – Théâtre national de Marseille
Robin Renucci a pris ses fonctions de Directeur de La Criée, Centre Dramatique National de Marseille, le 1er Juillet 2022. Rencontre avec celui pour qui le partage avec le public est essentiel.
Interview vidéo – Robin Renucci – directeur de La Criée, théâtre national de Marseille ©Marie-Céline
Fils spirituel du grand théâtre populaire, Robin Renucci a débuté sa première saison en sa qualité de directeur de la Criée, théâtre national de Marseille, par un spectacle coup de cœur en collaboration avec Serge Valletti, « A la paix », un Aristophane revisité, à l’attention du public marseillais, avec l’espoir, exaucé depuis, « de toucher le cœur et l’esprit de notre public, et créer un moment d’évasion, de réflexion et de célébration de la paix. » Nul message ne pouvait autant communiquer la volonté avec laquelle le nouveau directeur, qui succède à Macha Makeïeff, désire porter l’esprit du théâtre.
Robin Renucci - directeur de La Criée, Théâtre national Marseille
Les valeurs de l’éducation populaire
Robin Renucci, acteur et réalisateur, commence très tôt sa carrière, à l’âge de 16 ans, à Valréas, dans l’enclave des papes. Il y rencontre ce qui sera son ADN et fera le fondement de son approche théâtrale, le lien avec le public. L’œuvre qu’il construira dorénavant portera en elle tous les facteurs de la médiation culturelle. Robin Renucci, non seulement, compose avec le public mais veut construire avec lui quelque chose dans un souci d’émancipation et de solidarité qui sont les valeurs de l’éducation populaire.
Ravi d’avoir été nommé à la direction du théâtre de cette grande ville qui ouvre sur le port, son chemin -en lui succédant deux fois- croise celui de Marcel Maréchal, fondateur, en 1981, de cette belle et grande histoire de la Criée. Et, une première fois en 2011 à la tête des Tréteaux de France, ce magnifique théâtre itinérant où Robin Renucci développe la question des territoires de France et de la diversité des publics.
Le public, destinateur de l’œuvre
Robin Renucci est passionné par Marseille, lieu d’arrivée, de départ, Marseille et sa population très métissée où tout se créolise, avec une géographie politique et artistique qui le touche au premier abord. Le public, dit-il, n’est pas le destinataire de ce que l’on fait, l’adresse qu’on cherche à avoir avec lui, mais le destinateur. Lui-même vous renvoie quelque chose. A cette fin, beaucoup de choses sont faites avec le public, notamment beaucoup d’ateliers.
Un autre regard
« Pour les droits de chacun à son imaginaire, pour une vie ensemble et solidaire. »
Très soucieux de la relation avec le public, Robin Renucci conçoit le Théâtre de la Criée comme une maison du peuple où les droits sont inscrits sur la façade. A cette fin, il y instaure trois endroits cruciaux :
- L’espace esthétique : on y voit les spectacles dans deux très grandes belles salles, la salle Demeter de 800 places, et la salle Ouranos de 300 places.
- Des ateliers de pratique pour les amateurs, pour les professionnels, pour le corps enseignant, un atelier mensuel ouvert à tous
- l’expérience pratique, les débats, les échanges avec le public
Des parcours de transmission
Le premier spectacle, A la paix, première œuvre proposée aux Marseillais avec une écriture marseillaise, a été un spectacle de directeur plus que de metteur en scène ; un spectacle entièrement répété à Marseille avec des répétitions ouvertes au public et incluant des éléments du public. Les outils, les accessoires, le décor, ont été construits à Marseille. Cinq jeunes gens de L’ERACM en formation d’acteurs du spectacle vivant à l’école de Cannes et de Marseille, ont participé à l’aventure et ont joué dans le spectacle avec des contrats d’apprentis, un peu comme des compagnons dans le cadre artisanal. Ce sont des parcours de transmission.
La force des auteurs
Très sensible aux questions de la langue ainsi qu’à la voix chantée, Robin Renucci croit en la force des auteurs et surtout à leur réactualisation par des autrices et des auteurs contemporains à qui il donne une grande importance ainsi qu’à la place des femmes dans les mises en scène. Robin Renucci privilégie les auteurs, les autrices, les acteurs, les actrices qui se préoccupent du public et de l’adresse qu’ils ont avec le public. Il défend sa mission d’accompagnement, certes, mais aussi de découvreur de jeunes talents. Lui qui vient de la grande histoire et se réclame de Jean Dasté, fondateur de la Comédie de Saint-Etienne, qui jouait avec ses masques dans les usines, dans les écoles ; lui qui se réclame de Charles Dullin, de Louis Jouvet, de Jacques Copeau, lui veut une relation très forte avec le public.
L’endroit premier du théâtre, l’imaginaire
Montaigne dit une chose très belle, « la parole est de moitié à celui qui la prend et à celui qui l’écoute ». L’endroit premier du théâtre c’est l’imaginaire en train de se construire avec le public au moment où les mots passent par la pensée de quelqu’un, le lecteur, arrivent à la pensée de l’auditeur, le spectateur. Il se passe quelque chose d’essentiel à ce moment-là. La question de l’imaginaire est un droit et il est très souvent oublié. Chez Robin Renucci, le théâtre englobe beaucoup de choses, notamment la poésie qu’il affectionne, mais aussi la musique. Il y aura une place musicale importante également dans cette maison, le cirque, l’architecture ; tout théâtre se préoccupe de question de décors, d’espace. La peinture est également une source extraordinaire de vivification de l’imaginaire.