- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 6 min
Marion Rampal, le Jazz dans la peau
Rencontre avec Marion Rampal, révélation des Victoires du Jazz 2022. Elle présente en avant-première au Théâtre de l’Oeuvre à Marseille, sa ville natale, son nouvel album Oizel, un opus aux couleurs du jazz, de la folk et de la poésie.
©Alice Lemarin
C’est au Théâtre de l’Oeuvre à Marseille que Marion Rampal présente en avant-première son nouvel album, Oizel, dont la sortie officielle est le 2 février 2024. Elle sera en concert les 31 janvier et 1er février dans sa ville natale, avant sa tournée en France dans les plus grands festivals de jazz, dont le Festival Jazz sous les Pommiers, en Normandie.
Concocté avec son complice et guitariste Matthis Pascaud, son opus -11 chansons d’émotion pure et de grâce éthérée- fait la part belle à ses influences folk et pop. Entre complaintes poignantes et refrains gouailleurs, il résonne comme une vibrante déclaration d’indépendance et fait entendre le chant doux et farouche, tendre et indiscipliné, d’une artiste et d’une femme imperméable aux modes, magnifique d’inventivité et somptueusement émouvante.
Marion Rampal, révélation Victoires de la Musique Jazz 2022
Marion Rampal, artiste vocale aux Victoires du Jazz 2022, est l’étoile montante du jazz. Chanteuse, autrice, compositrice, musicienne Marion Rampal est née à Marseille. Cette jeune artiste, qui a travaillé avec les plus grands, trace sa route avec ses propres compositions conciliant avec une grande liberté jazz, blues et chanson et tissant un lien entre mémoire et invention, mot et mélodie, musiques populaires afro-américaines et racines classiques occidentales.
Rencontre avec la musicienne Marion Rampal, elle nous présente son dernier album Oizel
Bonjour Marion Rampal. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Marion Rampal – Je suis chanteuse, à la fois interprète, à la fois autrice-compositrice. J’écris des chansons depuis toujours et en parallèle, j’aime chanter des répertoires existants. Je me suis intéressée à beaucoup de répertoire, évidemment le jazz mais plus largement la musique noire américaine traditionnelle ; mais aussi les vieilles chansons d’Amérique du Nord, en français. C’est vraiment ma marotte en ce moment, le cabaret berlinois, la mélodie française. Dernièrement je me suis beaucoup attachée à écrire et chanter en français, une découverte un peu sur le tard pour moi qui chantais beaucoup du répertoire américain ou folk en anglais. C’est en allant dans le sud des Etats-Unis, en Louisiane, que m’est venu l’envie d’explorer le français, un français qui est plus du francophone que du français. Je m’influence beaucoup, pour écrire, de chansons qui viennent d’Acadie ou du Québec, mais aussi de vieilles chansons françaises qui ont voyagé. Sur plusieurs années, j’ai essayé de construire un style bien à moi, dans le chant et dans l’écriture.
La Louisiane… L’hérédité de la Louisiane française des 17e et 18e siècles y est encore très vive ?
« J’avais besoin, pour aborder ma langue maternelle, de passer par l’ailleurs… »
Marion Rampal – Il y a encore beaucoup de gens qui parlent et chantent le Français en Louisiane. On peut citer les Créoles louisianais, le français cadien ou le cajun. Il y a aussi les peuples autochtones de Louisiane qui étaient sous influence française et qui ont gardé le français comme langue bien à eux. Pour eux, le français n’est pas forcément la langue impérialiste, ça a été plutôt l’anglais dans l’histoire. Je pense que c’est en écoutant des a-capella de vieilles chansons françaises, presque méconnaissables, collectées chez des femmes, des chanteuses traditionnelles, chez elle, dans leurs cuisines, sur leurs terrasses, que j’ai été charmée par ces chansons qui avaient voyagé, qui avaient été baignées au contact d’autres cultures. Je me suis plongée dans cet imaginaire-là. J’avais besoin, pour aborder ma langue maternelle, de passer par l’ailleurs, l’étranger, par l’exil un peu.
C’est un peu ce que vous êtes Marion, besoin du contact des autres ?
« Comprendre quelque chose de l’autre nous aide à comprendre quelque chose de soi. »
Marion Rampal – C’est un peu un geste anthropologique. Je m’intéresse beaucoup à l’anthropologie. Je trouve intéressant de comprendre quelque chose de l’autre parce que ça nous aide à comprendre quelque chose de soi et de mettre en évidence des liens très forts, des sortes de permanences, de couches, comme des strates historiques.
Un rapport à la musique et à la lutte des noirs pour leur liberté ?
Marion Rampal – C’est plus quelque chose que j’ai découvert d’abord au contact des cultures de la Nouvelle-Orléans, surtout au contact d’Archie Shepp avec qui je travaille depuis très longtemps. C’est quelqu’un qui est très ancré dans la lutte de son peuple, un porte-voix. J’y suis très sensible. J’ai été amenée à chanter auprès de lui, auprès d’autres musiciens noirs-américains. Je parle souvent de l’exil, de l’injustice, de la liberté, de l’espoir, parce que c’est une façon un peu critique, un peu politique de me positionner dans mes chansons. Ce n’est pas mon histoire mais si on regarde en filigrane il y a ces questions-là chez moi.
Ce n’est pas votre histoire, c’est notre Histoire à tous…
Marion Rampal – Oui, on essaie de faire quelque chose entre l’intime et l’universel. La chanson et la musique viennent raconter des choses, restructurer des choses de nos expériences. Les gens comme Pierre Barhou ou Léonard Cohen m’influencent beaucoup dans leur poésie. Ils arrivent à trouver cette place du poète dans la société.
Oizel, le dernier album de Marion Rampal après Tissé
Oizel, cet opus au titre poétique, on en parle ?
« C’est un album que j’aurais rêvé d’appeler Merle mais comme merle ça fait un peu merde… »
Marion Rampal – Oizel, il est né facilement dans l’actu de Tissé. C’est une collaboration avec Mathieu Pascaud qui m’a beaucoup stimulée, qui m’a demandé de vraiment trouver mon centre expressif, mon écriture. Dans ce nouvel album j’avais envie d’insister sur ce côté jazz, folk et poétique aussi. C’est un album que j’aurais rêvé d’appeler Merle mais comme merle ça fait un peu merde… En tournant autour du merle parce que c’est une figure qui est vraiment centrale dans le disque, ce rapport à l’oiseau, je cherchais des noms anciens. Oizel, c’est un nom très ancien, plus très usité, pour parler de l’oiseau et le disque sort le 2 février.
Vous êtes à Marseille, au Théâtre de l’œuvre, les 31 janvier et 1er février 2024, une tournée de prévue ?
Marion Rampal – Oui, nous allons passer par Hyères, Lyon, Besançon… Il y a beaucoup de dates prévues. On sera sur des festivals également. Et j’ai la grande chance d’être résidente pendant trois ans au Festival Jazz sous les Pommiers en Normandie, un très gros festival de jazz qui va accompagner tous mes projets pendant trois ans.
Ma dernière demande, quelle est votre conception du bonheur ?
Marion Rampal – C’est le lien, le lien avec le monde et le lien avec les autres.