Publié le 02/07/2024

‘Bunker’ : Julie Depardieu est Magda Goebbels

Rencontre avec Julie Depardieu, comédienne, actrice, réalisatrice. Elle incarnera Magda Goebbels dans “Bunker”au Festival Pierre Cardin, à Lacoste, le 14 juillet 2024 à 21h30. Le terrible destin de la première dame du troisième Reich, mère six fois infanticide.

Interview Julie Depardieu theatre Bunker

Bunker, Lettres de Magda Goebbels - Une pièce de théâtre de Christian Siméon sous forme d'une correspondance fictive avec Julie Depardieu et Stefan Druet Toukaïeff. Festival Pierre Cardin – Lacoste - 14 juillet 2024 – 21h30

Julie Depardieu est Magda Goebbels au théâtre dans Bunker

Une Médée glaçante… pour ne pas oublier l’insoutenable

Cette pièce de Christian Siméon, avec Julie Depardieu et Stefan Druet Toukaïeff, dévoile, au travers d’une correspondance, le terrible destin de la première dame du troisième Reich, mère six fois infanticide, véritable Médée glaçante. Ne pas oublier l’insoutenable, prendre la mesure de la fragilité humaine, c’est en exergue ce que nous dit Magda, cette femme cultivée victime de son aveuglement.

Julie Depardieu et Stefan Druet Toukaïeff

Nous avons rencontré Julie Depardieu.

Julie Depardieu, comédienne, actrice, réalisatrice....

Entre les personnages auxquels vous donnez vie sur scène, tels que celui de Misia Sert, reine de Paris, figure majeure de la vie artistique de la Belle Époque, femme libre, libérée, et celui de Magda Goebbels, fascinée par la figure d’Hitler, épouse obéissante, 7 fois infanticide, il y a un fossé. C’est une véritable gageure pour une comédienne ?

Julie Depardieu - Oui, interpréter un monstre, c'est très intéressant ! 

L’existence de cette femme, c’est aussi montrer la puissance d’un endoctrinement, la fragilité de l'humain ?

« On est tous un peu Magda. »

Julie Depardieu – Bien sûr ! On est tous un peu Magda. La fragilité humaine, oui, parce que Magda est une femme, au départ, très prometteuse, très intelligente qui est complètement réfugiée dans la lecture. C’est quelqu'un d’hyper cultivée et elle va se faire embrigader comme dans une secte. On en est tous capable de ça !  Ça montre déjà un petit pan de l'histoire et de la fragilité humaine, oui, parce qu’on se dit de Magda au début « Mais elle doit être sympa cette fille, elle parle français, élevée en Belgique, polyglotte, très intelligente, très ambitieuse » et elle va sombrer dans l’endoctrinement. Je trouve que c'est un témoignage intéressant. 

Dans le contexte actuel, interpréter Bunker alors que le monde est déchiré…Est-ce plus difficile, y avez-vous pensé ?

« C’est intéressant de ne pas rayer l’histoire. »

Julie Depardieu – Oui, c’est horrible ! Bien sûr que j'y ai pensé mais à partir du moment que c'est un témoignage historique où on essaye d'expliquer ce qu'une femme et un homme, dans une tourmente idéologique, ont pu faire, c'est intéressant de pas rayer l'histoire. Je me souviens quand on a joué à Paris, il y avait un jeune homme de 15 ans. C’est important de rappeler ce qui s'est passé, et dans la tête de tout le monde et dans la tête des bourreaux. C'est une femme qui n'a pas eu d'autre choix pour elle que de le faire et elle sauve ses enfants les tuant. C’est comme Médée… 

Comment sort-on émotionnellement d’un tel rôle et est-ce qu'on arrive à vraiment cloisonner sa vie et celle de la scène ?

« C’est monstrueux mais c’est réjouissant au niveau de l’apprentissage… On est toujours un apprenti… »

Julie Depardieu - C'est une façon d'apprendre son métier. Pour moi qui suis habituée à interpréter des trucs assez proches de moi, là c'est vrai que j'ai eu l'impression, entre la première fois où je l'ai joué et maintenant, que j'ai mis une petite distance et que c'est quelque part apprendre son métier. Au début, c'est vrai, tu sors et c’est vachement compliqué de se faire applaudir sur ça. Toi, dans ta tête, tu te dis, non mais attends je suis en train de recevoir des applaudissements pour interpréter un monstre ! Qu'est-ce que je fais !! c’est compliqué. Cela étant, tu t'habitues, plus, à ressentir ça parce que tu ne peux pas faire semblant de tuer des enfants. Il y a forcément quelque chose de toi qui est obligé d’au moins penser un petit peu ce que tu dis. Bien sûr, c'est monstrueux et je trouve que c'est réjouissant au niveau de l'apprentissage. On est toujours un apprenti, surtout dans ces métiers où, moi, je n’ai pas fait d'école. J'ai toujours joué des trucs où je me voyais. 

« J’ai pu me voir au départ dans cette jeune fille qu’on appelle Magda et qui n’est pas encore Goebbels »

Julie Depardieu -J’ai pu me voir au départ dans cette jeune fille qu'on appelle Magda, pas encore Goebbels. Au début elle aime passionnément un type qui est un des fondateurs de l'état d'Israël bien avant la guerre. Elle est très amoureuse de lui au point de porter une étoile de David à son poignet. C'est quelqu'un qui est très philosémite, elle aime la culture juive.  On ne peut pas faire semblant. On se met dans la situation de cette pauvre Magda qui à la fin de sa vie est une pauvre femme. En arriver là après tout ce qu’elle a eu, c’est hallucinant ! Sa mère disait d'elle : « Magda, ça ne va jamais ; on lui donne ça, elle veut ça ! ». Avec l’insatisfaction permanente et l'ambition, je pense que son intelligence s’est effacée. J’ai vu un documentaire il y a très peu de temps qui démontrait que les nazis étaient tous drogués. Les langues se délient. Evidemment, pour faire ça on l’imagine bien. On dit qu’Hitler, dans son bunker, était en manque. Arriver à faire n’importe quoi, croire à une idée plus que tout alors qu’on sait très bien que les enfants des hauts dignitaires n'ont pas eu d'ennuis ; ils ont tous survécus. Elle a tué tout le monde, c'est hallucinant et c'est de toute façon intéressant pour une fille comme moi de jouer ça évidemment. Après que ça soit facile ou dur, là cela m’est moins pénible qu'au début où vraiment ça a été difficile. 

Vous connaissez le Festival Pierre Cardin à Lacoste ?

Julie Depardieu - Je connais de nom mais je ne suis jamais allée. C’est une première ; il faut toujours faire faire des trucs qu'on n'a pas déjà faites.  

Quelque chose à ajouter ?

« Se re-mémoriser le passé »

Julie Depardieu – C’est toujours intéressant d'avoir un regard du Sud sur ce que l'on peut faire, surtout en ces périodes tourmentées, ce que l'on est capable de faire, c'est hallucinant.  C'est toujours bien d'avoir un regard sur ça et de se re-mémoriser ce qui s'est passé. 

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