- Auteur Thierry de Lestang-Parade
- Temps de lecture 5 min
François Berléand « Le dessin n’est pas primitif, il est primordial»
Interview de François Berléand, parrain d’honneur de l’édition 2025 du Festival du dessin d’Arles. Rencontre entre passion, disponibilité, authenticité.

François Berléand, une âme d’origine slave, à la conquête du beau. ©Thierry de Lestang-Parade
François Berléand, parrain d'honneur du festival du dessin d'Arles 2025, est venu apprécier le vendredi 11 avril, les expositions proposées jusqu'au 11 mai dans treize lieux accueillant 2000 dessins. Une formidable tribune pour apprécier les œuvres de Jean Moulin, Zadkine, Jean-Baptiste Camille Corot
, Alan Vega, Folon, deux siècles d'estampes japonaises et beaucoup d'autres merveilles.
François Berléand a séduit aisément tous ses interlocuteurs lors de son séjour en Provence. Il s'est montré disponible, authentique et éloigné d'une gentillesse préfabriquée. Il est discret, pudique, et en même temps généreux pour évoquer l'art. D'origine slave, il porte en lui bien des douleurs léguées par les siècles comme Romain Gary ou Joseph Kessel. Son élégante mélancolie est perceptible quand il répond à nos questions.
Rencontre avec François Berléand, parrain du Festival du dessin d'Arles 2025
Vous vous intéressez au dessin pour quelles raisons?
François Berléand : J'ai baigné dans la peinture depuis tout petit. Tous les jeudis, j'allais au musée avec ma grand-mère maternelle ou paternelle. Avec la première, c'était plutôt Le Louvre. Avec l'autre, c'était plutôt l'art moderne plus difficile d'accès. Elle était Russe, elle préférait cette expression artistique même si elle se rendait aussi au Louvre. A la maison, ces visites étaient obligatoires.
Un fou de peinture
Le dessin est-il, selon vous, le moyen d'approcher au plus près de la vérité d'un artiste?
Dans l'art en général ou par rapport à la peinture?
Par rapport à la peinture.
Oui, je crois. J'ai beaucoup de tableaux chez moi. Je suis un fou de peinture. Je me suis orienté vers le dessin grâce à Edwart Vignot. Il m'a présenté un dessin de Degas que j'ai acheté. Il représente un postérieur de cheval. C'est une étude liée à un tableau. C'est extraordinaire. On se rend compte qu'un dessin comme cela représente en fait un grand tableau. C'est incroyable. La préparation d'un tableau passe par le tableau. Le dessin, c'est très important. Il y a des personnes qui ne sont que des dessinateurs comme Sempé, Reiser, pour lesquels j'ai le plus grand respect. Le dessin initie. Il est préparatoire à la peinture.
« Sempé, le plus grand dessinateur du monde »
Arles célèbre le dessin. Est-ce que le dessin souffre encore d'un regard condescendant par rapport à la peinture?
Je ne le pense pas. Pour les amateurs de peinture, le dessin est un passage obligé. La peinture en soi est extraordinaire. On se rend compte avec les peintres du IXXème siècle que le travail du dessin, ce n'est pas rien! Il n'est pas primitif, il est primordial. On a dessiné à toutes les époques. Je suis un fou de bande dessinée. On m'a réappris à lire en sixième. J'ai du passer par la bande dessinée pour apprendre à lire. Pourtant, techniquement, je savais lire. Je suis tombé sur une psychologue extraordinaire qui m'a fait aimer la lecture en passant par la bande dessinée.
Quels sont vos artistes préférés? Vos dessinateurs préférés?
En dessin? Parce qu'il y a le dessin artistique et la bande dessinée .
On va dire dessin artistique.
Pour moi, Sempé est le plus grand dessinateur du monde. Sans un mot, il va vous expliquer quelque chose d'exceptionnel. Après, mon préféré, de tous les dessins que j'ai, c'est Kline (1).
Comment fait-on pour acheter des dessins? Moi, je me suis trompé, j'ai acheté un Delacroix, il y avait un cachet mais il était faux!
Edward Vignot est le spécialiste de Delacroix.
J'aurais voulu le connaître. Le dessin était pas mal .
C'est le dessin qui est important. Un dessin, c'est comme un tableau, cela se fait expertiser. Si on vous le vend comme un Delacroix, il y a une facture marquée Delacroix. Après, vous pouvez contester.
«J'aime ou je n'aime pas.»
Justement, pour vous, les préoccupations financières sont-elles supérieures aux considérations esthétiques? Etes-vous capable de dire cela: "je vais acheter cette œuvre et dans dix ans, elle va valoir …."
Cela, je m'en moque complètement. Pour moi, c'est j'aime cela et si cela ne plaît pas au public, je n'y attache pas d'importance. C'est comme un livre, je l'aime et je le conseille. Si je ne l'aime pas, je ne le conseille pas même si c'est un grand auteur.
Moi, c'est j'aime ou j'aime pas. Le père d'un de mes meilleurs amis, Sébastien Graal, éditait Sempé. C'était un collectionneur de peinture inouï et nous avons discuté d'art. Il possédait un Bacon et un Hockney qu'il avait eus pour rien car ils n'étaient pas connus à l'époque. Cela me plaît.
Est-ce que le dessin vous inspire pour l'art du théâtre ou du cinéma? Y a t-il un lien avec la patience ou pas du tout?
La première chose que l'on voit quand on va répéter une pièce, c'est un dessin du décorateur. Après il y a une maquette .
Donc, il y a bien un lien
Il y en a un au théâtre. Au cinéma, il n'y a pas cela. D'ailleurs, il y a de moins en moins de décors au cinéma mais quand on entre dedans, il y a la moitié du personnage.
(1) François Berléand a prêté au festival de dessin d'Arles une œuvre de l'artiste américain Franz Kline datant de 1947. Elle est exposée au musée Réattu Arles.