- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 10 min
Un livre, un auteur, Michel Tsimaratos : “Repenser l’hôpital”
Rencontre avec Michel Tsimaratos, professeur de médecine, pédiatre et chef du service de pédiatrie à l’hôpital de la Timone.
Co-Auteur de "Repenser l'hôpital : Rendez-vous manqués et raisons d'espérer"
2ème édition du Salon du Livre de Marseille – Palais des Congrès
Succès colossal et Rencontres remarquables :
Plus de 9000 visiteurs venus de toute la région pour cette prestigieuse deuxième édition du Salon du livre de Marseille qui s’est tenue au Palais des Congrès du Parc Chanot les 7 et 8 décembre 2019. Gratuit et ouvert à tous, ce fut l'occasion de rencontrer ses auteurs préférés parmi les 60 présents, dont des stars de l’édition : Eric-Emmanuel Schmitt, Aurélie Valognes, Jean-Michel Jarre, Andréa Ferreol, Michel Drucker ...et tant d'autres! François David et Laurence Guglielmo, les organisateurs, ont réussi ce challenge de main de maître.
Rencontres, débat, conférences, dédicaces et animations en tous genres ont littéralement enchanté le public.
Après l’ouverture et l’inauguration en présence de Monsieur Lionel Royer-Perreaut qui représentait Mr Jean-Claude Gaudin et Mme Martine Vassal, un hommage à Jean-Claude Izzo avec son fils Sébastien et René Fregny a eu lieu.
Lecture par Alexandre Thibault. Présenté par Valérie Fedèle, Directrice du Château de la Buzine, Michel Drucker a dévoilé en avant-première des extraits de son prochain One Man show. La médaille Charles Aznavour lui a été remise par Richard Findykian et Patrick Kaiserlian. Michel Drucker a présenté Richard Schiffer dont le spectacle d'hypnose clôturant la soirée a émerveillé et ravi le public. Un cocktail dinatoire a eu lieu dans le palais des arts du Parc Chanot. Cocktail offert par La région Sud représentée par Mme Marie-Florence Bulteau-Rambaud en l'honneur des auteurs, éditeurs et partenaires. Pendant deux jours la mascotte du loup a amusé les plus petits et les plus grands.
Un livre, un auteur Michel Tsimaratos
"Repenser l'hôpital: Rendez-vous manqués et raisons d'espérer"
"Tout au long de son histoire, l'hôpital a connu de nombreuses réformes. La réforme de la T2A (tarification à l'activité) s'inscrivait dans une préoccupation d'amélioration du système de santé, mais elle a désorienté les personnels hospitaliers, mal préparés à ce changement. Dès sa mise en place, elle a entraîné une nouvelle forme de management et augmenté la pression déjà forte des exigences qualitatives et quantitatives dans un contexte de contraintes économiques et budgétaires. Dix ans après, les conditions de travail à l'hôpital se sont considérablement dégradées, faisant apparaître le risque d'épuisement professionnel.
La qualité et la sécurité ne doivent-elles concerner que les aspects médico-économiques? Les soins ont-ils tous vocation à être rentables ? La recomposition hospitalière a transformé des hôpitaux dédiés à l'accueil des malades en structures de production de soins fréquentés par des usagers. La santé publique est devenue un acteur de l'économie nationale.
Mettant en perspective la complexité, la densité, voire parfois l'incohérence du système actuel, les regards croisés de deux praticiens hospitaliers et d'une économiste de la santé permettent de faire un état des lieux assez éloigné des traditionnelles recommandations et rapports d'experts.
Le management pyramidal et hiérarchique, couplé à une vision purement financière, a vécu.
Il est urgent de replacer l'humain au cœur des préoccupations de tous les acteurs de la filière santé."
« Les soignants sont en très grande souffrance aujourd’hui dans les hôpitaux publics en France »
Après un premier contact durant le salon, nous rencontrons l’auteur dans son bureau, au 15e étage de l’Hôpital de la Timone. Le Docteur Michel Tsimaratos dirige un service de pédiatrie dans lequel sont accueillis les enfants malades des reins, du tube digestif ou souffrant de diabète. Il coordonne une équipe multidisciplinaire qui fait de l’enseignement et de la recherche, forme les pédiatres de demain et consacre toute son énergie aux maladies chroniques de l’enfant. C’est un homme jeune, souriant, qui répond volontiers à toutes nos questions, déclarant en préambule :
Dr Michel Tsimaratos : Je vous reçois mais je suis en grève, disons assimilé. Je suis professeur de médecine, pédiatre et j’exerce les fonctions de chef d’un service de pédiatrie à l’hôpital de la Timone, un service de pédiatrie qui soigne les maladies chroniques des enfants. Je suis spécialisé dans les maladies rénales dialyses transplantations infections urinaires calculs rénaux, mais dans mon service on accueille aussi des enfants qui ont des maladies digestives ou des maladies endocriniennes comme la maladie de Crohn ou le diabète. C’est un service qui accueille les enfants de toute la région et parfois même au-delà ; c’est un service de recours.
Projecteur TV : c’est-à-dire ?
Dr Michel Tsimaratos : Les médecins qui travaillent dans mon service sont au nombre de 17. Ce n’est pas un service où l’on vient par hasard. On vient en général soit parce qu’on a un problème précis, digestif, rénal ou endocrinien, ou adressé par un médecin qui a détecté une prise en charge qui justifie une recherche spécialisée. On accueille les enfants de toute la région, de Gap jusque près de Nice,
Même au-delà ?
Oui, certains types de traitements ne se font qu’à la Timone et quand ces enfants justifient d’être accueillis dans mon service, ils peuvent même venir d’un peu plus loin, de Montpellier parfois même de plus loin. Ce ne sont pas les cas les plus fréquents bien entendu mais cela peut arriver. Ils peuvent venir de Nice ou de Monaco, et quelquefois de l’autre côté de la Méditerranée pour un diagnostic ou une prise en charge.
De l’autre côté de la Méditerranée ?
Bien sûr, on accueille beaucoup d’enfants qui viennent d’Afrique du Nord quelquefois même de plus loin, soit dans le cadre de parcours coordonnés –on prévoit l’hospitalisation- soit lorsque ces enfants malheureusement arrivent aux urgences avec une maladie chronique sans avoir prévu de rester en France. Ils arrivent dans le service et on les prend en charge.
Et les enfants sans couverture sociale ?
Il y a des enfants qui sont couverts et d’autres qui ne le sont pas, mais la règlementation pour les enfants malades, c’est-à-dire pour les parents dont les enfants ne sont pas couverts –car vous savez qu’en France les enfants sont sous l’immatriculation de leurs parents- il existe des dispositions, dont l’aide médicale d’Etat, qui leur permet d’accéder aux soins. Lorsqu’on est sollicité pour notre savoir-faire et nos compétences par des enfants, soit dont les parents ne sont pas couverts, soit qu’ils sont réfugiés, soit des migrants, lorsque leur état de gravité est tel que si on ne les soignait pas il y aurait un risque pour leur vie, les dispositions règlementaires en vigueur nous permettent de les accueillir et de les soigner comme il faut.
Comment l’aide se met-elle en place ? Y-a-t-il un quota ?
Pas du tout. Lorsqu’on nous présente un cas qui justifie des soins particuliers et qu’on nous alerte sur le fait qu’il n’y a pas de droits ouverts pour cette personne, on sollicite les services sociaux et ce sont eux qui font les démarches. Nous nous consacrons aux soins. On n’est jamais dans un jugement de valeur par rapport aux soins à donner. On se consacre sur ce qu’on sait faire, c’est-à-dire organiser les soins et coordonner le parcours. Il est évident que lorsqu’on diagnostique un diabète à un enfant de trois ou quatre ans, c’est une maladie qui va durer toute la vie, donc il faut rentrer dans un parcours de soins coordonné. Là il y a une collaboration utile et fructueuse avec les services sociaux pour permettre à ces enfants de bénéficier des soins sans être en dehors des contraintes règlementaires dont ils dépendent. En aucun cas, nous les médecins, nous sommes amenés à répondre à des questions de quota ou de jugement de valeur : on peut ou on ne peut pas, on devrait ou on ne devrait pas. C’est le travail des services sociaux et ils le font très bien. Ce ne sont pas toujours des décisions simples, mais notre travail, qui est de prodiguer les soins de qualité au meilleur moment et au meilleur endroit, est garanti par le fait qu’il y a en France un système d’organisation, de services sociaux, qui nous permet de faire notre travail correctement.
Vous me dîtes, vous êtes en grève
En vous accueillant je vous ai dit je suis en grève parce que nous sommes aujourd’hui le 17 décembre 2019 et c’est une journée d’actions pour les hôpitaux publics sur tout le territoire métropolitain. Je m’associe pleinement à cette action. C’est pourquoi j’ai demandé, afin de permettre la continuité des soins des malades hospitalisés dans le service, à être assimilé pendant cette journée de façon à être solidaire de mes collègues qui font la grève et de permettre aux médecins du service qui le souhaitent de manifester. Je reste ici pour qu’il y ait toujours un médecin sur place dans le service.
En novembre la ministre de la santé Agnès Buzin a dévoilé un plan d’urgence pour l’hôpital. Ne seraient-ce que des becquetées d’oiseau ?
Non, je pense que le volume financier qui est mobilisé est considérable mais que l’organisation, l’administration notamment de tout cet argent fait en sorte que l’on ne voit pas bien comment cette somme mobilisée par l’Etat va améliorer le quotidien des soignants qui sont en très grande souffrance aujourd’hui dans les hôpitaux publics en France indépendamment du territoire concerné, Ile de France, notre région…
« Ce n’est pas un énième traité qui concerne l’hôpital. »
Vous avez écrit ce livre pour faire un état des lieux, analyser, comprendre, dénoncer ou apporter des pistes ?
Dr Michel Tsimaratos : Notre livre est un livre qui a été co-écrit par trois personnes, trois auteurs : le professeur Stéphanie Gentil, professeur de santé publique, Bénédicte Devictor qui est économiste de la Santé et moi-même qui suit praticien pédiatre. C’est un livre écrit par des gens qui sont au travail et dont le travail n’est pas d’écrire des livres mais d’être au quotidien à l’hôpital chacun dans sa discipline et sa spécialité, et qui ont un engagement quotidien. Ce n’est donc pas un énième traité qui concerne l’hôpital. Mais nous avons été témoins et acteurs de profonds changements dans les dix dernières années et nous avons souhaité accompagner ces changements en réformant nos pratiques, en les faisant évoluer et en enrichissant nos connaissances. Toute cette démarche de réformes régulières et de changements d’organisation auxquelles nous nous sommes astreints a généré chez nous une réflexion plus profonde. Cette réflexion s’est appuyée sur un certain nombre de difficultés que nous avons rencontrées en chemin.