- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 8 min
Juan Carmona, Zyriab des temps modernes
« Quel plaisir de participer à cet album qui mélange tout plein de musiques que j’aime, avec une sincérité et une authenticité rare. Quand on écoute ta musique Juan, on sent que c’est le cœur qui parle avec virtuosité. » Ibrahim Maalouf
Juan Carmona, soutenu par l’UNESCO, sort le 12 novembre, ‘Zyriab’, un disque qui fera date dans le répertoire des virtuoses de la musique arabo-andalouse.
Reconnu comme l’une des plus grandes figures du flamenco, le guitariste Juan Carmona collectionne les prix internationaux (Grand Prix Charles Cros, plusieurs nominations aux Latin GRAMMY Awards, Grand Prix Paco de Lucia…) et les concerts à travers le monde.
Zyriab, le dernier album de Juan Carmona, au son de la poésie et du patrimoine
Un clin d'oeil au grand prix Zyriab des virtuoses
Ce 12ème opus est une pépite. Un album concept au casting d’exception qui retrace le voyage du musicien poète Zyriab, faisant escale le long de la Méditerranée, d’oasis en caravansérails, parcourant 6.743 km de Bagdad à Cordoue. Chaque escale est une invitation musicale avec un artiste emblématique. Bien qu’ancré dans la tradition, les deux artistes ont en commun une vision moderne de la musique et la philosophie du voyage
Véritables passeurs, ils jettent des ponts entre les musiques de la Méditerranée, créant une nouvelle odyssée musicale. L’artiste rend ainsi hommage à ce musicien de génie, inventeur de la musique arabo-andalouse, en clin d’oeil au « Grand prix Zyriab des virtuoses » qui lui a été décerné par l’UNESCO, quelques années auparavant, coïncidence du destin... Le guitariste nous livre sa nouvelle version de Zyriab 6.7.
« Le Gitan Juan Carmona nous fait voyager de Bagdad à Cordoue, dans les pas de cet immense artiste qu’était Zyriab, né à Mossoul, éduqué à Badgad, accueilli à Cordoue comme un prince, père de la musique arabo-andalouse du IXème siècle sous Al-Andalus, mais aussi astronome, géographe, chantre du bien-vivre et poète de l’âme. Les titres interprétés par Juan Carmona parlent eux aussi à l’âme : « Pleure le vent », « La clé de ton coeur », « Salam » ou encore « Eau dorée » ou « Caravansérail » nous font traverser les siècles.
Le son de la guitare flamenca nous parle d’exil, d’errance, mais aussi de tendresse et d’accueil. Et surtout de liberté. Juan Carmona crée ainsi une alchimie, inspirée par ce voyage initiatique au coeur de la musique et de l’histoire, tout en préservant la véracité de ses propres racines, les enrichissant de notes et d’accents de cultures qui ont contribué à la grandeur de la péninsule ibérique et au-delà.
Il nous parle d’un temps qui n’est plus, mais dont l’âme continue de vibrer dès qu’il effleure les cordes de sa guitare. Il semble qu’on entend alors l’écho d’un oud à cinq cordes. C’est Zyriab qui sourit ». Marianne Poncelet - Vice-Présidente exécutive de l’International Yehudi Menuhin Foundation
Rencontre avec le guitariste Juan Carmona
Zyriab, regards croisés sur l'histoire de la musique arabo-andalouse au IXᵉ siècle et la sortie de l'album de Juan Carmona
Danielle Dufour-Verna/Projecteur tv – Bonjour Juan. Comment est venu le projet de l'album Zyriab ?
Juan Carmona - Pendant le confinement, je me suis retrouvé dans mon jardin et je me suis dit "Qu’est-ce-que je vais faire ?" En fait, cela faisait à peu-près deux ou trois ans que j’étais autour d’un projet à faire avec plusieurs pays, un hommage à Zyriab, ce fameux poète et inventeur de plein de choses. J’ai pensé que c’était peut-être le moment de le faire. Je me suis lancé dans cette aventure. Toutes les frontières étaient fermées. On ne pouvait pas trop voyager et j’ai fait ce projet avec environ huit pays, le Maroc, l’Algérie, le Liban, la Turquie, la Palestine etc. Je me suis lancé dans ce projet un peu fou, très difficile au moment que l’on traversait, cela m’a pris énormément de temps mais je l’ai mené à bien. J’ai composé pour toutes ces cultures totalement différentes. Là, je suis à la fin et j’en suis ravi. J’ai l’UNESCO comme partenaire, j’ai la Fondation…. J’ai eu un papier dans le monde. Je sens que c’est un projet qui plait beaucoup par le personnage qu’était Zyriab. Je me suis aperçu que peu de monde connaissait ce musicien poète du IXe siècle. C’est lui qui a amené les premiers conservatoires en Europe. C’est lui qui a inventé la 5e corde dans le Oud.
DDV – Zyriab était un poète, un musicien mais également un savant, un mathématicien…
Juan Carmona – Exactement. Il était astronome. C’est lui qui a inventé l’ordre des plats. C’est lui qui a inventé les vers, les dentifrices, les premiers instituts de beauté. C’est fou tout ce qu’a fait ce gars. Il était dans la gastronomie, dans la mode. On parle du IXe siècle ! En fait, Zyriab était un musicien à Bagdad. Son maitre, qui lui apprenait à jouer, était jaloux de lui. Très ami avec le calife, il le fait partir de Bagdad. C’est à partir de là qu’il traverse tous les pays que j’ai cités, pour arriver à Cordoue, Cordoba en Espagne et mourir là-bas. C’est quelqu’un qui a influencé énormément le monde flamenco. C’est l’inventeur de la musique arabo-andalouse. Tout mon projet part de là, de l’influence de Zyriab sur le monde flamenco en étant l’inventeur de la musique arabo-andalouse.
DDV – Vous en parlez avec passion. Pourquoi Zyriab ? Pourquoi lui ?
Juan Carmona – Pourquoi lui ? Parce que je trouvais que quelque part, c’est peut-être un peu prétentieux, je m’identifie complètement à lui. Je suis quelqu’un qui apprend beaucoup des autres. En voyageant, j’ai eu la chance de rencontrer des musiciens de tous horizons.
DDV – Un humaniste, Zyriab …
Juan Carmona – Exactement, un grand humaniste. C’était quelqu’un porté vers le futur. Je suis vraiment comme ça, vers le côté moderne. J’ai toujours aimé cela, avoir un profond respect pour la tradition mais aussi une vision moderne des choses. C’est ce qui m’a plu quelque part. Je me suis en quelque sorte vu en lui. C’est ce pourquoi j’ai mené ce projet à bien.
DDV – Est-ce aussi un hommage à la grande richesse ottomane dont on perd le souvenir ?
Zyriab, ça veut dire ‘Le merle noir'
Juan Carmona – C’est évident, forcément. Il y a tous ces détails qui sont très importants pour moi. Bien sûr que c’est un hommage à beaucoup de monde et beaucoup de cultures. C’est certain, oui, bien sûr. J’ai pris Zyriab parce que j’ai beaucoup aimé chez lui ce côté, bien sûr, musicien poète, mais aussi astronome. C’est presque le Léonard de Vinci de l’époque. C’était un visionnaire. C’est grâce à lui que nous avons les conservatoires en Europe. C’est lui qui a amené la première école de musique à Cordoue. Ce projet m’a plu, non seulement par la dimension du musicien, du poète, mais de tout ce qu’il a fait à côté, que les gens ne savent pas. Quand on trinque et qu’on dit ‘Chin’, c’est encore lui qui a inventé le ‘Chin’. Zyriab, ça veut dire ‘Le merle noir’. C’est ce personnage qui m’a énormément plu auquel j’ai voulu rendre hommage. Dans chaque pays où il est passé, j’ai invité un musicien emblématique. Bien sûr, Ibrahim Maalouf au Liban, en Turquie, Istambul Strings, en Palestine, les frères Joubran etc. A chaque fois, j’ai pris les ‘grosses pointures’ de chaque pays.
DDV – C'est pour cela que l’UNESCO vous suit sur ce projet ?
Juan Carmona – Oui. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en 2015 si mes souvenirs sont bons, l’UNESCO m’avait remis le prix Zyriab. Je suis le seul Européen à avoir ce prix. Ils l’ont donné à cinq ou six musiciens, des grandes stars de la musique du monde arabe mais je suis le seul Européen à l’avoir parce que j’avais déjà fait un projet sur le Maroc, quelque part un peu similaire. C’était la première fois que j’entendais le mot Zyriab. Je ne connaissais pas vraiment en 2015. C’est après que je me suis penché et que je me suis rendu compte de la grandeur de ce monsieur.
DDV – Le disque sort à quelle date ?
Juan Carmona – Notre album Zyriab sort le 12 novembre au niveau mondial chez ‘L’autre Distribution‘. Il y aura également un clip magnifique avec de splendides images. Il a été tourné entre Cordoba et un peu partout. Ce sera le début de la promotion. Nous avons des partenaires comme FIP, Radio France etc.
Vous pouvez retrouver Juan Carmona en concert en France et à l’étranger