- Auteur Marie Celine SOLERIEU
- Temps de lecture 8 min
Rencontre avec Pierre Derhet, ténor : “donner au public”
Suite de nos interviews : La Périchole - Opéra Grand Avignon
Rencontre avec Pierre Derhet, lors des répétitions .
Le jeune ténor belge interprète le rôle de Piquillo.
J'ai dû faire un petit peu attention avec mon accent pour les textes sinon je me faisais taper sur les doigts.
Avec le chant, vous gardez cet accent ?
Pierre Derhet : Dans le chant, cela va beaucoup mieux, mais là, nous avons beaucoup de textes parlés, et on l'entend un petit peu, je pense.
Vous avez commencé votre carrière chez vous ?
Pierre Derhet : J'ai commencé ma carrière en Belgique, à l'Opéra de Liège et le théâtre de La Monnaie. Puis j'ai eu de la chance de rencontrer mon agent qui est parisienne, et qui, maintenant, me fait auditionner en France. Et je commence à chanter sur vos terres...
L'Opéra d'Avignon, une première pour Pierre Dereht
L'Opéra d'Avignon, c'est une première pour vous, Pierre Derhet ?
Pierre Derhet : Oui, c'est la première fois que je chante à l'Opéra et que je visite la ville. Superbe ville d'ailleurs. J'ai un petit pincement au coeur de ne pas jouer au théâtre place de l'Horloge, qui est malheureusement en travaux, mais en même temps on est très bien accueilli à l'Opéra Confluence. C'est un vrai plaisir d'être là.
Avez vous déjà chanté dans un opéra où l'architecture est en bois ?
Pierre Derhet : Je ne pense pas... Je me demande si l'Opéra de Versailles n'est quand même pas beaucoup en bois, où j'ai eu la chance de chanter dans les Choeurs. Mais dans un opéra en bois, c'est la première fois.
Êtes vous sensible à cette matière ?
Pierre Derhet : Pas spécialement... Je trouve que la salle sonne très bien. On a déjà répété hier pour la première fois sur le plateau. Je ne suis pas perturbé à outre mesure par sa configuration.
Comment avez - vous fait la transition entre artiste de choeur et soliste ?
Pierre Derhet : C'est vrai que lorsque l'on est au Conservatoire, on nous propose de faire du Choeur. J'ai eu de la chance, à Namur où j'ai étudié, de voir le Choeur de Chambre de Namur, qui chante notamment en France. Un Choeur assez réputé. J'ai intégré ce Choeur, et j'ai fait des productions pendant 5-6 ans avec eux. je continue de temps en temps lorsque j'ai du temps libre, parce que c'est un peu comme la famille.
Petit à petit, je me suis tourné vers les rôles de solistes. J'ai eu l'opportunité d'être auditionné à Liège via le conservatoire, également. J'interprète de plus en plus des rôle solistes, mais j'avoue que j'aime bien de temps en temps de chanter dans les Choeurs.
Donner tout ce que l'on a à donner au public
Comment vous sentez-vous alors lorsque vous êtes seul face à vous-même ?
Pierre Derhet : C'est un sentiment qui est assez exaltant parce que l'on est devant un public qui nous écoute, et dont on a l'entière attention. C'est très agréable parce que l'on a l'impression que l'on peut donner tout ce que l'on a à donner. La plupart du temps, l'on sent que le public est fort réceptif. C'est agréable d'être soliste.
Cela fait- il du bien de voir le public face à soi, lorsque vous avez débuté votre carrière de soliste ?
Pierre Derhet : Ça fait du bien, ça fait peur parfois . Surtout devant un public que l'on ne connait pas. C'est vrai qu'en Belgique, dans les maisons d'opéra, j'ai l'habitude du public. On me connait un petit peu. Il y a une relation qui se fait malgré tout, même si on ne le connait pas personnellement . Mais on sait que les spectateurs sont bien attentionnés. Je sais qu'il y a des maisons d'opéra où le contact est assez difficile avec le public, et c'est assez effrayant de temps en temps de venir dans un endroit en se disant "Comment est-ce que l'on va m'accueillir ici ?"
Piquillo, un rôle de caractère
Pouvez-vous nous parler de votre rôle ?
Pierre Derhet : C'est Piquillo. Il est le fiancé de La Périchole en début de spectacle, et son mari à la fin du spectacle, sans dévoiler trop ce qu'il se passe...
C'est un personnage qui est très intéressant, car souvent, en tant que ténor, nous avons des rôles de jeunes premiers, de princes, presque niais...
Mais ici, Piquillo a un peu de caractère. Il ne se laisse pas faire par La Périchole, car il dit ce qu'il pense, et à la fois, il a ce côté touchant. C'est très agréable de pouvoir jouer différents caractères avec un seul personnage. C'est un personnage qui murit au fil de l'Histoire. Je pense qu'au début, il est un peu soumis à La Périchole. Ce sont deux artistes qui font la quête dans les rues de Lima. Petit à petit, il va dire ce qu'il pense. Il ne va pas se laisser faire ...
Comment cela se traduit-il, vocalement ?
Pierre Derhet : C'est un rôle qui est très bien écrit pour la voix de ténor.
Est-ce que le caractère se traduit vraiment dans le caractère d'Offenbach ? Je n'en suis pas sûr. C'est le caractère qu'on lui donne, nous sur scène, au fur et à mesure de l'oeuvre. Il y a une scène d'ailleurs où il a bien bu. C'est assez difficile à jouer d'ailleurs ! Il y a tout un jeu de comment se tenir en scène, comment évoluer sur le plateau, sans trop en faire, ni pas assez, pour que l'on comprenne qu'il ait bu... C'est assez délicat . J'ai dû pas mal travailler là dessus.
Comment ?
Pierre Derhet : En coulisses, lorsque j'ai deux, trois minutes, je me balade comme si j’étais saoul. Avant de rentrer en scène, je me mets en condition en me disant : "Fais comme si tu avais bu quelques bières !" (Parce que chez nous on aime bien la bière !) J'essaie de trouver des petits moyens pour y arriver.
Un premier "premier rôle" à l'Opéra Grand Avignon, pour Pierre Derhet
Avez-vous l'impression que ce rôle est une transition à travers votre carrière ?
Pierre Derhet : Peut-être ... En tous cas, il s'agit d'une grande étape dans l'ampleur du rôle. C'est vrai que comme je suis encore jeune, l'on m'a confié souvent des seconds rôles, et ici à l'Opéra Grand Avignon, j'ai vraiment la chance que l'on m'ait proposé un premier rôle. C'est vraiment très intéressant pour moi de pouvoir tester mes capacités à affronter un rôle qui est beaucoup plus conséquent et à voir comment je m'en sors aussi sur la Scène. Ça se passe bien. Je suis super content. On est une très belle équipe et c'est très chouette. Les gens sont sympas et tout va bien !
Quels sont vos prochains projets, Pierre Derhet ?
Pierre Derhet : Juste après Avignon, je pars à Paris, à l'Opéra Comique pour interpréter un rôle dans Fortunio de Messager, et puis je reviendrai dans le Sud, à l'Opéra de Nice, dans le rôle de Ferrando, dans Cosi fan tutte de Mozart.
Selon les rôles que l'on vous propose, y en a t-il certains pour lesquels vous ne vous sentez pas prêt vocalement ?
Pierre Derhet : Il est vrai que c'est assez délicat, car je sens que la voix murit encore. Sur certains rôles, il n'y a pas de problèmes. Mais certaines maisons d'opéras vous propose un rôle où je me demande si je vais savoir faire ça. Il y a alors tout un travail à faire avec son professeur de chant, son coach vocal, son agent, ses proches. les gens qui connaissent bien ma voix. Il faut aussi savoir se projeter car les rôles nous sont proposés 2 à 3 ans en avance. "Est ce que dans deux saisons, je serai capable d'interpréter ce rôle là ?" Je pense que c'est vraiment un travail de confiance avec les personnes qui nous sont proches. Ça ne m'est jamais arrivé, mais parfois on peut se dire que l'on n'est pas prêt et qu'il faut annuler. C'est vrai que c'est assez stressant ... "Est-ce que je vais y arriver ?"
Et ce sont dans ces circonstances que vous avez vraiment besoin d'être entouré ?
Pierre Derhet : Oui. Ce qui est difficile dans la vie de soliste, c'est d'être loin de ses proches et de pouvoir communiquer avec eux. Bien sûr, à l'heure actuelle, les moyens de communication sont ce qu'ils sont, mais le contact avec les proches est important. Et de ne pas avoir un feed back avec ce que je fais, c'est assez compliqué aussi .
C'est la vie d'artiste ?
Pierre Derhet : Oui! Et on fait tout pour être là !
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