Publié le 15/04/2021

Pierre Perret, libre et poète : « Farfadet, fantaisiste, ludion imprévisible »

Pierre Perret, auteur-compositeur-interprète, mais aussi acteur, écrivain ou encore gastronome, nous livre dans cette interview les secrets de son dernier album “Mes Adieux provisoires”. L’artiste sera le samedi 16 octobre 2021 au Théâtre Toursky de Marseille pour son spectacle éponyme. En attendant, rencontre intime avec celui qui a marqué les années 80 de la chanson française !

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Pierre Perret, l'une des grandes célébrités de la chanson française, sera le samedi 16 octobre 2021 au Théâtre International Toursky à Marseille. Courons l’applaudir car il intitule son dernier album - deux CD de 16 titres dont 3 inédits - et sa prochaine tournée : « Mes Adieux Provisoires ». Un titre prémonitoire ?

"Mes Adieux Provisoires"

Tournée 2021 de Pierre Perret

"Cent mille fois merci à vous qui fîtes ma gloire, j’aimerais tant croire que j’vous l’ai bien rendu." (Paroles de Mes Adieux Provisoires - 1ère chanson de l’album)

Un titre d'album et de tournée prémonitoire ?  La France perdrait alors son trublion préféré, un artiste éclectique qui, depuis "plus de 60 piges" secoue les consciences avec sa gouaille poétique. « Farfadet, fantaisiste, ludion imprévisible » ! Quelques mots encore, pour dire Pierre Perret, lui qui écrit : « L’humour est le seul vaccin contre la connerie… Le con, lui, n’a jamais trouvé la pharmacie ». Quelques mots empruntés à Pierre Perret lui-même, qui qualifie ainsi l’aphorisme dans son livre paru en juin 2020 « Aphorismes & Blues’ » :

"Farfadet et fantaisiste, ludion imprévisible, l’aphorisme s’avère être avant tout une aventure linguistique. (…)… C’est un rhétoricien fantaisiste, capable de se fourvoyer dans la poésie, dans l’ironie, l’absence totale de morale ou, damnation, dans un surréalisme échevelé qui n’ose parfois dire son nom ! L’aphorisme dit ce qu’il veut."

Avec « Les Confinis » : Pierre Perret fait plus de 3 Millions de vues sur Youtube

« Les fruits mûrs de mon imagination sont tombés naturellement dans ma guitare durant ce nauséabond confinement. »

Mieux que les plus grands rappeurs du moment !!!! C’est Pierre Perret, jeune homme âgé de 86 ans, qui « cartonne » sur Youtube avec sa nouvelle chanson, un titre phénomène : « Les Confinis ». Et "il envoie du lourd" !!! C’est un Pierre Perret fringant, piquant, inspiré, aux rimes –- mine de rien - diablement étudiées et aux mots qui tapent là où ça fait mal et qui nous font tellement de bien ! Avec des reprises – « les plus fortes à mes yeux, à mes oreilles et pour mon cœur… », c’est un album à écouter en boucle, du grand, de l’immense Pierre Perret.

« On peut rire de tout, mais pas pour rien. » Pierre Dac

Pierre Perret dit ce qu’il veut, et il le dit bien. Maniant l’art de la plume avec talent et délectation, plusieurs de ses chansons s’inscrivent en lettres d’or dans le paysage musical français.

« Je me presse de rire de peur d’être obligé d’en pleurer. » Pierre Desproges

En homme libre qui n’a pas oublié ses racines, Pierre Perret aime la vie, le partage, la cuisine, l’art, et l’humanité. Tout est dit de sa pensée dans ces paroles :

« Ma France à moi, c'est celle de 1789. Une France qui se lève, celle qui conteste, qui refuse, la France qui proteste qui veut savoir, c'est la France joyeuse, curieuse et érudite, la France de Molière qui tant se battit contre l'hypocrisie, celle de La Fontaine celle de Stendhal, de Balzac, celle de Jaurès, celle de Victor Hugo et de Jules Vallès, la France de l'invention, des chercheurs, celle de Pasteur, celle de Denis Papin et de Pierre et Marie Curie, la France des lettres, celle de Chateaubriand, de Montaigne, la France de la Poésie, celle de Musset,d'Eluard, de Baudelaire, de Verlaine et celle d'Aimé Césaire, la France qui combat tous les totalitarismes, tous les racismes, tous les intégrismes, l'obscurantisme et tout manichéisme, la France qui aime les mots, les mots doux, les mots d'amour, et aussi la liberté de dire des gros mots la France qui n'en finira jamais de détester le mot soumission et de choyer le mot révolte. »

Interview de Pierre Perret

Avenant, le rire au bord des lèvres, tel est l'auteur compositeur interprète que l'on connait !

« Je vous dis le secret mais ne le répétez pas. »

Danielle Dufour-Verna - ProjecteurTV : Vous avez appelé votre album et votre tournée « Mes Adieux Provisoires ». Est-ce une anticipation pour des adieux à la scène ?

Pierre Perret : Bin, ça arrivera bien un jour, oui. Mais, pour le moment, comme c’est pas définitif, bin, c’est que provisoire… (rires)

DDV : Deux CD de 16 titres dont 3 inédits où, après 60 piges de chansons comme vous le dîtes si bien, vous n’avez rien perdu ni de la gouaille, ni de l’engagement, ni de la force poétique et musicale, ni de la pugnacité qui vous caractérisent. Où trouvez-vous cette inspiration, cette envie ?

« Une envie perpétuelle »

Pierre Perret : Votre dernier mot est le plus juste par rapport à cette situation : une envie perpétuelle. J’ai tout le temps eu un grand plaisir, masochiste certes, à écrire des chansons. C’est un grand, grand travail, mais j’ai toujours aimé ça. Ça a été ma passion. Ce qui m’a guidé, c’est ma passion, c’est tout. J’ai pas grand mérite à ça. J’ai eu la chance de traverser la vie en faisant exactement ce que je souhaitais faire, que j’aimais faire, même si ça m’a fait transpirer souvent. C’est une saine transpiration pour moi parce que j’aime coucher sur le papier le fruit de mon imagination, des musiques aussi qui me viennent dans la tête et que j’applique en général aux paroles. J’entends la musique dans la tête quand j’écris les paroles. Je note cela tout de suite et après j’y travaille beaucoup dessus ; ça peut prendre trois jours, ça peut prendre trois ans et même parfois plus. Je vous dis le secret mais ne le répétez pas.

DDV : Cet humanisme qui vous habite, d’où vient-il ? De votre enfance ?

« Je pense que c’est une question de tempérament, j’ai pas grand mérite à ça. »

Pierre Perret : Oh, c’est des choses qui ne s’apprennent pas. Je pense que j’ai été élevé dans un milieu très modeste et j’ai fréquenté pendant très longtemps seulement des gens très humbles, modestes, qui étaient dans la galère, pour lesquels c’était au quotidien une espèce de survie que de vivre la vie qu’ils vivaient. La plupart travaillaient en usine. Si vous voulez, c’aurait pu être tous des gilets jaunes. Il leur manquait toujours quinze jours pour finir le mois. Ils savaient ce que c’était de manger des pâtes et du riz et encore souvent, ils n’en avaient même pas. Je pense que c’est une question de tempérament, j’ai pas grand mérite à ça. Je vous décris le milieu dans lequel j’ai grandi et d’être baigné là-dedans, ça m’a peut-être ouvert les yeux très tôt. J’étais peut-être plus mature que les autres enfants de mon âge à cette époque-là, du à mon environnement certainement… Il n’y a plus aujourd’hui la même défense des valeurs.

DDV : Mais le succès ne vous est jamais monté à la tête.

Pierre Perret : (Rires) Non, pas vraiment, non ! J’aime mieux essayer de rester lucide encore que ce soit un exercice très difficile. Humble on peut l’être. Personnellement, ce n’est pas ma nature que de rouler des mécaniques.

DDV : Pensez-vous que la culture est bâillonnée sous prétexte de la Covid ?

Pierre Perret : Même avant le Covid, la culture…. Il y a un manque à gagner si j’ose dire ? Trivialement, très flagrant, la place qu’on fait à la culture est de plus en plus congrue et je le regrette parce qu’il y a un grand manque à gagner là-dessus. Je pense que l’éducation dans les écoles, dans les collèges, dans les lycées, n’est peut-être pas très riche en ce domaine et je regrette que tous les ministres de la Culture et les ministres de l’enseignement aient été un peu laxistes sur plein, plein de valeurs et de personnages, d’histoire qu’on a oublié de magnifier au détriment d’autres valeurs. A mon avis, il y a beaucoup de choses que les enfants auraient intérêt à mieux travailler, à mieux connaître et ça les enrichirait un peu plus. Le reflet du courrier que je reçois par exemple, soit en courriel, en mail etc. aussi bien qu’en lettres à l’ancienne dans des enveloppes, le reflet, simplement dans la tournure des phrases et je ne parle même pas des fautes d’orthographe parce qu’il y en a parfois quatre par ligne, me navre. Ça me navre un peu de voir ça. Je me remémore à peu-près quand j’ai eu mon Certificat d’Études, c’était l’équivalent d’un Bac aujourd’hui, quasiment. Si je faisais une demi-faute dans une dictée, j’étais malade pendant dix jours. Les choses ont bien changé. Il n’y a pas que l’orthographe, il y a tout-de-même, à travers la poésie, l’histoire, la géographie, beaucoup de choses qui sont en carence. Je le déplore.

DDV : Pensez-vous que les chansons à message atteignent plus leur but quand elles s’expriment par le rire ou la dérision ?

Pierre Perret : Entre autre, oui ! Oui, parce que c’est une denrée de plus en plus rare, la dérision et l’autodérision surtout. Prenons simplement la dérision, c’est un exercice extrêmement périlleux, difficile. C’est un art de s’exprimer "tout dans la dentelle" et c’est très difficile, d’abord de pratiquer l’autodérision, mais la dérision à l’état pur, il y a peu de gens qui savent manier cela et quand j’en trouve un, dans les jeunes par exemple, qui s’exprime comme ça, c’est une perle rare. C’est infiniment rare. On trouve plutôt des messages avec : "des salauds, la police, qu’ils aillent se faire en…" Quand on entend ça vingt fois par jour, pour moi, ce n’est pas une poésie très encourageante. Ce sont des choses qui me navrent ; ça ne m’énerve pas, ça me navre.

DDV : Certaines de vos chansons font rire et restent encore plus en mémoire. Pourtant, des chansons comme "Lily" par exemple, sont devenues cultes. La question est : le rire met-il vraiment en mémoire un texte ou suffit-il d’avoir de la poésie avec une musicalité extraordinaire ?

Pierre Perret : La poésie peut exister aussi dans l’humour. "Le zizi" qui est une chanson tellement surréaliste avec une imagerie assez folle etc., a tellement amusé les gosses que, loin de le prendre pour une chanson triviale, ça les a fait rire. C’est une chanson qui ne voulait parler que de l’éducation sexuelle. Au lieu d’en parler avec les mots qu’on utilise à l’école, c’était plus drôle de le voir comme ça, en caricaturant et en même temps en disant les choses. C’est très difficile comme exercice à faire une chanson comme ça. Tout le monde pensait que c’était facile, pas vraiment ! Et je pense qu’on peut s’exprimer aussi comme ça parce qu’il y a aussi une poésie là-dedans, je pense.

DDV : Vous êtes programmé, le 16 octobre au Théâtre Toursky où vous vous êtes déjà produit. Que pensez-vous de Marseille ?

« J’aime beaucoup Marseille. Là aussi il y a une sorte d’humour qui n’appartient vraiment qu’aux Marseillais »

Pierre Perret : J’aime beaucoup Marseille. Là aussi il y a une sorte d’humour qui n’appartient vraiment qu’aux Marseillais qui, souvent, sont un peu malheureux d’être mal compris ailleurs parfois, et qui ont une fierté aussi, paradoxalement, c’est marrant. De toutes façons, toutes les villes occitanes et toute la Méditerranée est riche en expressions de toutes sortes, que ce soit pictural ou poétique. Il y a eu tellement de créations dans tout le sud de la France. Je regrette qu’on ne le sache pas autant dans toute la moitié nord de la France ; que la plupart des richesses viennent surtout du sud.

"Et Pam ! Un coup de poing sur le pif !"

Vous connaissez mon âge, j’ai grandi avec tous les réfugiés espagnols qui fuyaient Franco, les familles italiennes qui fuyaient Mussolini. La première fois que je me suis battu (rires) dans la cour de l’école, la première fois, j’avais sept ans. Je venais d’entrer à la grande école l’année d’avant et mon meilleur copain, c’était un Italien qui s’appelait Pessato. Malheureusement, à la cour de récré, il y a un autre ‘trou du cul’ qui l’a traité de ‘sale macaroni’. Il avait dû entendre ça par son père. Et Pam !! Je lui ai foutu un coup de poing sur le pif. Le directeur est venu. J’étais le gosse le plus doux de la terre. ‘Lily’ commençait là.

DDV : Pierre Perret chanteur, Pierre Perret acteur, Pierre Perret écrivain, Pierre Perret gastronome, avec lequel vous sentez-vous le plus accompli, ou faut-il qu’ils soient tous ensemble ?

Pierre Perret : Entre nous, moi je ne suis fier de rien. Je suis simplement heureux, je vous le répète, d’avoir traversé tout mon itinéraire en vivant ma passion. Je crois que la première avant tout, c’est l’écriture, ça c’est vrai. L’écriture, c’est vrai. Des fois, quand je finis, je dis « tiens, ça c’est pas trop mal. » Et puis des fois, le lendemain, je change d’avis et je remets tout à nouveau en question. Et puis ça dure des mois, et des années parfois. Mais c’est ce que j’aime, j’ai toujours aimé ça. J’ai chanté mes chansons, mais moi j’suis pas un chanteur, parce que personne les aurait chanté sinon ; pour chanter des trucs tordus comme je chante (rires)… Moi j’ai chanté par nécessité un peu, voilà.

DDV : Pierre Perret, qu’aimeriez-vous dire à nos lecteurs ?

Pierre Perret : Ils ont eu affaire à un bavard qui n’est pas fier de constater qu’il est si bavard parce que peut-être j’aurais pu dire en quatre phrases ce que je vous ai dit.

DDV : Pour vous, Pierre Perret, c’est quoi le bonheur ?

Pierre Perret : C’est de traverser la vie en faisant ce qu’on a envie de faire.

DDV : Je vous remercie. Votre agent m’avait imparti environ un quart d’heure à vingt minutes d’interview, je n’ai pas dépassé.

Pierre Perret : Quand on aime on ne compte pas !

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