- Auteur Jacques Jarmasson
- Temps de lecture 4 min
Rencontre avec le maestro Miguel Campos Neto : “Trouver les trésors cachés”
Se souvenir de la direction musicale de Miguel Campos Neto, c’est chose faite … Le 8 avril dernier, le chef d’Orchestre Brésilien dirigeait les musiciens de l’Orchestre National Avignon-Provence. Au programme Saint-Saëns et Bizet, mais aussi le génial Fazil Say pour son œuvre “Never Give Up” avec comme invitée soliste, la virtuose violoncelliste Camille Thomas.
Notre interview avec le maestro Miguel Campos Neto, peu avant le concert symphonique "Souvenir" par les musiciens de l'Orchestre National Avignon-Provence donné le vendredi 8 avril 2022 à l'Opéra Grand Avignon.
Concert symphonique "Souvenir" de l'Orchestre National Avignon-Provence
À la direction, le maestro Miguel Campos Neto
« Never Give Up »
Si l’Orchestre National Avignon-Provence a habitué son public à des prestations de grande qualité, la soirée de ce concert symphonique du mois d'avril, restera gravée longtemps dans les mémoires, de par son intensité, tant au niveau du talent des interprètes qu’au niveau de son pouvoir émotionnel. Placée sous le signe du Souvenir, le concert débuta par le concerto pour violoncelle et orchestre « Never Give Up » du compositeur turc Fazil Say. Ce concerto a été écrit par le pianiste-compositeur pour la violoncelliste Camille Thomas au lendemain de l’attentat du Bataclan et d’attentats en Turquie. C’est dire combien, dès le début de soirée, une immense émotion s’était emparée du public de l’Opéra Avignonnais, après que la soliste elle-même eut présenté cette pièce qui appelle à la liberté et à la paix.
La virtuosité de l’interprète, sa façon de vivre la musique grâce à une sensibilité artistique hors normes, comme l’écriture de Fazil Say, par ses rythmes syncopés façon jazzy et ses chants d’oiseaux ou bruissement de vagues joués par les cordes, ont littéralement séduit le public. On essaiera d’oublier les batteries de caisse claire qui ne sont pas sans rappeler le bruit des armes à feu, instants particulièrement emprunts d’une tragique vérité.
Dans un autre registre, l’interprétation du concerto de Camille Saint-Saëns fut toute aussi brillante et la violoncelliste Franco-Belge fut ovationnée longuement après avoir offert en bis Le Chant des Oiseaux, cette chanson traditionnelle catalane arrangée par le grand Pablo Casals.
Miguel Campos Neto, le chef qui sait faire chanter les silences
Le sixième rendez-vous de l’Orchestre National Avignon-Provence de cette saison 2021/2022 aura été indiscutablement marqué par la venue du chef Miguel Campos-Neto. Diplômé de la célèbre Mannes School of Music de New York d’où il en sortira avec son master en direction d’orchestre, Miguel Campos Neto est chef titulaire depuis maintenant onze ans du prestigieux OSTP / Orchestre Symphonique du Theatro da Paz à Belém (Brésil) et du Festival d’Opéra de ce même théâtre, également directeur musical de l’Orchestre Symphonique Wilson Fonseca de Santarém (Brésil) et de l’Orchestre Symphonique «Altino Pimenta» de l’Université Fédérale du Pará.
Le maestro Miguel Campos Neto à la baguette, sans partitions !
Au-delà de la précision rythmique indispensable à la direction d’une œuvre comme celle de Fazil Say, Miguel Campos Neto, récemment nommé « directeur lauréat » du Chelsea Symphony Orchestra basé à New York, orchestre dont il est co-fondateur et fut directeur et chef principal pendant cinq saisons et où la critique avait salué son « attention minutieuse du détail », a su exploiter avec réussite le grand professionnalisme de chacun des musiciens de l’Orchestre National d’Avignon-Provence. Le chef Brésilien ne manqua pas d’ailleurs de faire saluer les solistes de chaque pupitre par un public enthousiaste. Visiblement, une grande complicité avec ses musiciens s’était établie au fil des répétitions, ce qui rendit la soirée des plus conviviales, tout en conservant son caractère profondément émotionnel dans le contexte géopolitique mondial que nous ne connaissons que trop bien. La séduisante symphonie en ut majeur, que Bizet avait écrite à l’âge de 17 ans, est venue clôturer le concert par ses accents d’espoir. Rarement, les silences entre les mouvements ou en fin d’interprétation auront pris autant de d’ampleur, procurant bizarrement une émotion à la fois pesante et bienveillante, comme pour forcer la porte de l’espérance.
Un chef remarquable, une virtuose du violoncelle, un orchestre toujours que plus performant et un programme à couper le souffle, tout était réuni pour une soirée d’une exceptionnelle magnificence.