- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 23 min
Frédéric François, la liberté d’aimer
Frédéric François est aujourd’hui devenu l’un des interprètes de la chanson française les plus talentueux de sa génération. Depuis sa première entrée dans le hit-parade avec « Jean », ses titres « Je voudrais dormir près de toi », « Un slow pour s’aimer », « Et si l’on parlait d’amour », « Une rose dans le désert », ou encore « Amor latino » nous ont ardemment fait danser. Son nouvel album, « La liberté d’aimer », ode à l’amour universel, est sorti le 29 janvier, classé dès la première semaine numéro 1 des ventes physiques en France et en Belgique.
Interview de Frédéric François à la sortie de son nouvel album en ce début d'année 2021, la Liberté d'aimer. Avec 50 ans de carrière, 513 chansons enregistrées, 85 disques d’or, 38 albums en 4 langues, Frédéric François, auteur-compositeur-interprète qui met à l'honneur la chanson française, est dans le cœur de tous.
Combien de fois ai-je entendu un de ces "matous" aux biceps multi tatoués, sans-doute grand amateur de rap ou de hard rock, ou pourquoi pas, amoureux fou d’opéra, chantonner, siffler, soliloquer même, "Je t’aime à l’italienne" ou encore "Mon cœur te dit je t’aime"… Car l’amour, non seulement est éternel, mais le plus endurci des mecs "qui se la jouent" (comme ils disent) a un cœur de colombe près de sa tourterelle. Il est un chanteur qui fait fondre d’amour et de bonheur dès les premières notes. Il est le sourire de notre France, celui de l’émigré et de l’espoir, celui de la légèreté et de la tendresse. Frédéric François, belge né en Italie, chanteur passionnant, homme passionné, fidèle, tendre, avec un brin de nostalgie peut-être et beaucoup de gaité, est un intemporel de la chanson, un habitué aux succès, un incontournable du patrimoine de la belle variété.
« Quand on me demande comment je fais pour rester jeune, je réponds que j’hésite entre l’amour et les spaghetti. » Frédéric François
« La liberté d’aimer », dernier album 2021 de Frédéric François, come-back réussi !
Avec un titre éloquent s’il en est, « La liberté d’aimer », Frédéric François fait un come-back fulgurant sur le devant de la scène. Mais peut-on vraiment parler de come-back pour celui qui remplit les salles à chaque fois ? Le chanteur-compositeur sort un nouveau CD. Dix titres pour parler d’amour et le conjuguer à tous les temps. C’est Frédéric Zeitoun, immense parolier, qui a concocté avec lui ce message d’amour universel, message de tolérance pour un amour sans frontières, sans à priori, sans différence. Avec cet album, on découvre un Frédéric nouveau, n’hésitant pas à défendre l’amour pour tous, et l’on retrouve un Frédéric classique, à la voix chaude, clamant le droit à la vie et au bonheur. Pas de surprise donc si le chanteur brigue déjà la première place dans les hits parades. « La liberté d’aimer », c’est aussi la liberté de se produire, ce que Frédéric François brûle d’impatience de faire !
Frédéric François, un artiste cultivé, humble, fidèle
Il est Chevalier des Arts et des Lettres en France et de l’ordre de Léopold II en Belgique, Commandeur de l'ordre du Mérite de la République italienne et Ambassadeur de la province de Liège.
Frédéric François nait à Lercara Friddi en Sicile. A l’âge de 4 ans Francesco Barracato de son vrai nom, arrive en Belgique (Liège) et fait la connaissance de son père, Peppino. En 1966 il remporte un concours de chant, « Le microsillon d’argent », qui lui permet d’enregistrer son premier disque « Sylvie » sous le nom de François Bara, et de passer en première partie d’un concert de Michel Polnareff et Johnny Hallyday. En 1970, en France, il rencontre Lucien Morisse dans les studios d’Europe 1 et fait son entrée dans un hit-parade français avec « Jean ». Par la suite « Je voudrais dormir près de toi », « Laisse-moi vivre ma vie », « Chicago »…
En 1982, la vague disco met de côté les chanteurs romantiques comme Dave, C. Jérôme ou Frédéric François. Toujours en 1982, ce dernier, en collaboration avec Michel Jourdan (parolier de Mike Brant) adapte le titre allemand « Adios Amor ». 700 000 exemplaires vendus, et c’est reparti… En 1984, il entre dans la maison de disques Trema (où sont Michel Sardou, Enrico Macias, Charles Aznavour), création du Top 50, dans lequel Frédéric François figurera souvent dans le peloton de tête. 1984, c’est aussi le premier Olympia. « Mon cœur te dit je t’aime » et « Je t’aime à l’italienne » sont les tubes de cette époque, indissociables de l’artiste. En 1993 il crée son propre label, MBM Records. En 1996, Frédéric François représente la France lors d’un concert de Noël au Vatican et est reçu en audience par le Pape Jean-Paul II.
L’année 2019, année des 50 ans de carrière, est marquée de deux événements : le 19 juillet, une plaque dévoilée sur sa maison natale à Lercara Friddi, à une rue d’un autre nom célèbre : Frank Sinatra. Le 12 octobre, concert-anniversaire au Grand Rex. Devant 3 000 personnes, Michel Drucker monte sur scène et déclare : « J’aimerais que tous les intellectuels assistent à ton succès. » Sur écran géant, 18 amis du métier félicitent Frédéric, parmi lesquels : Annie Cordy (dernière apparition publique), Patrick Sébastien, Laura Pausini, Salvatore Adamo, Roberto Alagna.
« J’aimerais que tous les intellectuels assistent à ton succès. » Michel Drucker
Le 7 mars 2020, Frédéric François est en concert à Montpellier et le Covid progresse en Europe. Devant ce qui se passe en Italie Frédéric François décide de se confiner avant l’heure. Dans son sous-sol, il fait aménager un home studio pour travailler à la réalisation d’un nouvel album avec son parolier Fred Zeitoun. Les musiques seront mixées à Shanghai, les chœurs à Los Angeles et Paris. Le 4 décembre le titre « La liberté d’aimer » est dévoilé. Il s’agit d’une ode à l’amour universel, sans frontières ni barrières. 2021 : l’album « La liberté d’aimer » sort le 29 janvier, classé la première semaine Numéro 1 des ventes physiques en France et en Belgique, devant Benabar et Camelia Jordana.
Les dernières nouvelles de Frédéric François en interview !
« Mon père y croyait plus que tout. Il avait tout misé sur moi. »
Bonjour Frédéric. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Frédéric François : Je suis auteur-compositeur-interprète et dans le quotidien de millions de gens depuis 1970.
Si je comprends François qui est votre véritable prénom -Francesco- dans votre nom d’artiste, pourquoi avoir choisi Frédéric ?
Frédéric François : Tout a commencé il y a bien longtemps. Mon père avait ce rêve que je devienne chanteur et, un peu comme dans un film hollywoodien, un jour, une voiture rouge décapotable s’est arrêtée devant chez nous dans la cité où nous habitions. Un homme en est sorti, bien en chair, à qui seul le cigare manquait pour être conforme à l’idée que l’on se fait de l’imprésario, et il a frappé à notre porte. Il a parlé avec mon père : « J’ai entendu parler de votre fils, je voudrais vraiment l’enregistrer. » Bien sûr on a dit oui, vu qu’on ne savait pas, près du bassin minier, comment on allait pouvoir un jour faire des disques et réussir dans ce métier parce que mon père y croyait plus que tout. Il avait tout misé sur moi.
Ce monsieur qui s’appelait Constant Defourny, à un moment donné me demande comment je m’appelle et je lui réponds - Francesco Barracato. « Oh la la, Barracato », me répond-il, « Difficile à retenir comme nom. » Et je lui dis : « Écoutez, si je dois changer mon nom, je veux absolument garder François parce que je m’appelle François, et si vous voulez je mets un pseudonyme devant mon prénom. » Il faut dire que j’avais 19 ans, qu’on ne m’a pas donné le temps de réfléchir longtemps et que le disque devait se faire très vite. Il s’est fait un mois après. Comme j’étais tourné vers la France et que c’était la mode à l’époque des double prénoms, j’ai dit : « Allez, Frédéric François, les deux F, ça porte bonheur. » A refaire, peut-être que je referai la même chose, vu que ça m’a porté chance.
Comment avez-vous réussi à garder, malgré le succès, cette humilité, cette modestie qu’on vous connait ?
« J’ai le souvenir d’un homme qui criait "Nina, Nina" et moi je me suis caché derrière les jupes de ma mère qui m’a dit « C’est ton papa, c’est ton papa. » »
Frédéric François : Tout simplement parce que je sais d’où je venais. J’ai vite analysé tout ça. En fait, j’ai rencontré mon père à l’âge de 4 ans et demi. Pour l’histoire, vu que lui avait émigré en Belgique pour travailler dans les mines de charbon, avec sa guitare. Je l’ai vraiment connu lors de l’arrivée avec ma mère grâce à un convoi de la Croix Rouge. J’ai le souvenir d’un homme qui criait "Nina, Nina" et moi je me suis caché derrière les jupes de ma mère qui m’a dit « C’est ton papa, c’est ton papa. » Je savais qu’on habitait en face du charbonnage. Je savais que mon père était le cordonnier, le coiffeur ; ma mère la couturière. Je savais qu’on n’avait pas de voiture, qu’on ne partait pas en vacances. Tout ça, je l’ai très vite compris. C’est moi qui faisais les courses à la maison parce que ma mère ne parlait pas français. Mon père le parlait un peu mieux. Je sais d’où je venais et je suis resté toujours le même. Même quand je commençais à vendre des millions de disques, c’est Francesco qui rentrait à la maison. Devant mon père et devant mes frères, je devais laisser le costume de Frédéric François à l’extérieur. J’ai toujours eu ce respect pour le public parce que je dois beaucoup au public qui a fait de moi ce que je suis. J’ai travaillé. J’ai créé plein de chansons qui sont devenues des points de repère de leurs vies, je le leur dois. J’ai des valeurs humaines importantes qui me font être accessible avec cette humilité qui me caractérise.
Vous dites que votre père, Peppino, est parti avec sa guitare. Il chantait lui aussi ?
Frédéric François : Oui. En Sicile, mon père faisait ce qu’on appelle les sérénades. Avec un petit groupe, lui jouait de la guitare, un de la mandoline, un autre du violon, ils apportaient des sérénades sous les balcons. Le fiancé assistait au concert et mon père chantait la chanson que le fiancé avait choisie pour sa belle. La récompense, c’était un verre de vin à la taverne. Quand il a émigré en Belgique parce qu’il y avait des affiches placardées dans tout le village promettant monts et merveilles pour travailler en Belgique, il a pensé partir trois ans pour devenir "riche" puis retourner au village. Est-ce que, quand on part de Sicile et qu’on va travailler dans les mines de charbon en Belgique, est-ce qu’on découvre l’Amérique ? Est-ce que c’est la ruée vers l’or ? Par rapport à la pauvreté qu’il vivait à l’époque dans sa terre natale, oui, peut-être, mais une fois en Belgique, il a dû rester et faire venir sa famille. Comme il avait respecté le contrat de trois ans, on a pu venir avec ce train de la Croix Rouge et nous sommes restés en Belgique.
J’imagine que la misère des migrants actuels vous touche particulièrement ?
Frédéric François : Oui, complètement. Des gens désespérés, qui veulent juste une chose, avoir une qualité de vie, retrouver leur dignité en fait. Je pense plus à ça. Mon père voulait retrouver sa dignité. Il voulait créer une famille. C’est exactement pareil. Ils veulent vivre une fois pour toutes, travailler et voilà qu’ils risquent leur vie même pour pouvoir atteindre un continent qui va leur ouvrir les portes et faire leur vie. Je comprends ça par cœur, ça me replonge dans mon enfance, oui.
Les Siciliens, avec le maire de Palerme Orlando à leur tête, accueillent volontiers les émigrés, avec chaleur même.
« Mon père disait : « Nina, prépare à manger pour tout le monde. » Ma mère me regardait. Elle me disait : « Et comment je peux préparer à manger, il n’y a rien dans le frigo. » »
Frédéric François : Oui, c’est un peuple de la mer. Ils ont l’amour de la famille et les enfants sont rois. Même s’ils n’ont rien, ils donnent tout ce qu’ils ont. Je pense à mon père. Quand quelqu’un venait à la maison il disait : « Nina, prépare à manger pour tout le monde. » Ma mère me regardait. Elle me disait : « Et comment je peux préparer à manger, il n’y a rien dans le frigo. » On allait donc demander à la voisine de nous prêter de la nourriture qu’on rendait plus tard. Même moi, quand je vais en Sicile, je me dis que je ferais mieux d’aller à l’hôtel. On se met à table à midi et on ressort à 8 heures du soir. Tout le monde se bat pour nous inviter. Ils veulent nous donner le meilleur d’eux-mêmes, nous faire plaisir tout simplement. Il ne faut pas oublier que c’est un peuple qui a souffert beaucoup. L’île a été constamment occupée par différents pays.
Il y a aussi, heureusement, des richesses qu’on apportés notamment les Arabes au niveau culturel.
Frédéric François : Oui, au temps des Arabes, la Sicile était très riche. Et la Sicile est riche également de ses monuments. C’est en Sicile que les Grecs ont laissé les monuments les plus extraordinaires.
Au niveau de cette belle voix veloutée que vous conservez, comment faites-vous pour ne pas changer de timbre depuis vos débuts ? Vous la travaillez constamment ?
« J’ai cette couleur méditerranéenne dans la voix qui reste avec ce velouté de la mélodie. »
Frédéric François : Pour vous dire la vérité, avant l’interview (il rit), je travaillais ma voix et j’ai entendu le téléphone en pleine vocalise. Vous voyez, Danielle, la voix c’est comme un sportif de haut niveau. S’il veut faire les jeux olympiques, courir les cent mètres, il doit s’entrainer tous les jours. Nous les chanteurs, c’est encore pire parce que le corps vieillit : les cordes vocales, ça vieillit. Pour garder cette voix aigüe et veloutée, il y a le travail, mais ça vient aussi de mes origines, de ma façon de chanter français comme si j’étais un Sicilien, un Italien. J’ai cette couleur méditerranéenne dans la voix qui reste avec ce velouté de la mélodie. Je suis quelqu’un de très positif et je pense que si, dans notre cerveau, on exclut l’anxiété, la peur, le stress, je pense que le corps suit. Le corps est à la merci du cerveau en fait.
Vous avez pourtant subi dernièrement des épreuves qui auraient pu changer cette voix et cette positivité.
« Je m’oblige au quotidien à être positif »
Frédéric François : Oui, mais ma croyance fait que je me dis : « Je ne retomberai plus dans ce cas de figure. » Malheureusement parfois, les artistes ont cette sensibilité qui fait qu’on peut replonger. Je m’oblige au quotidien à être positif et d’être entouré d’une façon positive pour que ce métier difficile que l’on fait, c’est une jungle. Aujourd’hui vous êtes là, demain on peut vous jeter sans problème parce qu’il y a une nouvelle vague musicale qui arrive ou au nom de je ne sais quoi, rajeunir une enseigne ou autre. Quand vous avez cette passion, que vous avez ce don, et que vous avez ce public qui est là, cette fidélité du public.
J’ai fait le grand Rex dernièrement, il y a une histoire d’amour incroyable. Toutes mes chansons font partie de leur quotidien. Ça les fait rêver, évader, ça les apporte un réconfort, ça se transmet de génération en génération. Ce sont parfois des points de repère de leur vie qui leur rappellent plein de choses : papa, maman, les frères, les sœurs, les anniversaires, les naissances, les rencontres… Voilà pourquoi je me dois de rester positif, que mon esprit soit positif. Si l’esprit est torturé, il ne peut pas créer. Il ne peut pas avoir l’intuition, il ne peut pas dire "Waou" au quotidien. J’inscris mon destin. Si je me dis, maintenant je compose et je vais faire un nouvel album, dans six mois ou un an, j’aurai créé cette action qui va faire que j’aurai un nouvel album. Pour la voix, pour tout, je m’oblige à une discipline parce que je sais que sans cela, on peut trébucher.
Frédéric François, vous chantez dans le nouvel album « Chaque jour est une chance », un rapport avec aujourd’hui ?
« Vivre en harmonie, c’est cela la vérité de notre vie. »
Frédéric François : Oui, chaque jour est une chance. Si on regarde la vie, si on a un peu conscience de la vie, quand on se lève le matin : « Merci mon dieu ». La nature, tout ce qui nous entoure, la famille, les enfants, merci de ne pas être malade, d’être encore ensemble et de vivre et de savourer la vie. Si on prend un mètre ruban on se dit "ah c’est ça la vie, il ne reste plus que ça !" Il nous faut, dans la vie, être conscient et profiter au maximum de cette vie d’une façon positive : pas un mot de travers, pas un mot plus haut que l’autre, pas de dispute. Tout cela ça ne sert à rien, à rien du tout. Vivre en harmonie, c’est cela la vérité de notre vie.
Vous chantez "La liberté d’aimer" mais comment la comprendre au temps du SIDA et de la COVID ?
Frédéric François : Moi, j’ai toujours chanté des chansons d’amour individuelles et nous avons voulu dire, il n’y a pas de frontière. Il y a la tolérance. C’est le cœur qui doit parler. Tous les êtres humains ont droit au bonheur. Le Sida est là depuis des années, cela n’a pas empêché le président de marier deux garçons. Moi, je suis le grand frère et la voix de l’amour qui dit : « Les enfants, écoutez votre cœur et faites votre vie comme vous l’entendez, le mieux possible pour que vous soyez heureux. »
Votre parolier est le grand Frédéric Zeitoun. Il y a dans "La liberté d’aimer" une très belle musique, avec des sonorités orientales différentes de celles qui accompagnent les autres chansons. Qui l’a composée ?
Frédéric François : C’est moi qui fais la musique depuis le début, de toutes ces chansons que tout le monde connait. J’aime la musique orientale. Je trouve que c’est une musique festive. Je voulais, pour le sujet que nous défendions, que cela soit festif, que le ciel s’ouvre pour tout le monde et que tout le monde soit heureux. Quand je vois l’orchestrateur pour un nouveau disque, je lui donne toute la direction : les batteries qui doivent chanter, qui doivent danser, les rythmiques, je les ai dans la tête, j’en rêve. On arrive ainsi à construire la chanson qui nait d’après les paroles pour que les paroles, la musique et l’orchestration ne fassent qu’un.
Vous êtes complètement à contre-courant de ce qui se fait aujourd’hui. Avez-vous pensé, à un moment ou à un autre, à changer de registre, de chanter autrement ?
« J’essaie de donner à chaque chanson une couleur différente »
Frédéric François : Je ne peux pas parce que mon ADN depuis l’enfance est comme ça. Je ne vais pas me comparer à un peintre, je n’aime pas faire cela et c’est dur de faire des comparaisons mais quand on voit un Vincent Van Gogh, directement on sait qui c’est. Celui-ci, c’est Henri Matisse. Chacun a une façon de peindre qui lui est propre. Moi, j’ai ma façon d’écrire les musiques. Je ne pourrai jamais changer, ni aller vers quelqu’un d’autre, ni faire comme les autres. Je me dis simplement : « Ton album doit marquer l’époque. Il faut épouser l’air du temps. Tu dois donner aux gens les rythmes et les sons qu’ils écoutent de par le monde. Quand les auditeurs vont écouter mes chansons, ils diront "oui, c’est bien d’aujourd’hui tout ça. Le son c’est d’aujourd’hui. Il emploie même des sons électroniques." Quand je compose, j’essaie de faire plein de chansons différentes mais je ne sais jamais laquelle va devenir un tube, un succès. J’essaie de donner à chaque chanson une couleur différente. Avec Frédéric Zeitoun on a fait comme cela "Vivants" car on s’est dit qu’avec tout ce qui se passe en Italie, et dans le monde, chacun de nous a perdu quelqu’un. On va faire une chanson positive à nouveau. Avec Fred, on essaie de faire des chansons qui font du bien, qui les font rêver, peut-être pleurer, danser, chanter. Que les gens puissent s’évader et, pourquoi-pas, faire revivre ce qui a disparu.
« Vivants, ils resteront vivants. Vivants, ils resteront dans nos cœurs comme une larme de bonheur. »
Pouvez-vous me parler de la rencontre avec Frédéric Zeitoun, votre parolier, et de l’amitié qui vous lie ?
« Avec mon parolier Frédéric Zeitoun, ce sont deux décennies d’amitié et de connivence. C’est du miel, de l’eau de source… On fait des chansons dans le bonheur. »
Frédéric François : Fred est très fan de moi, il a sa propre histoire et je ne vais pas la raconter. Je faisais une émission sur Antenne 2 un matin et il m’a dit "Monsieur (Monsieur, à l’époque), j’écris un texte, vous le lisez, et si ça vous plait, qui sait, on en fera peut-être une chanson ?" Je suis revenu avec les paroles à la maison, je les ai mises sur mon piano et voilà. Je l’ai appelé en lui disant que j’avais fait une musique sur ses paroles que je trouvais formidables et que j’enregistrais la chanson. Voilà comment tout a commencé : une chanson. On a fait un premier album en 2001 : « Un slow pour s’aimer », « Et si l’on parlait d’amour » qui était un super tube, « Une rose dans le désert », « Chanteur d’amour », « Amor latino » encore des super tubes, nous faisons des chansons ensemble depuis deux décennies sans aucune prise de tête, comme de l’eau de source, du miel… On fait des chansons dans le bonheur.
Les gens vous aiment aussi pour ce que l’image que vous donnez de vous.
Frédéric François : Moi, j’aime la vie. Quand les gens viennent vers moi, il n’y a plus de Frédéric François, je suis face à un humain. Il n’y a pas un plus haut et un plus bas. J’aime bien le contact humain. On ne peut pas tricher. Avec quelqu’un que je ne connais pas, je parle cinq minutes et j’ai l’impression qu’on se connait depuis toujours. Peut-être que je réconforte les gens, le fait de savoir que j’ai la même femme, que j’ai une famille, peut-être que ma vie privée les intéresse parce que ça leur fait du bien.
Vous chantez en sicilien dans vos spectacles ?
Frédéric François : Dans tous mes spectacles, il y a toujours une tarentelle. Les gens se mettent debout, c’est fantastique.
Des projets…
Frédéric François : Oui, beaucoup, mais tout est reporté. Actuellement, je suis en train de préparer avec ma fille Victoria qui est dans le cinéma, le montage de tous les spectacles audio vidéo du Grand Rex qui devrait sortir aux alentours de la fête des mères, avec la surprise de Michel Drucker et sur écran géant, une dizaine d’artistes comme Laura Pausini, pour le spectacle des 50 ans, Roberto Alagna, Salvatore Adamo, Annie Cordy qui s’est montrée là pour la dernière fois. Dans la salle il y avait le maire de ma ville de naissance qui est venu avec la délégation pour assister au spectacle.
Quelle est votre définition du bonheur ?
Frédéric François : Le bonheur, c’est continuer à désirer ce que l’on possède déjà. Ça veut dire qu’on aime et qu’on aimera encore et encore.
« Tout vient de mon enfance… Toute ma vie j’ai essayé de retrouver le goût du pain. »
Frédéric François, confidences
"Quand je compose, j’ai une forte émotion qui m’attire vers la guitare ou le piano, je suis dans un état de bonheur, d’inspiration. Je peux voir une photo ou autre chose. Tout vient de mon enfance, le fait d’avoir connu mon père à l’âge de 4 ans et demi, le fait d’avoir vécu avec mes grands-parents, le fait de les quitter et de ne jamais plus les avoir revus parce qu’ils sont partis entre temps. L’émigré, c’est un grand déchirement. On ne sait plus de quel côté on est et qui on est vraiment. On est à la recherche de cette identité. Ici on n’était pas des belges et en Italie, plus des Siciliens. Même si on allait en Sicile quand mon père réussissait à mettre un peu d’argent de côté pour les vacances. J’en garde les goûts, les couleurs et la façon de vivre. Toute ma vie j’ai essayé de retrouver le goût du pain. Il y a une certaine déchirure qui s’est passée. C’est pour cela que je parle souvent de mes parents. J’ai beaucoup de respect pour ce qu’ils ont fait tous les deux. Je leur suis reconnaissant et j’en parle tout le temps parce que ça me fait beaucoup de bien."
Frédéric me dit qu’en libanais son nom de famille « Barracato » signifie « Que dieu te protège ». Je ne pense pas que ce soit ce qui explique ce succès jamais démenti, cet amour intergénérationnel que lui porte une grande partie de la population. On pourrait se poser la question. Pourquoi ? On pourrait, oui, mais pas après s’être entretenu avec lui. Le Talent ! Bien sûr, par-dessus tout, mais aussi la simplicité, la générosité, l’empathie. Frédéric sait qui il est. Au fond de lui, il y a le petit garçon de 4 ans, apeuré, qui se cachait timidement derrière la robe de sa maman dans ce convoi de la Croix Rouge, il y a le souvenir du père, de ses espoirs et de son sacrifice, il y a la "mamma" et "la pasta con le sarde", ce fameux plat du dimanche qu’il prend un plaisir immense, le dimanche, à partager aujourd’hui encore avec sa famille.
C’est tout cela Frédéric François, le talent, magnifié d’amour et de tendresse.