- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 13 min
ContrePoings : Un voyage ludique au cœur de la Musique – Création 2D’Lyres 2022
Après 3 albums reconnus par la presse nationale et internationale, l’association 2d’Lyres présente leur prochaine création ‘Contrepoings’, une efficiente interactivité entre un compositeur d’aujourd’hui Patrick-Astrid Defossez et le pianiste Jérémie Favreau – les pièces nouvelles pour piano(s), Anne-Gabriel Debaecker pour l’électroacoustique, le répertoire de Claude Debussy et d’Albert Roussel, un créateur-facteur de piano Stephen Paulello, l’innovant Opus 102, un Label international le CIAR Centre International Albert Roussel, et des interprètes aguerris aux esthétiques multiples : classique, contemporain, jazz, improvisation.
"ContrePoings, Musique Classique d’aujourd’hui et improvisation (classique/jazz) - quand Debussy, Roussel rencontrent un compositeur d’aujourd’hui et improvisateur …"
Contrepoings dont l’enregistrement se fera du 4 au 8 juillet 2022, c’est un voyage au cœur de la plasticité sonore d’œuvres emblématiques de la Musique française au regard de l’improvisation. Un voyage à l’écoute des clairvoyances instantanées au cœur de compositions nouvelles. … Ce programme d’enregistrement et de concert prend sa source dans le ludique, le rêve, la contemplation, la bienveillance, la poésie, l’enfance, à l’aune de l’exergue partitionnel des Children’s Corner de Debussy .
« À ma très chère Chouchou… avec les tendres excuses de son père pour ce qui va suivre ».
ContrePoings, une connivence musicale entre musique classique et musique contemporaine
Fruit d’une longue complicité, Contrepoings conjugue au présent deux pianistes aux parcours semblables mais aux routes différentes. Une connivence pianistique entre écritures strictes (œuvres de répertoire, compositions nouvelles) et improvisations (classiques, contemporaines et jazz) associées aux fragrances aériennes de percussions résonnantes et de matériaux électroacoustiques diaphanes.
Rencontre avec Patrick Defossez, compositeur, pianiste à l'initiative de Contrepoings, album création 2022
Patrick Defossez est compositeur, Pianiste, Professeur de composition et responsable des ateliers Jazz et Improvisation dans un CRR / Sciences-Po campus euro-américain de Reims. Il est également le responsable artistique de l’Association 2d’Lyres et du Duo Autres Voix de Piano.
Militant affirmé du décloisonnement des genres, son œuvre, dans le respect de toutes les esthétiques, s’attache à les marier avec sensibilité, en une sorte de “ polyphonie des styles“.
Patrick Defossez (référencé au CDMC Paris, CeBeDem Bruxelles, IRMA Paris, Forum Composers USA, ...) collabore avec Anne-Gabriel Debaecker, compositeur (maîtrise universitaire de création) et architecte DPLG (Diplômé par le gouvernement). Patrick Defossez est en constante recherche de nouvelles positions artistiques et mixités des langages (écrits ou improvisés) autour du piano, des claviers électroniques et des instruments acoustiques rares.
« La musique est cette entité immatérielle pour laquelle personnellement je ne pourrais pas envisager l’absence d’existence. »
Projecteur tv/Danielle Dufour Verna – Bonjour Patrick Defossez. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots à nos lecteurs ?
Patrick Defossez – Je suis compositeur et pianiste, tombé dans la marmite de l’écriture et du jeu pianistique transdisciplinaire depuis fort longtemps. J’écris de la musique pour des petits ensembles, des instruments solo ou des ensembles beaucoup plus importants que ce soit pour la musique de concert, la musique concertante, ou bien pour la musique destinée à l’image, ce qu’on appelle la musique à l’image ou la musique en mouvement cinématographique. Cela dépend un peu des commandes de la part de tiers ou tout simplement de recherches que je mène moi-même à compte d’auteur dans telle ou telle direction. Dernièrement j’ai fait des recherches et réalisé quelques pièces qu’on appelle des lieds, mais des lieds contemporains pas à la manière de Schubert évidemment ou des pièces pour viole de gambe etc. en vue de projets divers et variés pour orgue, pour voix, composition pour un ensemble vocal qui s’appelle Ascèse, au pays basque, un ensemble vocal professionnel de seize voix qui m’a demandé de réfléchir sur une écriture en écho des quatre motets de Duruflé et pour un peu faire un pied de nez, on aime bien faire de l’humour en musique, ça fait du bien. Plutôt que dire les quatre motets je me suis dit est-ce que les quatre motus de Guillaume de Michaut ne seraient pas bien ? En tout cas, Guillaume de Michaut n’existe pas, Guillaume de Machaut, oui.
DDV –Y a-t-il une difficulté particulière à imposer la musique contemporaine ?
"Le terme musique contemporaine appartient originellement à une strate historique qui va de 1950 à 1965"
Patrick Defossez – Déjà il faut préciser que le terme musique contemporaine appartient originellement à une strate historique qui va de 1950 à 1965. Après ce sont des surgeons de chapelles musicales, de catégories musicales. Aujourd’hui on parlera davantage de musiques de création. On parle de nouvelles musiques. Si vous mettez par exemple ‘musique contemporaine’, le niveau de programmation est égal à zéro. On essaie, par néologisme. De toute façon, c’est vrai qu’il faut aussi inventer autre chose. Comme vous l’avez remarqué, la mixité des esthétiques dans nos pièces, est assez logique. Déjà, on est de culture différente. Moi je suis de pays beaucoup plus haut que la France, donc on n’a pas du tout la même culture. Entre la différence de langues et la différence entre le parcours musical. Anne est beaucoup plus, historiquement, jazz, musiques improvisées bien que j’en ai pratiquées à grande échelle, bien évidemment. Mais j’ai une culture vraiment classique à la base et par extension à la Berklee School de Boston, c’est autre chose.
DDV –On le sent dans vos compositions.
Patrick Defossez – En fait, en étant moi-même professeur, je fais l’enseignement de la composition, tous les genres sont à l’honneur. On est pratiquant des musiques et non pas d’une musique en particulier. Nous avons créé avec Anne Debaecker une association et ce que nous défendons dans notre association 2DLyres, c’est la pluralité des esthétiques. On peut très bien imaginer des concerts en piano solo, en duo piano et électro acoustique, ou alors en trio avec une clarinette basse, en quatuor etc.
DDV –C’est cette diversité de langage, cette diversité de musiques qui est attrayante. Je répète ma question. Est-il difficile d’imposer ce genre de musique nouvelle ?
"Être des femmes et des hommes de plateau, de spectacle vivant"
Patrick Defossez – Oui, je dirais que c’est une difficulté. A la fois oui, et non. Il y a une difficulté dans une période un peu tendue, due à la frilosité des programmateurs à l’égard des nouveautés. Il faut soit travailler avec des personnes qui ont un rayonnement médiatiques très fort, cela veut dire que c’est une zone de confort ou alors des esthétiques beaucoup plus faciles. Il n’empêche qu’il faut encore construire le rapport avec les publics. En fait, le public, c’est lui normalement qui devrait être les curieux, imposer leur curiosité aux programmateurs, et non pas l’inverse. Les programmateurs sont les chefs presque par autorité, on entend autorité à la fois comme autoritarisme et compétence. Je fais bien la différence entre les deux termes. Particulièrement en ce moment, ils ont un peu de frilosité à programmer ce qui est différent, ce qui est nouveau. Or, le public attend ces nouveautés, est en demande de ces nouveautés. Nous aussi, nous avons besoin de s’exprimer par rapport à notre métier fondamental, c’est-à-dire être des femmes et des hommes de plateau, de spectacle vivant. Le public apprécie. On a une dynamique de rapprochement très forte avec le public. Quand on est programmé, on ne laisse pas le public en dehors de ce qui se passe. On l’accompagne et nos concerts sont souvent accompagnés de médiation culturelle que nous faisons, soit une répétition en amont commentée, ou master class, ou conférence de présentation. En fait ça dépend un petit peu des cas de figure et des programmateurs. Pour répondre plus précisément à votre question, c’est vrai que ce n’est pas facile. Mais on est opiniâtre.
DDV –Vous jouez beaucoup avec la sculpture, les lumières etc. Est-ce que c’est ce qui vous inspire ? Quand vous vous exprimez avec ces supports, cela renforce votre expressivité ou est-ce un fil conducteur pour mener le public sur autre chose, sur votre musique ?
« Une écoute, une posture, un rayonnement de l’œuvre »
Patrick Defossez – Dans ce que vous venez de dire, il y a vraiment les trois éléments. Eu égard au fait que l’installation préalable du plateau avec des éléments, forcément nous inspire. Je vous renvoie à la pièce CO2-Cycle de lieder. Là où à un certain moment donné de la pièce, il y a des ePod qui circulent parmi le public. Le public inscrit ou dessine des choses qui s’impriment sur le tube juste en face de nous et on répond en musique à ce que le public nous donne à suivre. Il y a une certaine cohérence aussi dans cette pièce-là. On donne la parole au public dans la pièce que Anne vient d’incarner ‘Sois Belle… et Raconte’. Elle donne la parole à ces femmes de l’oubli, on va dire, perclues dans leur silence muséal. Il y a toujours un moment donné la possibilité pour le public de vivre la musique d’une manière différente. C’est-à-dire, dans une première exploitation d’une œuvre, le public regardait les sculptures se mettre en mouvement par des jeux de lumière. Dans la deuxième pièce, il était en contact direct du son, de la matière, parce qu’il y avait une performance dansée chorégraphiée. Dans la troisième, c’était un quatuor vocal, le public était au milieu. Il entourait carrément le quatuor ce qui donnait un effet presque d’Inuit. Les Inuits chantent bouche à bouche. Un quatrième élément de concert qui était une dispersion des instruments dans un espace et le public se mettait où il voulait pour apprécier de manière très différenciée.
On a toujours une posture de l’écoute, une posture du rayonnement de l’œuvre. Quand cela nous est possible, on peut aussi mettre différents enceintes parmi le public, ce qui permet d’avoir une diffusion qu’on appelle quadriphonique. C’est plus rare. On essaie quand-même de jouer avec des volumes architecturaux d’une salle, d’un endroit patrimonial, peu importe et d’avoir une relation à la diffusion sonore singulière, originale. Je ne veux pas être dans la prétention non plus de dire innovante mais en tous les cas, proposer de donner en partage au public une manière différente d’écouter la musique que l’on promeut que ce soit tout simplement juste un concert piano solo. Qu’est-ce-que l’on peut faire à l’intérieur du piano. Quel est le temps de dilution ? Par exemple, un concert dans une grande église ou une cathédrale, le son met quelquefois douze secondes avant de s’évaporer. Il y a cela aussi à réfléchir. On n’est pas seul dans ce grand volume. Il y a plein d’étapes particulières. L’association 2dlyres, par ses productions, c’est un enjeu artistique. On aime bien toutes ces variations de styles, se poser la question sur l’architecture, le développement des musiques dans cette architecture dans une salle donnée, quelle qu’elle soit etc. On essaie d’avoir d’autres enjeux.
DDV – Je continue sur la même lancée. Avec ces ajouts : dessins, dialogue avec le public, statues, reste-t-il assez d’espace à l’auditeur pour faire jaillir en lui ses images propres à l’audition, au rêve, à sa perception de la musique ou voulez-vous absolument le mener sur un fil que vous avez tendu ?
« L’auditeur, c’est l’interprète de l’écoute. »
Patrick Defossez - Disons, le mener, oui, mais on ne sait jamais comment le fil va être tissé et conduit. Donc on peut imaginer que des gens s’arrêtent à un moment donné de cette traction fil ou restent tout simplement là où ils sont, ou s’engagent dans ce fil. L’auditeur, c’est l’interprète de l’écoute. Je dis souvent au début des concerts : « Messieurs, Mesdames, vous allez entendre des musiciens interpréter mais je ne suis pas certain de la qualité de votre écoute. » Provocation. « Oui, en fait, vous ne connaissez pas le programme etc. Vous êtes gentils mais essayez de ne pas avoir d’à priori. Justement pour prendre le fil de ce qui vous vient au moment où il vous vient. Vous n’êtes pas dans l’attente de quelque chose. La chose que vous allez entendre n’existe pas ou pas encore. Nous ne sommes pas, entre guillemets, dans une reproduction d’une ixième sonate de Beethoven ou etc. Là vous êtes à l’orée de quelque chose que vous ne connaissez pas. Donc, laissez-vous porter. Fermez les yeux tranquillement. Mettez-vous coude à coude, tête sur épaule, bref détendez-vous et laissez-vous porter, ce sera déjà le plus beau postulat de l’écoute à entrevoir. » C’est toujours un petit peu par provocation.
DDV – Dans l’album de 2011 ‘Pourquoi tant de … ‘ vous vous adressez à qui ? Tu lascives, tu t’irises, tu émanes… une femme, la musique ?
Patrick Defossez – C’est une grande question. Tous ces titres, ce sont pur jus Anne. La musique, je dirais, est plutôt de mon ressort et la poésie etc. c’est plutôt Anne. C’est vrai qu’à l’issue de la composition, qu’est-ce-que cela procure comme effet ou tout simplement sentiment, sensation… Tiens, ça irise, ça scintille etc. Les titres viennent après.
DDV – C’est donc la sensation.
Patrick Defossez – Comme un recueil pour piano seul que j’avais composé qui s’appelle ‘Matin Calme’. En fait j’ai eu une intuition de l’ensemble de morceaux qui ont trouvé leur cohérence dans une appellation parce que c’est de la contemplation, c’est très zen.
DDV – ça fait très coréen
Patrick Defossez – Oui, en effet. La Corée est appelée ‘Le pays du Matin calme’.
DDV –Les projets ?
Contrepoings, nouvel album d'une résonance musicale inédite
Patrick Defossez - Du 4 au 8 juillet prochain, nous allons enregistrer un nouvel album qui va s’appeler Contrepoings. Non pas le contrepoint musical. Ce sont deux pianistes, moi-même et mon collègue Jérémie Favreau qui est français et résident permanent à Los Angeles. Nous avons décidé de travailler autour du ludique, de l’enfance. On est parti sur une adaptation pour deux pianos de ‘Children’s Corner’ de Debussy et aussi deux pièces d’Albert Roussel, quelques extraits de ‘Matin Calme’ et des compositions nouvelles que je vais bientôt terminer. Une nouvelle musique autour de l’enfance. L’exergue que met Debussy dans ‘Children’s Corner’ « A ma très chère Chouchou, pardonne-moi de ce qui va suivre. » C’est cela qui est assez rigolo. On a essayé de trouver un répertoire qui est peu joué, en tout cas pas de la facture dont on le prend car je réorchestre le ‘Children’s Corner’ pour deux pianos. Pour les autres morceaux, c’est au bord de l’enfance.
DDV -2dlyres. Vous délirez souvent avec votre compagne Anne
Patrick Defossez –ça dépend pourquoi. Effectivement vous avez bien capté la chose, ça c’est sûr. (rires) En toute honnêteté, c’est comme dans tout couple. Il y a des moments de franc délire et parfois délire tendu. On se muse mutuellement.
DDV –La musique, est-elle femme ?
Patrick Defossez – Je n’en ai strictement aucune idée. Elle ne souffre pas d’un genre particulier. Je ne me suis jamais posé la question. Elle est cette entité immatérielle pour laquelle personnellement je ne pourrais pas envisager l’absence d’existence. Comme dit Nieztzche la musique est essentielle. Elle est indispensable. C’est quelque chose qui est constitutif à nos êtres.
DDV – Vous voulez ajouter quelque chose à cette interview ?
Patrick Defossez –Ce que nous souhaiterions, Anne et moi, rajouter, c’est qu’on espère que la musique différente et multiple que l’on propose soit véhiculée le plus possible, pas pour en faire un business de tournées etc. Nous souhaitons partager dans l’intimité du regard et dans l’intimité de l’auditif ces musiques, certes différentes, mais qui ont un impact cognitif et de partage puissant.