- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 10 min
Le Grenier à Sel : Aires Numériques au Festival d’Avignon
A l’occasion du Festival d’Avignon, le Grenier à Sel propose 10 jours de programmation dédiée aux formes immersives et numériques dans le spectacle vivant et les arts visuels. A travers des spectacles, des performances, des rencontres et des ateliers, Aires Numériques, 5ème édition, vous invite à découvrir des artistes défricheurs d’innovation.
The Roaming©la prairie
Aires Numériques, 5ème édition, du 5 au 15 juillet 2024. Pendant le Festival d'Avignon, le Grenier à Sel, lieu culturel à l’avant-garde avec propose une programmation entièrement tournée vers les formes immersives et numériques dans le spectacle vivant.
Entre art, science et technologies, deux spectacles interactifs et rencontres professionnelles sont à l'affiche :
Une aventure théâtrale immersive en réalité virtuelle
Une pièce de théâtre «prêt-à-»jouer», à la frontière du jeu de rôle et de l’Escape Game
Les rencontres pro « Spectacle vivant / scènes numériques »
Aires Numériques, entre art et innovation - Le Grenier à Sel - Avignon
Véronique Bâton, une directrice inspirée
Historienne de l'art au parcours exceptionnel, distinguée parmi les 100 femmes de culture de l’année 2021, Véronique Baton est la directrice inspirée de ce lieu de culture innovateur, Le Grenier à Sel, à Avignon.
Nous l’avons rencontrée dans le cadre d’Aires Numériques et des représentations en concomitance avec le Festival d’Avignon.
Vous proposez du 5 au 15 juillet la 5e édition d'Aires Numériques. Pourquoi ce titre ?
Véronique Baton – Aires Numériques fait écran à la spécificité du Grenier à Sel, au sillon que creuse et explore le Grenier à Sel depuis quelques années et qui est, au fond, d’observer la relation qui se noue entre l'art, la science et les technologies numériques aujourd'hui. On a ce positionnement qui est d'interroger les artistes sur cette question de pourquoi utilisent-ils les outils numériques et à quelle fin. Qu'est-ce que dit de notre de notre société d'aujourd'hui. Donc, on est positionné sur le numérique.
Pouvez-vous me parlez des spectacles de cette 5e édition ?
Véronique Baton – Il y a 2 spectacles et une rencontre spectacles vivants scène numérique mais ce sont des rencontres professionnelles. Aires Numériques est une programmation qui se plaque au moment du festival et qui est vraiment dédiée à cette à ces nouvelles formes de création très hybrides qu'on dit immersives dans le spectacle vivant et les arts visuels. C’est une programmation qui croise les arts visuels et le spectacle vivant. On présente deux spectacles dans chacune des deux salles, c'est-à-dire on pourra les voir pratiquement en même temps, en alternance.
The Roaming, l’Errance
Un spectacle créé par Mathieu Pradat, sélection Cannes Immersive 2024, est une aventure théâtrale immersive. C’est un spectacle en réalité virtuelle. Là, on est complètement immergé dans la réalité virtuelle c'est-à-dire que le spectateur est amené à coiffer un casque, à procéder à tout un rituel pour entrer dans ce spectacle, déjà se déchausser et faire comme une sorte de Game Boarding comme dans les aéroports avec un casque virtuel. Ce sont les formes de spectacle qu'on présente ici au Grenier à sel, en petite jauge, des formes expérimentales, en tout cas pour les artistes, même si elles sont diffusées dans des grands lieux. Les spectateurs sont invités à participer à une aventure, comme le dit l’auteur, car il y a interaction entre les spectateurs qui vivent cette aventure.
La réalité virtuelle nous plonge dans une histoire qui est directement inspirée de la ‘La nuit du chasseur’ ce film mythique de Charles Laughton en 1955 avec Robert Mitchum, un grand classique du cinéma noir et blanc des années 50. Cette pièce, un format entre cinéma et théâtre, reprend cette histoire avec, évidemment, un angle de vue qui est celui de Mathieu Pradat. Dans une sorte de film d'animation en noir et blanc et en réalité virtuelle, c'est le comédien, lui aussi en réalité virtuelle, envoyé dans le casque grâce à la technologie de la motion capture, qui va guider le public dans la résolution de cette histoire. Les différents spectateurs vont pouvoir interagir entre eux et entrer avec les enfants dans l’histoire pour pouvoir, éventuellement, les protéger, diriger l'histoire, tout cela immergés dans un film d'animation virtuelle d'une grande beauté visuelle. Il est demandé aux visiteurs de participer ; il y a évidemment un aspect participatif interactif dans ce spectacle et ce sont souvent les formes que nous présentons au Grenier à Sel, des formes interactives.
L’arbre de Mia
L’arbre de Mia est aussi une forme très expérimentale et très intéressante de Jean Boillot, un dramaturge, un auteur de théâtre classique, qui s'empare des technologies d’aujourd'hui parce qu’il pense qu’elles pourraient avoir une incidence des technologies en nous permettant de créer des interfaces, de créer des dispositifs dans le théâtre qui permettent de faire revenir le public dans le théâtre, le jeune public notamment qui, lui, maîtrise parfaitement toutes ces technologies. Il a eu l'idée de créer une interface, un grand smartphone, une sorte de tablette, qui va permettre à quelques personnes du public de jouer la pièce, de l'interpréter avec un comédien ou une comédienne. Cette forme de spectacle, lui l'appelle du théâtre interactif prêt à jouer parce qu'en fait il nous demande non pas de bien interpréter, la question n’est pas d'être un bon comédien. J'ai moi-même voulu essayer et j’ai participé à cette pièce, c'est formidable. On est vraiment pris par le jeu on comprend ce que veut dire interpréter. Ce qui nous est demandé, c'est de faire avancer l'histoire tout simplement et de se mettre à l'intérieur.
Une interaction totale…
Véronique Baton - une interaction totale ! On est au centre, on n'est pas dans de la réalité virtuelle, on est là en chair et en os. L’histoire est une histoire qui concerne tout le monde. C'est l'histoire familiale une jeune fille qui vient d'avoir son bac, qui revient dans sa famille, qui participe à un dîner et qui va révéler quelque chose à cette famille. C’est un choix qu’elle va porter face aux autres fera qu’un secret de famille sera révélé au cours de la pièce. Quelques personnes autour de la table, via cette interface numérique, interprètent les différents membres de la famille. L’interface numérique, la tablette, va leur donner la possibilité de lire leur texte, ce n’est pas à eux de l’inventer ; d'interpréter le texte, d'interpréter les didascalies qui leur sont données, c'est à dire les positionnements, les attitudes et de faire des actions en orientant un peu la narration mais la narration est faite par le dramaturge, par l'auteur.
Comment sont choisis les spectateurs ?
Véronique Baton – la jauge est d’une quarantaine de spectateurs. Avant d'entrer dans salle de spectacle, l'auteur réunit tous les spectateurs et demande qui veut jouer. C’est lui qui distribue les rôles et à chacun des trois actes, les cartes sont rebattues avec possibilité de redonner le rôle à d’autre personnes. Ce qui est vraiment intéressant, c’est que les gens s’imprègnent de la chose théâtrale.
Quel est vraiment le but recherché dans ce contexte-là ?
Véronique Baton – Je pense que c'est peut-être de redonner de la chair au théâtre alors qu'on utilise une interface numérique, de redonner la parole. C’est déjà de faire revenir le public et d'intéresser le jeune public au théâtre bien sûr.
Mettre la culture à la portée de tous….
Véronique Baton – Exactement ! c'est le débat aussi d'aujourd'hui qui nous semble éloigné parce que peut-être d'une certaine manière on a on a échoué dans cette démocratisation qu'on recherche tant et tant, sur laquelle on a mis des moyens, de l'énergie. Je suis directrice d'institutions depuis des années et c'est triste depenser que l'on a loupé le coche notamment sur certains territoires, les territoires éloignés, les territoires ruraux. Jean Boillot a pensé qu’il y avait quelque chose à creuser pour rejoindre les jeunes en utilisant le bénéfice que peuvent nous apporter ces outils, en renouvelant les écritures, en intéressant les jeunes générations qui ont ces outils technologiques comme une seconde peau. Montrer aux jeunes qu’il existe d’autres chemins plus créatifs et pas du tout aliénants.
Y a-t-il un engouement du public depuis le début d’Aires Numériques ?
Véronique Baton – Oui, je le remarque d’année en année. C’est vraiment un territoire qu'on défriche depuis 4, 5 ans. Au début on a eu un spectacle de Laurent Bazin avec 30 casques. Ce n’étaient pratiquement que des jeunes qui venaient. On a continué ces spectacles avec des interactions et on s'est aperçu que ce public s'élargissait. L’an passé, grâce à la réalité virtuelle, on a fait s’asseoir les spectateurs sur un trapèze et fait ressentir ce qu’était d’être un acrobate en voltige.
Ce peut être merveilleux pour un handicapé.
Véronique Baton -C’est exactement ce que j’allais dire. Ces technologies qu’on regarde d’un mauvais œil à juste titre pour certaines choses qui sont vraiment aliénantes, peuvent avoir un bienfait absolu pour la santé des gens et notamment les personnes handicapées. Pour Roaming, il y a cette possibilité de le faire en fauteuil roulant au casque, d'entrer dans cette histoire, de monter sur un radeau à un moment donné et de se sentir vraiment sur l'eau. On est dans ce film d'animation et on est vraiment sur un radeau. Vous avez tout à fait raison de dire que ça élargit le public. Je vois des personnes de plus en plus âgées qui viennent et qui coiffent un casque avec beaucoup de naturel.
Est-ce qu'un lieu d'art contemporain comme le vôtre dans un monument historique ajoute à la particularité, à la beauté de ce que vous faites ?
Véronique Baton – Oui, certainement. Ce monument historique, il a une âme. Quand on entre, on ressent très fortement le poids de l'histoire, la charge de l'histoire. Tout le monde nous le dit. Il nous lie, il nous tend un fil qui est celui de relier l'histoire à la contemporanéité, qui est riche de sens parce que de toute façon le contemporain se nourrit d'une histoire de tout ce qui a existé, qui l'a précédé. Ça nous permet aussi d'inscrire l'histoire dans ce discours très contemporain qu'on porte.
Informations pratiques Aires Numériques 2024 au Grenier à Sel Avignon
Le Grenier à sel
2 rue du rempart Saint-Lazare, Avignon
The Roaming
Du 10 au 15 juillet
5 séances par jour : 10h – 13h30 – 15h – 17h30 – 20h
04 32 74 05 31 / legrenierasel-avignon.fr
L’arbre de Mia
Du 10 au 14 juillet
3 séances par jour : 11h – 16h – 18h30
04 32 74 05 31 / legrenierasel-avignon.fr
Rencontres professionnelles, ateliers et performances
Du 05 au 06 juillet 2024
Entrée gratuite, sur réservation
Programme et inscription:
https://spectaclevivant-scenesnumeriques.fr/