- Auteur Michel Gathier
- Temps de lecture 5 min
Issei Suda : Fushikaden au Centre de la Photographie de Mougins
Plongez au cœur de « Fushikaden », l’exposition événement d’Issei Suda au Centre de la Photographie de Mougins. Une série photographique captivante, à découvrir du 8 mars au 8 juin 2025.

Obanazawa Yamagata, 1976 – Exposition Issei Suda – Centre de la photographie Mougins.
Poursuivant son exploration des multiples tendances de la photographie contemporaine, le Centre de la Photographie de Mougins s’intéresse à l’essor de ce medium au Japon au lendemain de la seconde guerre mondiale et présente une exposition rétrospective sur les œuvres d'Issei Suda, l'une des figures majeures de la photographie japonaise d'après guerre. Né en 1940, il commence sa carrière comme photographe pour une troupe théâtrale expérimentale, c’est par leur diffusion dans les magazines que ses images le feront reconnaître pour son regard tour à tout tendre et ironique sur un pays saisi entre tradition et modernité.
Issei Suda, «Fushikaden» - Expo Centre de la Photographie Mougins
"Fushikaden" : La poésie du quotidien japonais à travers le Rolleiflex d’Issei Suda

«Fushikaden» réunit une série de photographies dans un portfolio à destination de magazines qui donnèrent par la suite naissance à un livre. Ses images sur le quotidien du Japon sont issues d’un Rolleiflex pour des clichés réalisés de 1975 à 1979. D’apparence classique mais souvent fortement contrastées, ce sont des scènes de rue souvent saisies dans leur banalité, des portraits pour la plupart en trois-quart dans un point de vue central et des visages neutres dénués de toute psychologie. La complexité de ces images d’apparence classique pour un regard occidental, tient pourtant à l’influence du théâtre nô, des visages grimés du Kabuki et au jeu des masques. A l’intersection de l’humanisme et du surréalisme, Issei Suda célèbre l’insignifiance qu’il recueille et sublime au détour de chaque anecdote par la force du détail. Dans le silence d’une scène, dans une lumière crue, rien ne se dévoile totalement si ce n’est l’incertitude d’un pays emporté au lendemain de la guerre par un tourbillon de modernité.
Le silence en noir et blanc : la retenue poétique
L’image à l’instar des personnages qu’elle convoque s’impose la modestie d’un retrait comme pour mettre en parenthèse tout discours si bien que le quotidien se distille ici par bribes, dans la retenue de la forme autant que dans celle des sujets abordés. Tout ici surgit dans un noir et blanc sans fard et, si la photographie fait office de témoignage, elle ne s’impose que par la distance du regard de celui qui capture un visage, un détail anodin à l’égal d’un simple nuage. La seule matérialité de laquelle émergent les photographies de Issei Suda, c’est le silence.

Courtesy of Akio Nagasawa Gallery
Entre deux mondes : l’égarement silencieux
Comme dans la prémonition ou l’attente d’un événement à venir ou déjà au seuil du souvenir, l’image désigne autant son sujet qu’elle signifie en creux une absence. Elles renvoie l’écho d’un monde menacé ou disparu autant qu’elle illustre l’hésitation quant à cet autre univers, celui du monde occidental et de ses outrances hollywoodiennes. En retrait de ce qu’elle anticipe ou bien dans un pas de coté vis à vis de l’idée qu’elle diffuse, elle ne se confie que par l’humilité de son esthétique et de l’entre-deux dans lequel se joue le récit d’une nation mutante. Entre le Japon traditionnel et l’émergence d’une américanisation du pays, le photographe sonde cette faille dans laquelle s’écrit, au-delà des mots, une forme d’égarement dans le seul trouble d’un réel fragmenté en de multiples clichés qui désormais ne fonctionnent plus ensemble. Issei Suda photographie inquiétude et solitude.

Courtesy of Akio Nagasawa Gallery
L’écho des apparences : entre mystère et poésie
Avec détachement, humour et poésie, le photographe scrute de la même manière l’accidentel et la normalité à moins que l’un ne soit en réalité le miroir de l’autre. Masques, visages grimés d’acteurs de Kabuki, portraits de groupes anonymes, et toujours ce mur de l’apparence qui fait écran à la visibilité des âmes. La tenue vestimentaire, tour à tour traditionnelle ou moderne, semble parler d’avantage que le corps ou le regard. Derrière cette façade anodine, on comprend alors que ces photographies recèlent un mystère que l’on est sommé d’élucider pour pouvoir s’en détacher. Et nous voici, en dépit de nos barrières culturelles, transportés dans un voyage dans le temps et l’espace, à la recherche de ces existences si modestes, si fragiles mais que le photographe nous impose comme pour s’étonner lui-même des insoupçonnables floraisons de la vie.
Informations pratiques Exposition Issei Suda du 8 mars au 8 juin 2025
Centre de la photographie de Mougins
43, rue de l’Église
06250 Mougins
+33 (0)4 22 21 52 12
Horaires d'ouverture :
Avril – Septembre : Ouvert 11h – 19h
Fermé les mardis
Octobre – Mars : Ouvert 13h – 18h
Fermé les lundis et mardis