Publié le 01/03/2025

La Relève 7 : Un tour de plus un jour de moins, Notre Part Belle – Exposition à Marseille

Un tour de plus un jour de moins, Notre Part Belle, La Relève 7  : une exposition collective d’art contemporain, une expérience immersive ! Découvrez le talent de jeunes artistes de la jeune création diplômée d’école supérieure d’art émergeant sur le territoire régional et national, au Château de Servières et à la galerie Art-Cade dans le 1er arrondissement de Marseille.

la releve 7 - exposition art contemporain art cade marseille

La Relève 7 : Un tour de plus un jour de moins, Notre Part Belle – Emmanuelle Queinn, Torné-Sistéro, Esther Maine, Brontë Scott, Gaspard Postal © Jean-Christophe Lett © Louïse Lett

Le 30 janvier s'inaugurait, à l'occasion de La Relève 7, Notre Part Belle, une exposition collective d'art contemporain gratuite à voir jusqu'au 22 mars 2025 sur deux sites du 1er arrondissement de Marseille : le Château de Servieres et Art-Cade galerie des Bains Douches de la Plaine, entamant la 7ᵉ édition du festival Parallèle. Un tour de plus un jour de moins, une exposition annuelle quasi traditionnelle autour du thème "Notre part belle", qui permet de présenter un panel non exhaustif des artistes visuels de la jeune création diplômée d'école supérieure d'art émergeant sur le territoire régional et national.

La Relève 7 : Un tour de plus, un jour de moins, une exposition gratuite à Marseille

Un tour de plus, un jour de moins réunit les membres du collectif Mastic à la galerie Art-cade autour d'une proposition curatoriale élaborée depuis l'ouvrage La horde du contrevent d'Alain Damasio. Paru en 2004, ce livre décrit les déconvenues d'un groupe d'explorateurs et exploratrices parcourant un monde inlassablement battu par des vents violents, en quête de l'amont ultime, la source de tous les vents et la limite du monde. 

L'œuvre de Damasio revêt les caractéristiques d'une œuvre ouverte, une allégorie aux sens multiples et ouverte à l'interprétation. Autorisons-nous un détour par l'œuvre source afin d'étudier la singularité de l'exposition proposée par Mastic.

Louise Belin - Joshua Leterreux © Jean-Christophe Lett © Louïse Lett

Les membres du collectif Mastic à Art-cade

Fondé à l’été 2021, le collectif Mastic situé à Marseille, rassemble artistes, artisans et jeunes professionnel.le.s de l’art pour transformer les pratiques individuelles en une énergie collective.

Alexia Abed, Louise Belin, Victor Calvi, Alexandre Espagnol, François Gouret, Adrien Lagrange, Joshua Leterreux, Esther Maine, Aurélien Mathis, Laurence Merle, Anicet Oser, Marie Perraud, Gaspard Postal
Emmanuelle Queinnec, Coline Riollet, Brontë Scott, Manon Torné-Sistéro, Clément Veiluva, Valentin Vert.

La Horde du contrevent

La Horde du contrevent fonctionne sur une tentative littéraire particulière et surprenante. Dès le début du texte, Damasio, reconnu pour son recours intense à des mots inventés, confronte le lecteur à un idiome propre aux coutumes de ses personnages, nous saisissant ponctuellement d'incompréhension et renforçant l'autonomie fictionnelle de l'univers dans lequel il nous plonge en construisant par ce procédé la conscience d'y être étranger. "Aquals", "caquer", "choon",  "slamino", "crivetz", charge au lecteur de construire sa propre compréhension de ces termes, certains décrivant les formes et la nature des vents de leur monde. Progressant dans le récit et à mesure de sa capacité à reconnaître et s'approprier ce dialecte, le lecteur dispose d'un outil cognitif, le langage, lui permettant de se plonger plus profondément dans l'univers dépeint. Un procédé qui préfigurait peut-être l'admirable travail de Denis Villeneuve dans Premier contact autour de la notion de relativisme linguistique: notre expérience du réel est forgée par les instruments cognitifs et conceptuels à notre disposition, comme le langage, qui nous permettent de la conscientiser, de l'inscrire dans le temps et la mémoire.

Une narration circulaire : l'union des singularités dans l'espace collectif

Mastic, dont la pratique du collectif semble habituellement plus s'envisager comme une collection de singularités que comme la production d'un Oeuvre commun, nous convoque ici dans un espace où le travail de chaque membre construit et articule un récit pensé autour de la disposition circulaire de l'espace de la galerie des bains douches. 

De fait, une analogie peut être dressée entre le travail mené dans l'exposition, et son œuvre source : l'accumulation de travaux articulés en relation de connecteurs logiques et construisant une totalité narrative tend à la production d'un monde propre dont la possibilité d'en faire l'expérience est conditionnée par notre appréhension des signes à disposition. La filiation entre art et langage dressée ici, pose la question du déplacement du langage à d'autres formes, amène à celle des limites de ses formes usuelles, et de ce qui permet de rassembler des intellects dans un système de signes qui permet le croisement des représentations.

La finitude et ses mutations : un monde après la fin, mais pas terminé

Gaspard Postal - François Gouret_© Jean-Christophe Lett © Louïse Lett

"Que reste-t-il, lorsqu’on est contraint·e à survivre dans un monde déjà fini" introduit le texte d'exposition écrit par Alexia Abed et Gaspard Postal, membres du collectif. Le dialogue que le propos de l'exposition entretient avec la notion de finitude et ses mutations est ici net et apparaîtra peut-être comme une intuition au dépassement des limites cosmologiques de l'époque dite contemporaine : le dérèglement climatique, s'il constitue une menace environnementale, humaine et sociale des plus certaines, ne concrétise pas les prophéties d'effondrement généralisé et d'eschatologie écologique promises par les collapsologues, l'effondrement du bloc de l'est et la sentence de la fin de l'histoire (Fukuyama) ne parvient plus à contenir le délitement de l'hégémonie néolibérale. C'est peut-être dans ces coordonnées qu'il convient de saisir le monde que tente de décrire le travail proposé par le collectif Mastic : un monde après la fin, mais pas vraiment fini, promis à une fin certaine mais d'une forme incertaine, peuplé de corps en quête de certitudes, et peut-être promis à l'errance éternelle.

La Relève 7 : Un tour de plus un jour de moins, ce l'on retiendra de l'exposition

Louise Belin

Louise Belin © Jean-Christophe Lett © Louïse Lett

On retiendra notamment quelques étapes du parcours de l'exposition. Louise Belin présente une série de peintures dont la disposition suggère un dispositif cartographique, dispersant les allusions au conspirationisme et à la théorie complotiste des chemtrails. Habituellement plus porté sur des images considérées comme banales récoltées au gré des suggestions aléatoires des algorithmes, on peine à ne pas voir dans ce travail intitulé Scrying (vraisemblablement contraction de "Sky" et "Crying"), une orientation plus caustique. Les éléments de paysage baignés dans une obscurité crépusculaire et nuageuse sont mis en relation par des composantes schématiques et diagrammatiques qui tempèrent la matérialité de la peinture en en étendant la plasticité. L'apparente fonctionnalisation de l'image n'en trouble pas moins le dessein et interroge sur sa relation avec le regard ou l'absence. La référence au conspirationnisme semble poser la question d'un monde dans lequel le savoir ne permet plus de naviguer le réel, et où le déséquilibre des rapports entre croyance et connaissance l'emporte sur celui des rapports entre doute et certitude.

Gaspard Postal

Gaspard Postal présente plus loin deux installations sans titre composées d'un ensemble d'instruments électriques de seconde main. Un mur de ventilateur paraît reproduire matériellement l'expérience des vents de Damasio, en tension avec le caractère rudimentaire des moyens employés. Une hétérotopie fantasy fiction transportée dans notre présent disfonctionnel nous rappelle encore une fois que nous n'avons peut-être pas accès au monde, mais seulement à nos outils d'expérimentation du monde. Prolongée par une enseigne de pharmacie endommagée, l'installation trouble les repères de l'hostilité et de l'infortune, ceux du salut et du refuge.

Emmanuelle Queinnec

Mais quelque part entre ces deux instants de l'exposition, on peut s'attarder sur un dyptique de deux huiles sur bois d'Emmanuelle Queinnec. Si ces pièces ne délivrent pas la même impression que lorsqu'on reporte à nouveau le regard dessus, cela ne fait que confirmer l'efficacité de l'effet qui en fait la qualité. Le caractère incongru des têtes de poissons coupées qu'elle prend pour sujet, vraisemblablement tirées d'un cadre de cuisine domestique ou de pêche sur la plage, impose par la suite une impression proprement morbide. Une sensation qui émerge depuis le pathos des têtes disgracieuses de l'animal, certains représentés bouche grande ouverte, évoquant la brutalité du coup fatal, mais également la multiplicité des corps découpés. Des écailles sous les ongles semble s'intéresser à aux rapports de tension entre consommation et reproduction, violence et soin dans la pratique des tâches reproductives comme la préparation des repas. Ici, le travail de l'image comme saisie dans son instantanéité sert un rapprochement en même temps que le dégagement d'une distance critique par le pathos.

L'imaginaire entre utopie et dystopie : le travail du collectif Mastic

Le travail du collectif Mastic illustre ici un trait profus dans la création émergente : cette capacité, "à la fois bénie et maudite" (A. Abed et G. Postal), à façonner un imaginaire qui dépasse l’opposition entre utopie et dystopie, fusionnant leurs clivages dans un espace où l’un et l’autre se confondent. Finalement, le parcours circulaire – et donc infini – de l'exposition, ponctué d'agencements, de décompositions et de recompositions de récits, de signes et de corps, tente peut-être de cartographier un monde qui nous échappe, dont la traversée ne peut plus s’appuyer sur des repères stables, et où la quête du sens se heurte autant à ses limites qu’à sa permanence. Peut-être est-ce de cette fonction dont se saisit une partie de la jeune création d'aujourd'hui, ne pouvant plus se contenter de nous proposer de nouveaux repères du monde, il s'agit alors de nous confronter à leur dissolution.

Informations pratiques sur l'exposition La Relève 7 : Un tour de plus un jour de moins, Notre Part Belle - Exposition à Marseille

À Artcade :
Ouverture du mardi au samedi, entrée libre de 15:00 à 19:00

Au Château de Servières :
Ouverture du mardi au samedi, entrée libre de 14:00 à 18:00

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