- Auteur Michel Gathier
- Temps de lecture 5 min
Jessica Backhaus «Nous irons jusqu’au soleil» Centre de la photographie de Mougins
Avec Jessica Backhaus, la notion de couleur est au cœur d’une réflexion qui, au-delà de tout intellectualisme, renvoie au sensible et à la poésie. «Nous irons jusqu’au Soleil», l’exposition haute en couleur qui nous illumine au Centre de la photographie de Mougins, jusqu’au 2 juin 2024.
Jessica Backhaus ©Marie-Céline
L'exposition «Nous irons jusqu’au soleil» de Jessica Backhaus est à voir au Centre de la photographie de Mougins jusqu'au 2 juin 2024.
Jessica Backhaus est née en Allemagne en 1970. Son travail photographique a été présenté dans de nombreux pays et dans une dizaine de galeries internationales aux Usa, Allemagne, Italie, Suisse, Belgique... Elle est considérée comme l’une des voix les plus éminentes de la photographie contemporaine.
Le Centre de la photographie de Mougins, par cette exposition, poursuit ses recherches sur la photographie en explorant toutes ses facettes.
«Nous irons jusqu’au soleil» - Jessica Backhaus - Centre de la photographie de Mougins
Toute visibilité n’est que lumière. Avant même que des formes ne s’ébauchent, la lumière impose son arc de couleurs dont la source se confond à la chaleur du soleil. Revenir à cette origine, puiser en elle sa seule matérialité ou définir comment elle façonne l’image, telle est l’approche photographique de l’artiste allemande Jessica Backhaus. En reprenant comme titre pour son exposition celui que donna Sonia Delaunay à son livre «Nous irons jusqu’au soleil», la photographe reprend cette idée fondamentale d’une suprématie de la couleur tout à la fois sujet et objet pour la peinture comme pour la photographie.
«Cut out»
En soi, la couleur demeure pourtant une fabrication. Elle ne se diffuse et ne se comprend que par un prisme culturel qui en filtre toutes les ramifications psychologiques ou mythologiques comme Michel Pastoureau n’a cessé de le démontrer. Pourtant si la couleur est codifiée, elle demeure néanmoins une fiction qui raconte une autre histoire que le réel. Dans une première partie, «Cut out», Jessica Backhaus relate cette histoire sans référence aucune à l’objet pour se concentrer sur la chaleur qui viendra moduler ses effets sur le papier photographique. Elle en explore la variété des supports pour les imprégner de vibrations issues de la seule chaleur solaire. Dans une pure abstraction, les formes se chevauchent alors ou se dissolvent dans un théâtre d’ombres ou de lumières pour une chorégraphie parfaite et un hymne à la couleur qui prend ici un relief inédit. La photographe en saisit toute l’essence comme une méditation sur l’objet même de notre regard. Que désirons-nous voir? L’objet en lui-même ou bien notre propre désir d’image comme seul objet?
Dans des travaux plus récents, Jessica Backhaus s’intéresse à ces objets que la lumière sculpte.
«The Nature of Things»
«The Nature of Things», pour cette seconde partie de l’exposition, révèle une poésie du quotidien à l’instant où le regard se transforme par l’irruption des choses saisies par le jaillissement de la lumière, les liserés d’ombre comme des ourlets d’ouate pour leurs contours ou, au contraire, des traits acérés, des lames qui lacèrent l’espace pour mettre la figuration à nu. Jessica Backhaus en parle comme des «Natures mortes» ou bien, comme on le dit en d’autres langues, des «Vies tranquilles». Ces figures là disent autre chose que ce qu’elles représentent, elles sont dans un sens littéral, des «prétextes». Non pas ici, prétextes d’allégories mais prétextes à définir tout objet comme socle résultant d’une vibration lumineuse.
La peinture n’est jamais loin de cette œuvre qui nous incite à la contemplation, c’est à dire à se défaire du seul regard pour éprouver les choses à partir du sensible et d’une autre durée. Comment alors ne pas penser à Rothko, à ce rien qui vacille mais qui bouleverse, à cette couleur qui déborde de l’univers et qui s’engouffre sur une toile? Ainsi nous parlent ces photographies dans lesquelles l’éclat d’un cactus résonne dans un ciel nocturne. Ou encore la porosité d’un savon qui éponge l’espace ou des grains de sable, des traînées de pluie pour suggérer par un trompe l’œil parfait, la matérialité du monde. Celle-ci toujours en proie à la lumière et à son écriture par la seule souplesse des lignes et des courbes dans leur rayonnement souverain.
Renseignements, horaires, tarifs Exposition «Nous irons jusqu’au soleil» - Jessica Backhaus - Centre de la photographie de Mougins
Centre de la photographie de Mougins
43, rue de l’Église
06250 Mougins
centrephotographie@villedemougins.com
+33 (0)4 22 21 52 12
Avril – Septembre : Ouvert 11h – 19h
Fermé les mardis
Octobre – Mars : Ouvert 13h – 18h
Fermé les lundis et mardis