- Auteur Viviane Le Ray
- Temps de lecture 7 min
Menton : l’Exposition Raymond Moretti « Les Années bonheur… »
La Galerie d’Art Contemporain du Palais de l’Europe, sous l’égide du Musée Cocteau-Séverin Wunderman, présentent une quarantaine d’œuvres ; peintures, sculptures, de Raymond Moretti et des photographies signées Ralph Gatti, issues de la collection Marie-France Moretti, veuve de l’artiste, datant des années 60, l’époque niçoise de Raymond Moretti « méditerranéen dans l’âme », qui rappellent l’amitié qui liait la joyeuse bande des « Copains d’abord » : Brassens, Nucéra, Kessel, Boudard, Giovanni : « Les Années bonheur… ».
L'exposition Raymond Moretti « Les Années bonheur… » est à voir jusqu'au 16 janvier 2022 à la Galerie d’Art Contemporain du Palais de l’Europe, sous l’égide du Musée Cocteau-Séverin Wunderman. Une explosion de traits fulgurants et de couleurs…
Au coeur de l’exposition la toile de 6m² « l’Age du Verseau », réalisée à quatre mains par Raymond Moretti et Jean Cocteau… La collection Marie-France Moretti est complétée par des prêts de particuliers, dont Suzanne Nucéra, du Musée Masséna (Nice), de la Bibliothèque Patrimoniale Romain Gary… L’élégante mise en espace est griffée : Anthony Alberti.
Exposition Raymond Moretti, « Les Années bonheur… »
Rencontre croisée : Marc Dimech, Commissaire, Suzanne Nucéra, épouse de l’écrivain Louis Nucéra, à l’origine de la rencontre Moretti- Cocteau…
V .L.R : Suzanne Nucéra, le jour J de la rencontre improbable Moretti-Cocteau ?
Suzanne Nucéra : Le miracle est dû à mon époux, à l’époque journaliste au Patriote, à l’origine de l’amitié et du travail avec Jean Cocteau, de cette rencontre improbable devait naître une amitié et une oeuvre inspirée par le thème l’Âge du Verseau… L’un, Jean Cocteau, était la mémoire d’un siècle quoiqu’il affirmât s’être éloigné de cette mémoire dont il redoutait les détours… Ces incessants rappels de la place tenue par l’amitié dans la vie de Jean furent déterminants. Ils donnèrent à Louis (Nucéra) l’audace de l’aborder. Moretti a vingt-cinq ans quand, pour la première fois, il pousse la porte de son atelier. L’attirance que mon époux ressentait pour sa peinture l’avait incité à lui téléphoner afin d’obtenir un rendez-vous… Raymond Moretti le reçut… Dès cet instant naquit une amitié que n’obscurcit jamais l’ombre d’une dispute…
V.L.R : Marc Dimech, quel a été le parcours de Raymond Moretti depuis sa ville natale Nice jusqu’à la capitale ?
Marc Dimech, commissaire d'exposition : À la sortie de ses études à la Villa Thiole, le jeune Raymond Moretti crée : L’Art d’Aimer d’Ovide et sa première grande oeuvre « Moïse brisant les tables de la loi » (drap de lit peint conservé à l’université de Jérusalem). La plupart des peintures de 1955 à 1962 sont présentées ici : Les clowns, le jazz, les corridas, les femmes, la ville... L’année 1959 est celle des rencontres importantes : Joseph Kessel, Pablo Picasso et Jean Cocteau. Sa dernière création pour Nice, sa ville natale : « Terra Amata », une frise retraçant les étapes de l’évolution humaine, pour le Musée éponyme.
V.L.R : Moretti a écrit une sorte de profession de foi : « Pour revenir au pourquoi des choses, je ne sais pas pourquoi je fais des trucs, je sais seulement qu’un visage humain est plutôt avec le nez au milieu de la figure ».
Marc Dimech, commissaire d'exposition : Au gré de sa notoriété montante dans la capitale, Moretti va voir venir vers lui des personnalités de tous les milieux, artistiques en particulier, qui lui commanderont leur portrait, parmi lesquelles : Olivia de Havilland, Louis Armstrong, Curd Jurgens, Martine Carol, Ella Fitzgerald, Dalida, Sophia Loren, la liste est exhaustive !
V.L.R : Marc Dimech, sous la dalle de La Défense, à Paris, sommeille une œuvre monumentale et fantasmagorique…
"Le Monstre" de Raymond Moretti
M.D. : En 1967, Moretti donne naissance dans les studios de la Victorine à Nice à « une oeuvre dévorante », baptisée « Le Monstre » par Joseph Kessel; cette œuvre monumentale, œuvre d’une vie, a nécessité 25 000 heures de travail : elle mesure 30m de long, 15m de large, 8m de haut et pèse 20 tonnes. En 1979, « Le Monstre », après les Halles déménage dans le quartier de la Défense où il est aujourd’hui en sommeil : Ironie du sort pour l’homme en noir, artiste de la démesure qui selon la légende ne dormait jamais ! Mon souhait est de parvenir à le « réveiller », grâce à cette exposition de Menton qui entend remettre dans la lumière non seulement le grand artiste, mais le visionnaire que fut Raymond Moretti, si l’on pense à des toiles comme « La Ville », ou encore « L’Homme robot » datant des années 50- 60 que nous présentons aux cimaises de la Galerie du Palais de l’Europe… Que « Le Monstre », unique et inclassable soit de nouveau accessible au public, comme il le fut pendant des années, est notre souhait le plus cher…
Au sein de l’exposition Moretti, "Les Années Bonheur"
Projection du film « Moretti ou le Monstre oublié » *
« On dit que Raymond Moretti sacrifia tout à cette œuvre d'art. Pourquoi préféra-t-il s'y consacrer plutôt qu'à la brillante carrière qui s'offrait à lui ? Pourquoi laissa-t-il son étrange progéniture l'entraîner inexorablement vers les profondeurs de La Défense et l'oubli ? » : Le documentaire, écrit et réalisé en 2019 par Thibaut Bertrand, sur une musique originale de Roméo Guillard (Herson) et Pierre-François Graval, offre 52 minutes de pur bonheur aux visiteurs, qui retrouvent Raymond Moretti, grâce à des images d’archives inédites, mais aussi ses amis, parmi lesquels André Berkoff. L’émotion nous gagne devant les images et à l’écoute les paroles tendres de l’épouse de Raymond Moretti, Marie-France Moretti, revivant pour nous devant la caméra les « Années bonheur ».
A lire, de Jean Schmitt : « Tout ce qu’on dit sur Moretti est parfaitement exact !»
« Peintre, graphiste et sculpteur, amant de la nuit « Moretti c’est « l’Homo Urbanicus », c’est le seul être qui soit totalement et exclusivement à la ville. C’est l’ermite perché en haut du gratte-ciel électronique ou l’homme des cavernes planqué au sixième sous-sol avec stéréo et distributeur de milk shake à la banane !», écrivait dans ce qui n’est ni un commentaire de l’œuvre, ni une biographie, mais plutôt une conversation fleuve que Jean Schmitt, nous conte dans son passionnant ouvrage « Tout ce qu’on dit sur Moretti est parfaitement exact » (Edition du Centurion, 1979)
*Documentaire produit et diffusé par Wendigo Films, vià Occitanie, Vosges Télévision, distribution C&CO.
Informations pratiques Exposition Moretti "Les années bonheur"
A voir jusqu’au 16 janvier 2022 - Palais de l’Europe – Galerie d’art Contemporain – Avenue Biovès – Menton –
Le 15 janvier à 15h, à la Bibliothèque l’Odysée : Conférence de Marc Dimech, Commissaire de l’exposition