Menton, au Musée du Bastion : «Jean Cocteau – Michèle Kleijnen, Escales », une belle complicité…

"Escales", la nouvelle exposition du musée du Bastion à Menton est à voir jusqu'au 16 juin 2025. Elle reflète un dialogue entre une sélection de 67 œuvres de Jean Cocteau, en écho au tour du monde réalisé par le poète en 1936 et, celles de l'artiste peintre coloriste Michèle Kleijnen qui partage son goût du voyage à travers ses propres créations.

« Les oeuvres colorées de Michèle Kleijnen créées pour l’exposition « Escales » répondent aux oeuvres graphiques issues de la collection léguée au Musée de Menton par Séverin Wunderman. C’est l’alliance de deux styles : le trait de Jean Cocteau et la couleur de Michèle Kleijnen pour voyager dans le monde à partir de ce fortin avancé sur la mer qu’est le musée Jean Cocteau-Le Bastion », écrit Guillaume Theulière, Directeur des Musées de Menton…

Jean Cocteau - Michèle Kleijnen : Escales, exposition au Musée Jean Cocteau Le Bastion

La scénographie a été imaginée par Michèle Kleijnen, en collaboration avec l’équipe de conservation du musée Jean Cocteau, autour d’une étude de stage d’Ambre Pennino (étudiante au Pavillon Bosio, Monaco).

"Mon premier voyage Tour du monde en 80 jours" - Jean Cocteau

Bien que Cocteau ait déclaré qu’il se déplaçait peu, il effectuera mouts voyages !

Le poète commence par se rendre à Londres, Venise, Marseille, Rome et Alger mais son véritable grand voyage est celui qu’il accomplit avec Marcel Khill, surnommé Passepartout, héros de Jules Verne. Ils partiront sur les traces de Philéas Fogg pour fêter le centenaire de la naissance de l’écrivain. Cocteau en publie un récit en 1936 « Mon premier voyage Tour du monde en 80 jours » : Parmi les escales : sa première halte à Rome puis celles au Caire, Port-Saïd, Suez, Tut-Ankh-Amen, Bombay, Malacca, Singapour, Hong-Kong, Honolulu, Hollywood avant de rentrer en Europe... À la fois touriste et explorateur, Cocteau visite Rhodes et les pyramides, mais aussi le parc d’attractions de Coney Island. Il réussira le pari de ce voyage dans le temps imparti.

Un périple que Cocteau a refusé de rendre officiel… et pour cause !

Jean Cocteau est attiré par les quartiers interdits et les coupe-gorges.

Le poète raconte l’aventure la plus cocasse qui s’est passé dans un bar à Penang : « Quatre Anglais attablés sous un ventilateur autour de verres de gin, dans lesquels ils pressent de minuscules tranches de citron. À peine sommes-nous assis, que nous nous apercevons d’une atmosphère bizarre. Excepté le barman impassible, une femme qui avance entre les rideaux et quelques Sikhs nus renouant leurs chignons qui entrent et qui sortent, il n’y a que nous d’assis et ces quatre Anglais de la table. Jamais je n’ai senti une électricité pareille, une telle décharge de je ne sais quoi… L’homme qui tourne le dos est regardé passionnément dans les yeux par les trois autres ; surtout par celui qui fait face, un jeune Anglais blond, à tête rase, à figure ronde. Pourquoi ses yeux se remplissent de larmes ? Sont-ils saouls ? Le gin exalte la situation… »

Cocteau poursuit : « Je me lève, suivi de Passepartout, et je quitte cette scène intime tendue à se rompre. Nos coolies nous poussent dans les charrettes et se sauvent à toutes jambes, comme s’ils nous arrachaient des griffes du diable… et je revois la tête de Chinoise qui soulève une portière, la figure impassible du barman, le ventilateur qui semblait soulever ces quatre hommes de terre, au-dessus du bien et du mal. »
(Jean Cocteau, extrait de « Mon premier voyage, tour du monde en 80 jours », Gallimard Paris, 1936)

Heureusement… Cocteau va faire des rencontres plus magiques…

Comme celle de Charlie Chaplin et Paulette Goddard sur un vieux cargo des mers de Chine : « Le miracle charmant de ce voyage. », écrit-il. Chacun a vu leur nom sur le livre de bord mais pense que c’est une blague. D’abord, ils ne bougent pas de leur cabine puis Charlie Chaplin se présente tout de même à celle de Cocteau. Mais le barrage des langues fait qu’ils communiquent difficilement, soit par mime et soit avec l’aide de Paulette qui était l’interprète. De cette rencontre, Chaplin formera un numéro qu’il présentera aux Etats-Unis. Il lui déclarera fraternellement : « Nous nous connaissons depuis toujours ! »

1949 : « Maalesh, Journal d’une tournée de théâtre »

Cocteau se rend en Egypte, au Liban, en Turquie et en Grèce pour une tournée théâtrale à la suite de laquelle il publie un récit en 1949, « Maalesh, Journal d’une tournée de théâtre » : « Nous étions presque entre personnages des « Parents terribles » puisqu’il y avait Yvonne de Bray, Gabrielle Dorziat, Jean Marais. »

À partir de 1950, Jean Cocteau séjourne régulièrement dans le Sud…

Il se rend en Italie et surtout à Venise où il travaille alors avec des verriers de Murano. La Côte d’Azur sera le lieu des retrouvailles avec Picasso qui séjourne à Nice et Cannes. Le peintre entraîne le poète dans des séjours en Espagne, pays qui influence son oeuvre et dont témoignent de nombreuses pièces dans la collection du musée Jean Cocteau-Séverin Wunderman. C’est à cette époque, que son amie et mécène Francine Weisweiller lui a ouvert les portes de sa Villa Santo Sospir. Elle met alors à sa disposition son voilier l’Orphée II pour qu’il puisse prendre la mer quand bon lui semble…

Michèle Kleijnen : artiste peintre et grande voyageuse entre en scène !

Portrait d’artiste : Michèle Kleijnen

Autodidacte, Michèle Kleijnen, encore enfant, est emportée dans le tourbillon de parents Peace and Love à bord d’un voilier « Baltic Trader ». Du Maroc aux Antilles voguant d’île en île, elle est livrée à elle-même, à l’école de la vie… Elle aurait pu écrire comme tant de grands voyageurs, mais elle va peindre ce qu’elle voit : le moteur du bateau qui intrigue l’enfant, puis ses rêves d’adolescente… Une peinture inspirée des naïfs croisés au Mexique, à Saint-Domingue, au Cap Haïtien. Loin des îles, Michèle Kleijnen célèbre toujours la nature en explosions de couleurs et de formes. Ironie du destin, nomade dans l’âme, elle fait aujourd’hui partie du Collectif « no made » !

Michèle Kleijnen, quel est l’esprit du groupe « no-made », créé en 2003 par Denis Gibelin ?

Michèle Kleijnen : L’esprit « no-made » se caractérise par sa relation unique à la nature : les œuvres lui sont confiées afin qu’Elle les re-sculpte avec le vent, la pluie, la neige, le soleil. Les artistes interviennent dans des lieux inattendus tel l’Arboretum de Roure, seul Arboretum d’altitude d’Europe lié à l’Art… Après 30 ans, la co-fondatrice, Michèle Ramin, a passé le relais à Jean Mus élu président de l’Arboretum Marcel Kroenlein…

Quelques mots sur votre démarche artistique très personnelle ?

Michèle Kleijnen : En tant qu’autodidacte, ma rencontre avec la peinture et l’expression du voyage se sont présentés à l’adolescence sur le bateau où je vivais en famille. Par la suite, dans ma vie professionnelle, j’ai accommodé mes pinceaux vers de nouveaux horizons tout en conservant continuellement un espace de créativité personnelle pour mes besoins d’évasion. En fait par l’esprit je suis toujours nomade…

Votre intervention artistique inspiré par Cocteau au Musée du Bastion ?

Michèle Kleijnen : Un beau jour, je me suis sentie à l’étroit sur mes toiles et j’ai réalisé des mobiles, le besoin de « sortir du cadre » s’est en quelque sorte imposé…. Cette installation au Musée Cocteau Bastion est pour moi un rêve qui se réalise. Ce sont seize installations sur le thème du voyage, des escales : malles, matelotage, l’Egypte, le tour du monde, Venise, l’Infini… Ces créations peintes sont constituées de différents matériaux : tissus Madras, rames, écorces et hampes de palmier, bois, cordages, sac de jute, pinceaux, bambous… Ma démarche artistique est celle des artistes peintres coloristes et du land art (travail dans et sur la nature). Inspirée de ce mouvement d’art conceptuel fondé entre 1960 et 1970…

Informations pratiques

Exposiiton « Jean Cocteau / Michèle Kleijnen, Escales » : A découvrir jusqu’au 16 juin 2025 - Musée Jean Cocteau-le Bastion, quai Napoléon, Menton . Le musée est ouvert tous les jours de 10h à 12h30 et de 14h à 18h sauf le mardi et le 1er mai.