- Auteur Michel Gathier
- Temps de lecture 5 min
«Sans titre», Henri Matisse et Djamel Tatah – Musée Matisse – Nice
L’exposition temporaire ‘Sans titre’ présentée au Musée Matisse à Nice jusqu’au 27 mai 2024, propose un dialogue inédit entre une centaines d’œuvres graphiques et sculptures d’Henri Matisse et une sélection de tableaux de Djamel Tatah, choisie dans sa production des vingt dernières années.
Henri Matisse, Jeune Fille au canapé, 1941, plume et encre de Chine sur papier vélin filigrané Arches, legs de Madame Henri Matisse, 1960, Musée Matisse Nice – ©François Fernandez
"Sans titre" de Djamel Tatah, exposition temporaire à voir jusqu'au 27 mai 2024 au Musée Matisse à Nice. Une exposition subjective mêlant les œuvres de Matisse à celles de l'artiste. Djamel Tatah, met en dialogue une centaine d'œuvres graphiques et sculptures de Matisse avec une sélection de ses propres tableaux, offrant ainsi une rétrospective de leur carrière respective.
Djamel Tatah et Henri Matisse, d'un peintre à l'autre
La peinture de Matisse n’a cessé d’influencer les artistes contemporains, en particulier aux États-Unis. Après Shirley Jaffe, David Hockney, Tom Wesselman ou Agnès Thurnauer, c’est au tour de Djamel Tatah de se mesurer à l’œuvre du Maître.
D’un peintre à un autre, les points communs se découvrent même si chacun construit son propre vocabulaire et c’est par une trentaine de tableaux que Djamel Tatah interprète son regard sur les seules gravures et sculptures d’Henri Matisse.
©François Fernandez
De celui-ci on connaît la proéminence du corps stylisé dans ses courbes et ses entrelacs en relation avec un fond décoratif souvent réduit à des droites ou des croisillons. Quant à Djamel Tatah, ce fond résulte d’une essence purement picturale par le jeu de l’huile et de l’encaustique qui lui confère un éclat nocturne à l’image d’une œuvre profondément paradoxale. L’apparence majestueuse du monochrome renforce la solitude du personnage qui émerge - figure hiératique au-delà de toute histoire. Les plis du vêtement comme les délicates veines d’un bleu nacrent à peine les vagues qui seules animent le corps d’une femme ou d’un homme. Les bras ballants, les yeux vides, la chair triste, ces personnages se répètent mécaniquement, par séries, d’une toile à l’autre, vers une nouvelle séquence pour un même état de la solitude et de l’abandon au monde.
L'ascension vers une lumière nouvelle dans l'œuvre de Djamel Tatah
Pourtant malgré ce vide intérieur et cet exil de l’humanité, la vie fuse par la seule grâce de la peinture. Djamel Tatah réduit ses effets à une grammaire minimaliste. Souvent de plain pied avec le spectateur, le corps humain anonyme devient cette ombre muette de nous-même et qui nous hante. Souvent hissé dans une verticalité boudeuse qui verrouille l’espace, il peut se replier dans une horizontalité songeuse ou dans les modulations et les orbes d’une aspiration au- delà du tableau, vers une élévation dépourvue d’anges et de ciel. Ce n’est alors que le silence qui creuse la nuit comme prélude à cette autre lumière qui surgirait pour faire changer le monde.
Pourtant tout bruisse de ces peaux mortes, de ces visages blêmes et de ces regards délavés. Toute la présence de ces êtres repliés dans une intériorité sans soleil éclate par l’étendue superbe du champ chromatique. L’abstraction domine et on y retrouve le zip lumineux de Newman quand il divisait la toile, la cisaillait de son éclair pour en extraire son ruissellement. Djamel Tatah revisite les vastes aplats colorés de la peinture américaine pour y introduire le seul signe d’une figuration. Celle-ci qui pour Matisse se réduisait à la simplification de la ligne et des gouaches découpées...
Ne pas exposer ce Matisse de la couleur pour prendre le parti du noir et blanc dans cette exposition «sans titre», c’est nous permettre, à travers le regard de Djamel Tatah, de découvrir la fabrication du dessin, le seul jeu du trait et du vide qui configure l’espace.
"Le dessin c’est la pensée" Djamel Tatah
L’artiste nous dit que le dessin c’est de la pensée. En effet, contemplons tous ces êtres errants. Leur mise à distance nous enveloppe pourtant comme une image de nous-mêmes. Images de la relégation et comme cloués sur un espace auxquels les humains seraient étrangers. Les voici tous perdus dans leurs pensées. Djamel Tatah nous suggère que c’est peut-être cela, Vivre.
Djamel Tatah est né de parents algériens à Saint-Chamond en 1959. Il réalise essentiellement des grands formats et des polyptyques représentant une figure humaine stylisée. Il est aujourd’hui présenté dans de nombreux musées et institutions internationales.
Renseignements, informations pratiques, exposition "Sans Titre" Djamel Tatah - Henri Matisse
Musée Matisse
164, avenue des Arènes de Cimiez
06000 Nice
Tél : (+33) (0)4 93 81 08 08
Horaires d'ouverture :
Musée ouvert tous les jours sauf le mardi
Du 1 er novembre au 31 mars : ouvert de 10h à 17h
Du 1er avril au 31 octobre : ouvert de 10h à 18h