- Auteur Isabelle de Montfumat
- Temps de lecture 6 min
Contemporaine de Nîmes : « Les trois visages d’Héliogabale » avec Valentin Noujaïm & Ali Cherri
Nous vous proposons d’aller à la rencontre des artistes et des œuvres de Valentin Noujaïm et Ali Cherri qui présentent, tous deux, une installation éphémère « Les Trois Visages d’Héliogabale » jusqu’au 23 juin au Musée de la Romanité à Nîmes, dans le cadre de la Contemporaine.
© Jean-Christophe Lett. © Contemporaine de Nîmes
Valentin Noujaïm artiste et cinéaste français de parents libanais et égyptiens, et Ali Cherri artiste et réalisateur libanais, présentent "Les trois visages d’Héliogabale", une exposition à voir dans le cadre de la Contemporaine de Nîmes, au Musée de la Romanité, jusqu'au 23 juin 2024.
L’actualité artistique 2024 est marquée par le lancement de la première édition de « La Contemporaine de Nîmes ». Déployée sous la forme d’un parcours dans le centre-ville, musées, lieux culturels, sites patrimoniaux, espaces publics… Ce qui fait la spécificité de cette triennale, chacun de ses lieux rassemble un binôme intergénérationnel composé d’un artiste émergent et d’un artiste établi ou historique, ainsi que par l’implication des lycées ou établissements publics nîmois qui se sont associés à ses créations.
« Les trois visages d’Héliogabale » avec Valentin Noujaïm & Ali Cherri
Une Installation-Miroir autour de l’Empereur d’Héliogabale aux signatures distinctives
Pour cette aventure, Valentin Noujaïm a choisi Ali Cherri pour offrir une installation inédite. Ce n’est pas la première fois que ces deux artistes travaillent ensemble. En effet, tous deux partagent le goût, pour l’archéologie, les greffes temporelles et la relecture contemporaine des formes du passé. En réinterprétant des codes du théâtre antique, cette installation - composée de trois vidéos et de trois masques - a été réalisée avec la participation de lycéennes et lycéens en spécialité cinéma de Nîmes, pour interroger l’héritage de cet anarchiste d’Héliogabale, méconnu par tous.
Un film, une histoire fantasmée par Valentin Noujaïm
Cet empereur me fascine pour plusieurs raisons... le chaos, l’anarchie et son rapport à la liberté sont des sujets qui m’interpellent… J’avais envie de questionner cet héritage disparu.
En effet, alors titulaire de recherche à la Villa Médicis à Rome, le jeune artiste et cinéaste, Valentin Noujaïm a fait une recherche approfondie sur cet empereur qui a régné à Rome, de 218 à 222, et qui fut selon Antonin Artaud « la première figure anarchiste de l’histoire occidentale, avec ce désir de détruire le pouvoir ». Il fut également l’objet d’une damnatio Mémorae, c’est-à-dire, les damnés de la mémoire.
C’est donc à partir de peu de ces quelques connaissances historiques, que Valentin Noujaïm a tout d’abord réalisé un travail d’écriture de scénarios. Conçus en trois volets, il nous entraîne vers une histoire fantasmée.
Les masques par Ali Cherri
En réponse, l’artiste Ali Cherri aréalisé les trois masques représentant - « la tristesse, la folie et le cynisme » - présents dans le film, installés et exposés, en miroir du dispositif des trois vidéos de Valentin Noujaïm.
Ici, les deux artistes aux signatures distinctives se sont prêtés au jeu d’une installation commune qui incarne à elle seule, le sujet des traces d’un passé dont on ne connaît que l’effacement d’archives historiques. Il s’établit alors un dialogue entre les images poétiques de Valentin Noujaïm et l’installation de ces masques, proche de l’ornement, d’Ali Cherri.
Ma pratique artistique est l’image en mouvement et la sculpture, ces deux matières me permettent de créer des objets qui préparent à une fiction, une narration, une installation.
Ali Cherri, n’est pas un inconnu. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles en France et à l’international. Tout dernièrement, il a réalisé à la Fondation Alberto Giacometti une très belle installation autour du visage.
Sa pratique artistique s’apparente à un travail d’archéologue, rejoignant les thématiques centrales de la discipline : le territoire et l’objet. C’est justement en étudiant ces données existantes, que l’artiste tente de déchiffrer le passé et de reconstituer une histoire fragmentée par le temps, notamment les conflits et les bouleversements géopolitiques.
Ici, je voulais donner un visage qui s’inscrit dans un héritage, dans des références historiques.. … Il me fallait envisager des objets, qui faisaient sens, qui parlent à un moment contemporain mais qui s’inscrivent dans une continuité de l’histoire… Pour moi, la question était celle de donner un visage… comment est-on héritier d’une histoire ?….J’ai donc proposé à Valentin de créer les masques.
Rappelons aussi que les premiers masques apparaissent sous l’Empire Romain. Le masque est un élément qui trouve son origine dans les civilisations primitives, à des fins rituelles, lorsqu’il était utilisé pour cacher la véritable personnalité du célébrant, et surtout pour représenter de façon parfaite, non humaine, le visage de l’être divin.
Ali Cherri nous dit aussi que « les masques ont changé de statut au cours des siècles… Ce n’est que tout récemment que le masque évoque l’idée de se cacher. Auparavant le masque était un artifice pour révéler un attribut de l’être humain. Ici, on est à la fois dans l’évocation du sentiment et l’histoire... je voulais interroger la parole de l’homme à travers le masque.. Qu’est-ce qui se négocie lorsque l’on porte un masque ? »
« Les trois visages d’Héliogabale », une installation poétique, politique et intemporelle
Reprenant ainsi le cadre du théâtre romain, une sorte d’apologie poétique, politique et intemporelle se loge dans cette remarquable installation. Ces deux artistes nous plongent dans une restitution de sentiments, une prise de risque à caractère historique et fantasmée, prenant pour prétexte les attributs et les abîmes de l’histoire humaine.
Valentin Noujaïm et Ali Cherri, enchanteurs de la création contemporaine
Ce face à face inédit offre au public une installation sobre qui est enrichie par ces deux regards, dont nulle personne, n’en connaît la véritable magie. C’est donc l’imaginaire fantasmé de ces deux écritures plasticiennes qui opère sur nous. Cette œuvre à part entière, aux signatures distinctives est capable, à elle seule, de nous émouvoir. Il se dégage une profonde sincérité, un regard croisé presque théâtralisé ; comme si, l’histoire du passé et celle d’Héliogabale, rejoignaient ici, les rives du musée de la Romanité.
Ces deux jeunes artistes, l’un plus confirmé que l’autre, se transforment en enchanteurs de la création contemporaine. Ali Cherri et Valentin Noujaïm, nous font définitivement rêver.
Renseignements, informations pratiques : Exposition « Les trois visages d’Héliogabale » Contemporaine de Nîmes
Musée de la Romanité
16 boulevard des Arènes
30000 Nïmes
Horaires d'ouverture : tous les jours de 7h30 à 20h