- Auteur Isabelle de Montfumat
- Temps de lecture 8 min
Aleksandra Kašuba, Imaginer le futur – Exposition au Carré d’Art à Nîmes
“Aleksandra Kašuba, Imaginer le futur” est une manifestation organisée dans le cadre de la Saison culturelle de la Lituanie en France, ancien pays du bloc soviétique, logé à la frontière de la Pologne, la Lettonie et la Biélorussie. L’exposition est à voir au Carré d’Art à Nîmes jusqu’au 23 mars 2025.

Spectrum. An Afterthought, 1975–2014, tissu synthétique, lampes au néon, filtres colorés, acier, aluminium, contreplaqué, plastique. The Lithuanian National Museum of Art. ©Antanas Lukšėnas. (c) A. Kasuba
Au Carré d’Art, musée d'art contemporain à Nîmes, c’est l’une des grandes figures de la sculpture contemporaine, Aleksandra Kašuba (1923-2019), artiste américaine d’origine lituanienne est pour la première fois présentée en France et Europe. Cette exposition est la première monographie importante de cette artiste pionnière connue pour sa pratique pluridisciplinaire au seuil de la sculpture, de l’architecture et de l’art expérimental. (du 25 octobre 2024 au 23 mars 2025).
Aleksandra Kašuba, imaginer le futur
Aleksandra Kašuba, une artiste dont le travail de recherche trouve un écho singulier tant sur le plan de la réflexion que de l’intention artistique, avec la création d’œuvres multiformes et aux signatures distinctives.

L’histoire Aleksandra Kašuba dans la grande Histoire
L’histoire de Kašuba est intimement liée à la grande Histoire. En effet, Aleksandra Kašuba a été forcée de fuir son pays d’origine, après la Seconde Guerre mondiale et d’émigrer aux États-Unis.
Elle a étudié la sculpture et le textile à l’École des Arts de Kaunas et à l’Académie des Arts de Vilnius, en Lituanie. En 1944, à la suite des occupations nazies et soviétiques, elle fuit la Lituanie avec son mari sculpteur Vytautas Kašuba, après avoir passé les deux années précédentes, dans un camp de personnes déplacées en Allemagne. En 1947, le couple décide de rejoindre les États-Unis et de s’y installer. En 1963, elle élit son domicile à New-York, là où elle développera une approche artistique des plus avant-gardistes.
Le carré d’art, musée d'art contemporain à Nîmes, un écrin contemporain pour Aleksandra Kašuba
Dans le cadre de cette exposition (du 25 octobre 2024 au 23 mars 2025), le musée Carré d’Art rend à l’artiste sa modernité, restituant l’essentiel de la vision et de la pensée artistique Aleksandra Kašuba et présente ses œuvres les plus emblématiques.

Aleksandra Kasuba dans l'un de ses premiers environnements de contemplation. 1970.
Exposition "Contemplation Environments", commissaire Paul J. Smith. 1970. Museum of Contemporary Crafts in New York. @ carré d'art, Nimes, France, 2024
Résolument tournée vers une nouvelle appropriation de l’espace et de la création contemporaine, son travail donne lieu à une recherche perpétuelle sur le textile et la matière, qui conduira l’artiste à créer des œuvres audacieuses, le plus souvent à grande échelle.
L’ensemble de son travail laisse un héritage qui nous semble familier. En posant les questions et les notions d’architecture, de l’expérimentation des volumes et de l’espace, de la matière bien sûr, Kašuba propose de créer de « véritables environnements » qui se déploient, le plus souvent à grande échelle.
Tourner vers une pensée du futur, Kašuba, envisage l’œuvre d’art comme un témoin de ce qui peut être réalisé même de manière utopique, à l’instar d’une société américaine, des années soixante-dix, en pleine mutation prompt à recevoir tous les possibles.
L’œuvre d'Aleksandra Kašuba se déploie au sein du Carré d'Art, en présentant ainsi l’artiste et sa vision
L’exposition présente les œuvres et une archive de documents prêtées pour l’occasion par le Musée national d’Art de Lituanie.
Ici, l’expression artistique se fait novatrice et multidisciplinaire.
En intégrant dans son processus créatif ses recherches, l’œuvre se déploiera sous différentes formes - collages photographiques, maquettes, sculptures monumentales, plans utopiques, films...- avec l’idée d’engendrer des œuvres d’une autre nature.
Du reste, l’artiste intègrera dans les années soixante, le Laboraty of environments aux Etats-Unis, la conduisant à concevoir des œuvres fondatrices - des reliefs et des structures en plexiglass (Gate way 1968) jusqu’ à l’utopie sociale du Globale Village (1971-1977)- combinant ainsi l’art et la technologie.

@ carré d'art, Nimes, France, 2024
Les environnements de Kašuba
Ces œuvres sont alors conçues comme de « véritables environnements » donnant lieu à expérimenter le corps, l’espace, les formes organiques, engendrant parfois des œuvres débordantes d’originalité mêlées d’un imaginaire hautement utopique réalisé, ou non.
Ce travail entre utopie et réalisation monumentale prend tout son sens dans la création de son appartement privé New-Yorkais.
La reconstitution de son appartement à New-York réalisée au sein de l’exposition montre de manière significative sa quête et une réalisation des plus marquantes, en créant des espaces aux formes organiques, d’une épure remarquable qu’elle « façonne » : les liant, les imbriquant, les mettant en perspective dans leur fonctionnalité.
Avec ce travail, Aleksandra Kašuba pousse la logique jusqu’à se construire son propre environnement, en respectant les principes de ses œuvres. Cet immense appartement privé New-Yorkais, où elle vivra même, met en lumière un espace des plus utopique, prêt à rompre avec le commun.
"Une membrane en tension peut-elle donner forme aux surfaces incurvées des bâtiments construits en dur ? Une méthode de construction non conventionnelle peut-elle être moins coûteuse que les méthodes traditionnelles ?" s’interroge l’artiste.
De cette première expérience réalisée grandeur nature, l’artiste cherche à concevoir d’autres environnements et créera des œuvres merveilleusement étonnantes.
En quête d’une réflexion plus large, Kašuba, participera au programme Art in Science du Philadelphie College of Textiles and Sciences de l’Université City Science Center en 1977, où elle fit sa première exposition personnelle en 1989, à la Esther M. Klein Gallery de Philadelphie.
Ici, l’œuvre devient à notre insu « un instrument », invitant à l’émerveillement.
L'une des œuvres principales d'Aleksandra Kašuba, Spectrum an Afterthought

@ carré d'art, Nimes, France, 2024
L’œuvre marquante au sein de l’exposition est sans nul doute Spectrum an Afterthought (1977) qui propose « une immersion sensorielle dans l’arc-en-ciel ».
Avec Spectrum, Aleksandra Kašuba nous propose à notre tour d’expérimenter ses environnements, faits de tissus, d’un monde sans angles droits érigés à quatre-vingt-dix degrés, et percevons comment la lumière se divise en couleurs. Ainsi, le visiteur est invité à traverser ces volumes successifs d’une dizaine de mètres – non habitables – et nous projette dans l’expérience du corps. Le corps se sent soudainement « presque en lévitation », proche du déséquilibre. L’expérience se prolonge avec une bande sonore nous permettant de s’extraire du reste du monde, et les huiles essentielles donne lieu à une évocation parfumée des couleurs.
"J’ai voulu voir ce qui passait à l’intérieur d’une couleur. [...] La lumière fait ressortir les couleurs, les sépare, les disperse, les mélange, les éclaircit, les assombrit, les emporte", écrit l’artiste.
L’Utopie d'Aleksandra Kašuba se poursuit
Avec ses Space Shelters, l’utopie se poursuit. L’exposition nous conduit à découvrir deux séries de collages photographiques qui nous transporte une nouvelle fois.
L’artiste « transpose » son appartement de New-York dans des univers insolites, restituant une fois de plus, sa fascination à penser le futur. Elle imagine de nouvelles formes d’habitat, des espaces publics, des architectures, des lieux accueillants et colorés, invitant à l’émerveillement. Elle imagine des logements dans les nuages, s’intéresse à ce qui est construit sans la main de l’homme ou crée des univers futuristes grâce au collage.
Ce rêve d’un autre monde donnera naissance à des projets éphémères avec ses étudiants, notamment au Festival de Woodstock, où elle créera « un habitat éphémère » durant le grand rassemblement emblématique de la culture hippie des années soixante.
Plus tardivement, découvrant les lignes des bâtiments de Frank Gehry et notamment son musée Guggenheim à Bilbao, elle décide de se lancer, elle trouve un terrain au cœur de la nature et déménage au Nouveau-Mexique.

Une série d’archives photographiques permet de pénétrer au cœur de ce dernier projet, Rock Hill, un habitat en forme de coquillage construit à l’aide d’une simple charpente en bois et de matériaux simples, avec des courbures généreuses permettant à la lumière intense de pénétrer les espaces intimes où, elle a travaillé jusqu’à la fin de sa vie.. Rock Hill de Kašuba, est aujourd’hui devenue une résidence d’artistes.
Cette exposition monographique nous fait réfléchir sur la portée universelle, quasi inconditionnelle de l’œuvre d’art marquée par les formes architecturales et expérimentales, novatrices pour l’époque, traversant le XXème Siècle. Aleksandra Kašuba, méconnue en France, nous livre son espace-temps entre fiction et poésie. Elle nous laisse comme un héritage fascinant, des œuvres d’une qualité ineffable et irrésistible, contrastant singulièrement notre époque.
Informations pratiques "Exposition Aleksandra Kašuba, Imaginer le futur"
Carré d'art - Musée d'art contemporain
Place de la Maison Carrée
30000 Nîmes
Horaires d'ouverture : Du mardi au vendredi de 10h à 18h
Samedi et dimanche de 10h à 18h30
Fermé le lundi et le 1er janvier, 1er mai, 1er novembre, 11 novembre et 25 décembre.
Téléphone : 04 66 76 35 70