- Auteur Danielle Dufour-Verna
- Temps de lecture 8 min
“1720 – La Peste à Marseille”, l’exposition de l’Hôtel d’Agar à Cavaillon
En mémoire des 300 ans de la peste de Marseille, l’Hôtel d’Agar à Cavaillon présente une exposition riche de ses documents, manuscrits, tableaux, ex-votos, sculptures, pour raconter l’histoire en profondeur de cette pandémie qui a ravagé Marseille en 1720. Une exposition qui fait écho à 2020, à cette fièvre endémique liée au Covid19. À découvrir du 20 juin au 20 septembre 2020.
1720, la Peste à Marseille, une exposition présentée cet été à l’Hôtel d’Agar. Cette grande exposition est consacrée aux 300 ans de la peste qui a ravagé la Ville de Marseille et traumatisé la Provence :
Elle a débuté le 20 juin, date mémorable du premier mort officiel de la maladie, jusqu'au 20 septembre, pour les journées du Patrimoine de cette année 2020.
Il s’agit d’une des quatre expositions de l’été. Les trois autres sont consacrées au Caravage et au ‘caravagisme provençal’ (l’atelier du Midi caravageste).
Après de nombreuses années de travail et de collecte, l’équipe de l’Hôtel d’Agar a pu réunir un ensemble unique au monde de plusieurs milliers de documents, archives, imprimés, peintures, dessins, gravures, sculptures, textiles, ex-votos etc., consacrés à la peste.
Exposition "1720 - La Peste à Marseille"
Plus d’un millier de manuscrits inédits
Ces manuscrits font rentrer dans l’intimité des gens qui ont vécu cette épidémie, qui ont été consignés, qui racontent leur quarantaine, les aventures qu’ils ont vécues durant cette maladie. Des héros de l’ombre sont révélés. Dans cette exposition, des documents d’une extrême importance sont présentés, plus d’une centaine de laisser-passer des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, essentiellement provençaux. Déjà, pour cette maladie de 1720 sont utilisés les mêmes documents que ceux que nous avons connus lors de la crise du Coronavirus, c’est-à-dire des attestations de déplacement dérogatoire.
Une histoire en profondeur
En parallèle est présentée l’histoire en profondeur de cette épidémie. Comment a-t-elle été introduite en Provence ? A cause d’une sombre histoire d’argent et de calculs. Un grand navire, Le Saint Antoine, rempli de tissus, arrive à Marseille alors que le navire est contaminé par la maladie. Les hauts responsables de Marseille savent très bien que cette cargaison est contaminée par la peste, mais ils y ont investi de l’argent et ne veulent pas le perdre. Ils laissent donc cette cargaison arriver et être vendue en Provence.
Le Covid 19
Une similitude troublante quand on sait que le coronavirus en Europe a été introduit à cause des grandes industries, notamment de la Mode et du Textile – Vuitton, Prada etc.- dans le nord de l’Italie, des régions où énormément d’usines esclavagent beaucoup de personnes qui viennent d’Asie. C’est à cause de l’argent, à cause de l’être humain avide de pouvoir et d’argent que les maladies continuent à se diffuser à travers les époques. Ce sont ces histoires, ces parallèles, ces croisements et parfois des choses assez étonnantes que l’on découvre : une puce –l’insecte – utilisée lors de l’expérience de 1914, la dernière grande expérience qui va prouver que la puce est le principal vecteur de la peste, une puce historique, à ce jour toujours contaminée par la maladie. Ou encore un document exceptionnel qui montre, ville par ville, les morts de la peste, les malades, le nombre des personnes présentes avant qu’elles soient touchées par la peste, les coûts, les dégâts, les besoins, un document qui révèle l’horreur de cette maladie et de ses conséquences.
Tableaux, ex-votos, sculptures
On y découvre le tableau d’un médecin revêtu de son habit de médecin- chose très rare- le Directeur du Lazaret de Marseille, le lieu où étaient accueillis tous les voyageurs contaminés par la peste. Cet habit, une sorte de toile très épaisse, cirée, qui permettait –on disait à l’époque- de faire glisser le mal. Autre curiosité, un tableau d’un médecin d’Avignon qui succombe à la maladie en 1722. Pour la petite Histoire, on ne sait si c’est le remède ‘miracle’ qu’il avait inventé à l’époque ou si c’est la maladie elle-même qui l’a tué. Parmi ces remèdes miracles on utilisait du venin de scorpion, des yeux de chaton, de l’opium…
Les Héros de l’ombre
Un des héros de l’ombre qui nous est révélé grâce aux documents –dont un journal quotidien de la peste et un relevé de tous les morts d’Avignon- c’est le 3e Consul de la Ville d’Avignon, le docteur Palasse, qui invente les premières statistiques médicales de l’histoire, sauvant de ce fait la Ville d’Avignon et des milliers de vies, créant des îlotages, pour chaque quartier, faisant des comptes rendus, jour par jour, permettant ainsi de maitriser la maladie dans la ville.
Le Chevalier Roze
Personnage historique de cette période funeste, le Chevalier Roze, constatant que les murs de Marseille étaient envahis de cadavres et qui, en période de canicule, faisaient régner une odeur pestilentielle dans la cité, le Chevalier Roze décide de prendre avec lui une centaine de bagnards et avec eux, de ramasser les milliers de cadavres qui jonchent les rues de Marseille pour s'en débarrasser en les jetant dans la Méditerranée ou dans de larges fosses créées dans les environs de Marseille. Sur plus d’une centaine de bagnards utilisés, seuls trois vont survivre. Le Chevalier, lui, est touché par la peste mais survit. Il est aujourd’hui le seul personnage historique présent dans le stade vélodrome de Marseille.
Les remèdes miracle
Dans une salle consacrée à l’histoire de la médecine, trône le plus ancien meuble de pharmacie connu du milieu du XVIIe siècle. Ici sont présentés les ‘remèdes miracle’ inventés pendant la peste. L’attestent des manuscrits avec des recettes sur des remèdes ou des parfums censés protéger contre la peste. Parfois, ces remèdes font encore plus de cadavres, plus de morts, que les peurs, les pillages, les vols qui apparaissent à cause de la peste.
.Pour des raisons de sécurité sanitaire, il est impératif de réserver uniquement sur le site internet et de venir chacun avec son masque, chaque visite étant limitée à 10 personnes.
L’Hôtel d’Agar à Cavaillon
« Il allie la force à la lumière » Devise de la famille Agar
L’Hôtel d’Agar est un hôtel particulier bâti sur les ruines de la ville grecque et romaine. Les premiers éléments datent du XIIe siècle. Il a été remanié au fil des siècles et a dévoilé de nombreux trésors archéologiques et artistiques : tour gothique du XVe siècle et ses gargouilles, un plafond peint réalisé en 1537 pour la venue de François Ier, un remarquable cycle médicéen de cheminées en stuc vers 1600, les vestiges d’un temple et des thermes d’Auguste du Ier siècle av J.-C. etc. Héritier des cabinets de curiosités de la Renaissance, il abrite une incroyable collection, fruit de plus de 27 ans de recherches assidues et de sauvetages de trésors voués à l’oubli ou à la destruction. Cet “anti-musée“ (le Figaro magazine) unique en son genre propose de découvrir des objets d’archéologie, d’ethnologie, d’art contemporain, avec de nombreuses interventions d’artistes.
Les œuvres visibles forment une invraisemblable accumulation de toutes les périodes avec quelques moments forts : les peintures caravagesques, les porcelaines de Sèvres contemporaines, un des plus vieux meubles de pharmacie de France, un ensemble textile allant du néolithique à aujourd’hui, la plus importante crèche provençale des XVIIIe et XIXe siècles, et tant d’autres trésors.
Les Caravage de Peiresc n’ont jamais quitté la Provence en plus de 400 ans et doivent rester accessible au public, dans l’intimité d’un cabinet de curiosités, selon le souhait de Peiresc. Les Agar étaient une famille d’érudits, archéologues et mythographes, proche de Peiresc. Ensemble, ils ont réalisé des fouilles sur des épigraphies grecques à Cavaillon. Les Agar de Cavaillon ont fait réaliser dans leurs demeures plusieurs cycles “à l’antique“ (peintures, cheminées en stuc, etc.) avec des artistes proches de Peiresc (par exemple : Abraham van Diepenbeeck). (cf histoire de l’Hôtel d’Agar)
Les amis de l'Hôtel Agar
L’association des amis de l’Hôtel d’Agar qui organise l’exposition est une association loi 1901 reconnue d’intérêt général dont l’objectif est de découvrir, préserver et promouvoir le patrimoine archéologique et historique de la demeure et de ses collections, tout en organisant des manifestations culturelles au sens large du terme, associant histoire de l’art, créations artistiques, expositions, musique, conférences, théâtre, performances, installations in situ, résidences d’artistes, poésie, philosophie, sciences…
1720 : la peste à Marseille 2020 : le covid19
Ironie du sort, 300 ans plus tard, le monde est touché par un virus mortel. En 2320, un musée du futur exposera t-il les incohérences et les quelques preuves de sagesse de notre époque ? Quand, les humains que nous sommes, comprendront-ils ? C’est à cela, aussi, que servent les expositions de ce genre, pour cela qu’il nous faut, coûte que coûte, que notre monde soit culturel… Ou il ne sera plus… A réfléchir, il est grand temps !
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