- Auteur Joseph Lustro
- Temps de lecture 9 min
The Brutalist, un film de Brady Corbet (2025)
« The Brutalist » ou le rêve américain fracassé … Véritable chef d’oeuvre réalisé par Brady Corbet, avec Adrien Brody (Le pianiste), ce film est d’une fluidité déconcertante et d’une incroyable densité se classant parmi les grands films à voir absolument.

The Brutalist: Adrien Brody – Felicity Jones © Universal Pictures
The Brutalist, un film au genre dramatique réalisé par Brady Corbet et Mona Fastvold, date de sortie en France : le 12 février 2025. Véritable chef d’œuvre monumental d'une durée de 3h34 avec entracte, le film a remporté 3 oscars lors des nominations de la cérémonie des oscars 2025 du 2 mars dernier :
Oscar du meilleur acteur / Adrien Brody
Oscar de la meilleure musique de film / Daniel Blumberg
Oscar de la meilleure photographie / Lol Crawley
Un casting de haut-niveau avec le trio Adrien Brody, Felicity Jones, Guy Pearce.
Une interprétation déconcertante autour d'une fresque monumentale réalisée par un cinéaste passionnant.
The Brutalist, notre critique presse du film

Il y a deux portes d'entrées pour visionner le film «The Brutalist», la première serait celle d'un cinéphile exigeant, averti de la fresque qu'il va découvrir, et là c'est un pur bonheur, la pellicule 35 mm en VistaVision choisie par le réalisateur Brady Corbet étale son éclat sur 3h34 mm, nous laissant coi par tant de virtuosité visuelle et technique, une mise en scène grandiose et brutale, un jeu viscéral, des actrices et acteurs brillants, où l'on suit le parcours torturé sur 30 ans de László Tóth.
L'histoire de László dans le film The Brutalist s'inspire de l'histoire vraie de milliers de migrants qui, après la guerre, ont quitté leur pays, leurs biens et parfois leur famille, déterminés à se reconstruire aux États-Unis.
Joué de façon magistrale par Adrien Brody, dans le rôle de l'architecte László Tóth, immigré juif hongrois, rescapé de la Shoah, qui va aller au bout de ses rêves, construisant sa vie, comme il construit ses bâtiments avec fiévre et passion...
L'autre vision serait celle d'un spectateur curieux, qui va se laisser porter par ce film qui est long, parfois ennuyeux et répétitif, et qui peut vous lasser et vous faire décrocher...mais dans les deux cas, on est face à un grand film de cinéma, ne nous y trompons pas.
Est-ce que The Brutalist est une histoire vraie ?
László Tóth et le mouvement brutaliste

Le nom de László Tóth existe bel et bien. Quelques hommes ont porté ce nom - écrit de manières différentes. L'un des plus célèbres est un géologue hongrois mort en 2012 et si son histoire personnelle mérite un biopic - persuadé d'être Jésus-Christ, il a été interné pour démence -, il n'a rien à voir avec le László Tóth de The Brutalist. Le personnage principal du film de Brady Corbet est purement fictif, tout comme les autres protagonistes. Néanmoins le mouvement du brutalisme, a lui bien existé...
Le brutalisme est un style architectural né dans les années 1950, lors de la reconstruction de l'Europe après la seconde guerre mondiale. Ses traits principaux? Le recours au béton apparent et des formes géométriques géantes, notamment.
Marcel Breuer, architecte hongrois, l'inspiration pour The Brutalist
Brady Corbet, le réalisateur du film, s'est alors inspiré de plusieurs figures de ce mouvement comme par exemple Erno Goldinger, qui en plus d'être juif et hongrois, a du, lui aussi fuir les nazis...Une autre légende du brutalisme a façonné le personnage László Tóth joué par Adrien Brody, il s'agit de Marcel Breuer.

Considéré comme l'un des pères fondateurs du modernisme, Marcel Breuer, architecte hongrois, quittera Berlin pour s'installer aux États-Unis et sera en autre à l'origine de la construction du Siège de l'Unesco à Paris et du fameux siège Wassily.
The Brutalist, Synopsis
Fuyant l'Europe d'après-guerre, l'architecte juif visionnaire László Tóth émigre au Étas-Unis pour y reconstruire sa vie, sa carrière et le couple qu'il formait avec sa femme Erzsebet. Livré à lui-même en terre étrangère et hostile, il pose ses valises en Pennsylvanie où le fortuné industriel et milliardaire Harrison Lee Van Buren reconnaît son talent de bâtisseur et l'engage pour construire un édifice sur sa propriété. Mais le mal rôde, et le pouvoir et la postérité auront un lourd coût.

L’énigme de l'arrivée de la domination
Comme dit précédemment, The Brutalist, film à petit budget, 10 millions de dollars, mais non pas ambitieux, prolonge cinématographiquement des œuvres récentes comme «La zone d’intérêt», dont les bruits étouffées de sa séquence d'ouverture ne sont pas sans nous rappeler ceux de ce film, avec également le travail sur la forme et la violence sous-jacente qu'ils dégagent l'un et l'autre.
Ces films audacieux impressionnent par leur audace, la complexité psychologique des personnages et leur modernisme actuel. Troisième long métrage de Brady Corbet, les deux premiers ne sont jamais sortis en France, on ressort de cette épopée visuelle déconcertante aussi essoré qu'enthousiaste.
The Brutalist, une entracte de 15mn non anodine
En effet, le film est long et pour perpétrer peut être une certaine idée du cinéma d'antan, le réalisateur nous propose une entracte de 15mn, qui n'a rien d'anodine. Elle marque en effet la transition significative dans le récit d'une représentation du rêve américain, avec « L'énigme de l'arrivée» à une découverte des défis et des désillusions que va subir le personnage principal dans une deuxième partie de son parcours.

L'Amérique, une terre promise ?
L'Amérique n'a rien d'une terre promise, et le fossé va se creuser, doucement au début du film mais inexorablement par la suite.. les immigrés ne sont pas les bienvenus et sont abandonnés à leur sort, et la phrase claque au milieu du film par le fils du milliardaire qui a accueilli László Tóth : «...nous vous tolérons...», cruelles paroles d'actualité qui résonnent en nous dans ces temps si troubles.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit, László Tóth est confronté à deux mondes, si éloignés l'un de l'autre, et même s'il tentera de s'intégrer, il restera un paria, un immigré, qui ne cessera de lutter contre cette domination silencieuse et rampante, incarné à merveille par Guy Pearce, dans le rôle du milliardaire Harrison Lee Van Buren. Rôle crasse, s'il en est, pervers narcissique, dangereux manipulateur, surpuissant et colérique, qui dans une scène blafarde d'une carrière de carrare, nous prend par surprise et nous fait descendre dans les tréfonds de l'âme.
The Brutalist, notre analyse du film

László Tóth va aller au bout de ses rêves, obsédé par le beau, le pur, le minimalisme...et son nirvana, son but ultime sera de construire un centre culturel et spirituel hors normes...clé du mystère, qui nous sera dévoiler lors de l'épilogue.
Mais le film aborde tant de sujets, qu'il serait fastidieux de tous les énumérer...et il fait partie des films que l'on doit revoir, ne serait-ce que pour vraiment approfondir tous les messages disséminés ici et là par Brady Corbet le réalisateur...de l'impuissance sexuelle à la domination, du sionisme au racisme en passant par la folie et l'amour.
A ce moment de l'histoire, on sent la bascule du personnage interprété par Adrien Brody, qui nous rappelle son talent immense vu dans «Le Pianiste», cet instant où il va sombrer dans une forme d’aliénation et d'obsession destructrice. Le dédale de ses constructions sombres ne sont-ils pas le labyrinthe de ses pensées... où il risque de se perdre ? Les masques tomberont un à un et n'est il pas au bord de son rêve fracassé.
The Brutalist, épilogue
Le mouvement brutalisme, un art brut reconnu dans l'architecture
Venise, en 1980, lors de la Biennale d'architecture, véritable écrin du beau, avec ses palais, ses canaux et sa lumière...lumière qui arrivera des paroles de la nièce de László, Zsofia (Ariane Labed) qui est chargée du discours...elle qui sera si silencieuse durant sa présence à l'écran, va nous donner des réponses. On l'écoutera religieusement, c'est le temps de l'expiation et de l'explication.

On comprendra mieux alors le périple de László Tóth, de Buchenwald à Philadelphie... des camps de la mort à la survie au milieu des profiteurs de guerre, on saisit alors tout ce qu'il a pu endurer de sévices et d'humiliations en tout genre tout au long de sa vie. Et alors que les mots expliquent les maux, on comprend bien tout ce qui a hanté László Tóth – la guerre, la déportation, sa mère, sa vie d'avant, le jugement dernier - et par dessous tout «La présence du passé»...
Et par delà sa souffrance, on fait le lien entre les belles constructions et l'inspiration qu'il a eu tout le long de sa vie, comme une catharsis. Ce qui nous traumatise nous influence. En beau ou en mal. Et les grandes tours bétonnées et inachevées du centre culturel rappellent douloureusement les murs sombres des camps de concentration ...
Elle achèvera son discours par une phrase qui résume à elle seule, la substance profonde de ce film : «C'est la destination qui compte, pas le voyage...»
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