- Auteur Joseph Lustro
- Temps de lecture 10 min
La vie est belle, de Roberto Benigni
Si il y a un film qui soulève autant de contradictions et de polémiques, de critiques dithyrambiques pour et contre, et qui puisse faire côtoyer rires, pleurs, effroi, humour et dérision…c’est bien ce film de Roberto Begnini, “La vie est belle”, réalisé en 1997. Couronné à Cannes par le Grand prix du Festival, le film cumule 63 prix et 39 nominations. Il a notamment remporté trois oscars et un César.
Projection sur grand écran d'un film culte : La vie est belle de et avec Roberto Benigni, réalisé en 1997. Analyse, critique et résumé du film qui semblerait être adapté d'une histoire vraie.
La vie est belle, les nominations du film
3 oscars, 1 césar parmi les 63 distinctions, La vie est belle !
Trois oscars dont
* Meilleur acteur pour Roberto Begnini
* Meilleur film étranger
* Meilleure musique de film
* César 1999 du Meilleur Film étranger
* Prix Goya 2000 du Meilleur Film Européen
La vie est belle, résumé du film, une histoire vraie
Synopsis
1938, Guido, jeune homme plein de gaieté, rêve d'ouvrir une librairie malgré les tracasseries de l'administration fasciste. Il tombe amoureux de Dora, institutrice étouffée par le conformisme familial et l'enlève le jour de ses fiançailles. Quelques années plus tard, Guido et Dora ont un fils, Giosué, mais les lois raciales sont entrées en vigueur et Guido est juif. Il est déporté avec son fils.
La vie est belle, analyse
Le film "La vie est belle" est l'archétype du film qui soulève plusieurs niveaux de lecture, et selon la sensibilité et la personnalité de chacun, il pourra être vu et décrypté de différentes manières.
"La vie est belle" est un un film à part. Comment peut-on faire rire ou sourire avec le mal absolu et le drame qu'ont vécu des millions de juifs pendant la Shoah. À chacun son libre arbitre, mais La vie est belle est un film bouleversant pour lequel l'on a toujours du mal à comprendre les critiques d'une certaine intelligenstia.
On ne peut nier et souligner l'impact, la résonance de ce film lors de sa sortie qui fit l'effet d'un ovni dans le cinéma traditionnel.
Impact qui divisa la critique avec les contre et les pour...
Critique du film "contre"
La Vie est belle n’est pas le film talentueux que l’accueil triomphal de Cannes laisse supposer. La première partie, « Les Aventures du sympathique Roberto en Mussolini », est plutôt gaie et plaisante, même si plastiquement on est loin de l’élégance d’un Lubitsch. C’est du Chaplin un peu chargé, revu par la bouffonnerie italienne et ça se laisse regarder sans trop faire la fine bouche…
Ce n’est pas le cas de la seconde partie, ou l’humour de Benigni ne passe plus, dans le contexte des camps de concentration...La narration devient répétitive et, visuellement, la stylisation de l’univers concentrationnaire n’est pas très inspirée. A la fin du film, quand le garçonnet échappe aux Nazis, et retrouve les bras de sa maman, on peut s'émouvoir et sangloter, mais trouver l'humanisme appuyé de Roberto Begnini un peu "mièvre".
« Traiter » la Shoah au cinéma sous forme de comédie sentimentale apparaît difficile et complexe, et on peut ne pas adhérer.
La Vie est belle, une histoire vraie ?
Benigni n’est pas un héros, il est comme tout le monde, il préfère les faibles sans défense aux brutes épaisses. En se fondant sur le plus gros dénominateur commun, sur les mécanismes compassionnels les plus simplistes, son film apparaît surtout comme le produit consensuel et bien-pensant à bon compte de nos temps de charité humanitaire. Le spectateur sortira du film la conscience allégée, persuadé d’avoir fait son devoir de mémoire, oubliant ainsi les vraies questions que ce passé pose au présent.
Car La vie est belle ment sur toute la ligne et fait ainsi le lit douillet des thèses que l’on sait. Bien sûr, c’est au corps défendant de Benigni lui-même qui, pas plus négationniste ou antisémite que le Spielberg de La Liste de Schindler, n’est animé que de bonnes intentions. Mais contrairement à ce que montre son film, un gamin ne survivait pas plus de deux heures dans un camp d’extermination (les enfants étaient gazés dès leur arrivée)… De même que la dernière scène est historiquement impossible : ce ne sont pas les Américains mais les Russes qui ont délivré les camps d’extermination, pour la simple raison géographique qu’ils étaient situés à l’est du Reich. Du début à la fin, La Vie est belle n'est pas une histoire vraie.
On connaît l’objection à toutes ces remarques : La Vie est belle n’est pas un documentaire historique, c’est une fable, un conte, etc. Pourquoi ? Parce que l’extermination est infilmée (jusqu’à preuve du contraire) et infilmable (par là, on entend impossible à représenter en fiction reconstituée). Il faut dire d’abord qu'il y a eu un rejet viscéral du film. Et se sentir minoritaire sur ce sujet-là n’est pas un motif de fierté mais d’inquiétude.
Pourquoi aimer le film La vie est belle ?
"Tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir"
Il est bien de souligner que ce fameux titre a déjà été utilisé pour un autre chef oeuvre "La vie est belle" de Franck Capra en 1946...peut être que Roberto Begnini en 1997 a voulu s'en inspirer quant au message, tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir...ce sont des témoignages de vie et d'espérance que nous donnent à voir, à ressentir Benigni dans son film.
Et Begnini, ce clown intemporel aborde l'aspect terrifiant de l'extermination des juifs, non pas sous l'angle du désespoir et de la terreur, mais sur celui de la dérision ultime, salvatrice d'un humour noir plein de vie...c'est un funambule qui survole et plane au dessus de nos esprits.
A la différence de Spielberg et son film "La liste de Schindler", plus sombre et réaliste, "La vie est belle" est lumineux et solaire et si les deux films ont le mérite de nous parler de l'horreur de la Shoah, ils le font chacun à leur manière et c'est déjà beaucoup pour les générations futures.
Solaire comme l'ont été les remerciements émus, expansifs et débordants d’enthousiasme que Roberto Benigni a manifester lors de l'attribution du grand prix du jury du Festival de Cannes 1998, en se jetant aux pieds de Martin Scorsese et embrassant tout son jury pour les remercier.
Ce n’était pourtant pas gagné d’avance après la polémique suscitée en amont de la projection, eu égard au sujet du film que certains, sans savoir, qualifiaient déjà de « comédie sur la Shoah ». C’était compté sans l’immense talent du cinéaste et sans sa délicatesse pour traiter de ce sujet ô combien sensible. D’emblée, la voix off définit cette histoire comme un conte à la fois « douloureux » et plein de « merveilleux », désamorçant ainsi toute critique sur l’absence de réalisme ou du moins était-elle censée le faire car cela n’empêcha pas un célèbre quotidien de parler à l’époque de « comédie négationniste ». Comment peut-on commettre un tel contre-sens ? Benigni n’a en effet jamais prétendu effectuer une reconstitution historique des camps de concentration et de la Shoah mais, au contraire, un conte philosophique, une fable, qui en démontre toute la tragique absurdité.
Là réside l’incroyable intelligence de ce film : à travers les yeux de l’enfance, l’innocence, ceux de Giosué, la violente absurdité de leur situation est encore exacerbée puisqu’elle est indicible et ne peut s’expliquer que comme un jeu. Benigni ne cède pour autant à aucune facilité, son scénario et ses dialogues sont ciselés pour que chaque scène « comique » soit le masque et le révélateur de la tragédie.
Bien entendu, Benigni ne rit pas, et à aucun moment, de la Shoah mais utilise le rire, la seule arme qui lui reste, pour relater l’incroyable et terrible réalité et rendre l’inacceptable acceptable aux yeux de son enfant.
Face à cette horreur impensable, inimaginable, Guido/Benigni utilise la seule arme possible : la poésie, la dérision, l’humour comme un combat fier et désespéré. Ainsi cette scène où Guido fait écouter à tout le camp et à destination de Dora les « Contes d'Hoffmann » d’Offenbach sur un phono résonne comme un cri d’amour tragiquement sublime, éperdu et déchirant, une lumière vaine et douloureusement belle dans cette nuit macabre. Scène magnifique, pudique (jamais d’ailleurs il n’utilise les ficelles du mélodrame).
Benigni, bouleversant de tendresse, d’inventivité, d’énergie fut le deuxième acteur italien à remporter l’Oscar du meilleur acteur (après Sophia Loren pour « La Ciociara » en 1960).
Origine du titre du film "La vie est belle"
A Cannes, il dédia son film "à tous ceux qui ne sont plus là, disparus pour nous faire comprendre ce que c'est que la liberté et la vie". Un hymne à la vie aussi puisque lui-même dit, pour le titre, avoir « pensé à Trotski et à tout ce qu’il a enduré : enfermé dans un bunker à Mexico, il attendait les tueurs à gages de Staline, et pourtant, en regardant sa femme dans le jardin, il écrivait que, malgré tout, la vie est belle et digne d’être vécue. Le titre est venu de là… ».
La vie est belle - Épilogue
Chacun se fera son opinion, mais l'essentiel est de prendre ce film comme une fable tragique, un conte poétique, un peu comme "Le Labyrinthe de pan" de Guillermo del Toro, ou l'enfance côtoyant l'horreur et le fascisme, nous livre une magnifique leçon de courage et d'espoir.
Une démonstration brillante et implacable par l’absurde de toute la folie humaine, qui résonne en nous aujourd'hui avec la guerre en Ukraine.
Une œuvre magistrale, pleine de sensibilité, toujours sur le fil, évitant tous les écueils. Un film dans lequel, plus que jamais, le rire, salvateur, est le masque du désespoir.
Au lieu de banaliser l’horreur comme certains le lui ont reproché, et en la montrant à travers les yeux d’un enfant, Roberto Benigni n’en démontre que mieux l’absurdité indicible de la guerre et du totalitarisme, tout en réalisant un film bouleversant de tendresse poétique et d'espoir... La vie est belle.