- Auteur Joseph Lustro
- Temps de lecture 10 min
Projection sur grand écran : Itinéraire d’un enfant gâté
Il fait partie de ces films cultes qui marquent une carrière de réalisateur et qui sont imprégnés du jeu de leurs acteurs. On les identifie d’une manière implacable au film, et Jean-Paul Belmondo est Sam Lion. Une manière pour nous de rendre hommage à Bebel, un monstre sacré du cinéma qui vient de rejoindre les étoiles du 7ème art, ce 6 septembre 2021. Au passage : “Si tu dis bien ‘bonjour’ t’as fait la moitié du chemin”
Le film "Itinéraire d'un enfant gâté" est en bonne place dans la nombreuse filmographie de Claude Lelouch et pour ce qui me concerne, je pense que c'est un des meilleurs films de Lelouch avec "Les Uns et les autres", et "Un homme et une femme".
Sorti en novembre 1988, Jean Paul Belmondo reçut le césar du meilleur acteur en 1989 et quand on voit sa performance dans le film, on le comprend.
Itinéraire d'un enfant gâté - Synopsis
Enfant trouvé, élevé dans le milieu du cirque, Sam Lion (Jean Paul Belmondo) a dû faire une reconversion forcée après un accident de trapèze. Il se marie, deux fois, et a un enfant de chacune de ses deux femmes. Il devient aussi chef d'une entreprise, appelée Victoria en l'honneur de sa fille et des chutes Victoria, concevant et fabriquant des machines de nettoyage. Mais la cinquantaine passée, il se lasse de ses responsabilités et de son fils, Jean-Philippe, dont la collaboration ne lui est pas d'un grand secours. Il décide alors de faire croire qu'il est mort en mer à l'occasion d'une croisière.
Mais son passé va le rattraper en la personne d'Albert Duvivier (Richard Anconina) un de ses anciens employés, qui le reconnaît alors que Sam se trouve en Afrique.
Plaisir ou critique de Cinéma
Je suis toujours assez surpris quand parfois je lis des critiques intellectualisées sur tel ou tel film.
Il est vrai que l'on cherche souvent à disserter sur ce que le réalisateur a voulu nous exprimer dans son film, pourquoi il a utilisé cette image, disserter sur telle ou telle scène, décrypter le jeu de l'acteur, style "actors studio", ou alors s'attaquer à la technique du film, à sa réalisation, à ce travelling " particulier", à ce contrechamp, ,ou bien encore à la photo, mais pour toute cette technologie du cinéma, attention terrain glissant, n'est pas Martin Scorsese, érudit si il en ait du cinéma, qui veut...mais il y a une chose que l'on oublie souvent et qui lui ne se trompe rarement, ou du moins donne raison aux réalisateurs et aux acteurs...on nomme cela le public.
Et pour Itinéraire d'un enfant gâté, n'en déplaise aux détracteurs de tout poil de Monsieur Claude Lelouch, le film a remporté un grand succès public avec plus 3,2 millions de spectateurs et a relancé la carrière de Jean Paul Belmondo.
Itinéraire d'un enfant gâté
Pourquoi j'aime ce film avec Jean-Paul Belmondo et Richard Anconina ?
J'aime ce film pour plusieurs raisons, et en faire une critique, comme je le dis régulièrement ici, n''est pas exactement ce que je vais faire, mais plutôt dérouler mes idées sur ce qui m'a plu personnellement, parler de l'histoire, de ses images, de ses acteurs et dérouler ainsi ce qui fait que j'ai aimé le voir et le revoir... et vous donner ainsi à vous aussi envie de le découvrir...sans oublier également le fait que c'est rendre un ultime hommage à Jean-Paul Belmondo.
Alors allons y, je crois avoir vu ce film au moins trois ou quatre fois, et là il est vrai qu'avec le décès de l'acteur préféré des français dernièrement, je l'ai revu avec une certaine émotion. D'ailleurs il est bon de souligner, que les visions successives d'un film nous amènent fréquemment, en fonction du temps, du moment où on les voit, de l'âge que l'on a, ou bien tout simplement dans l'état d'esprit où l'on se trouve à cet instant, à avoir une lecture de film différente...et c'est en partie toute la magie du cinéma.
Itinéraire d'un enfant gâté, une ode à Jean-Paul Belmondo
Et bien ici, la première chose qui m'est venu à l'esprit quand j'ai revu Itinéraire d'un enfant gâté, c'est que Lelouch a réalisé son film comme une ode à Jean-Paul Belmondo.
Et l'on ne croirait pas si bien dire, tant le film est parsemé à la fois de gros plans de Belmondo qui nous parlent aujourd'hui, lui qui est parti, et de cette musique envoûtante qui accompagne les moments forts du film. Oui Belmondo est magnifique en aventurier solitaire parti à la recherche de lui même.
On peut d'ailleurs avoir plusieurs niveaux de lecture dans ce joli film, chacun y trouvera son propre chemin. Un des premiers messages de Lelouch a travers Sam est de comprendre le sens de sa vie...quel est notre but, pourquoi Sam Lion plaque tout pour partir à la recherche de lui-même.
Qui n'a pas remis sa vie en question la cinquantaine arrivant ?
Amour, Aventures, Action, sont les thèmes cher à Claude Lelouch, sans oublier l'humour et Itinéraire d'un enfant gâté les à tous, et comble le bon spectateur que je suis.
Je rajouterai que le côté psychologique des relations humaines, les synchronicités diverses, les notions de causes à effets qu'il égraine dans ces réalisations, m'ont toujours attiré et il passé maître dans les tourments des relations hommes-femmes.
Alors oui, la présence de Belmondo dans pratiquement tous les plans du film est pour moi un plaisir que je n'ai pas boudé en revoyant ce film.
Ensuite, si on se réfère aux Grecs, une ode, est un poème lyrique destiné à être chanté...et du lyrisme dans ce film, il y en a comme quand le petit Sam se trouve abandonné par sa mère devant le manège de chevaux de bois de Montmartre, qui virevoltent au son d'un accordéon nostalgique, ou quand Sam Lion, à bord de son voilier Victoria navigue (erre?) sur un océan, son visage buriné frappé par les embruns, le regard perdu au lointain, on ne peut oublier ce plan et le visage de Jean-Paul Belmondo résonne à ce moment là dans nos cœurs.
Oui, Lelouch célébre Belmondo dans ce film, il lui fait un cadeau éternel et nous simples spectateurs on est emporté par ce souvenir.
"Le cinéma sans cour de récréation, n'est pas du cinéma"
On connaît la virtuosité de Claude Lelouch dans le maniement de la caméra, il en use et en abuse parfois, alors on aime ou on n'aime pas...mais c'est son style. A l'instar de la nouvelle vague et de son maître Godard, Lelouch fait un cinéma de divertissement et comme il le dit si bien : " le cinéma sans cour de récréation, n'est pas du cinéma"...et pour ce film, je pense que Lelouch a réussi son pari, nous divertir et nous émouvoir en même temps.
Même si la première heure est un peu longue, nécessaire à la mise en place de l'histoire et des personnages, la seconde partie du film, au moment où Sam décide de revenir pour sauver son entreprise avec l'aide d'Albert est excellente. La mécanique du duo Belmondo/Anconina se met en route et on ne décroche plus jusqu'au dénouement final.
Et puis, il y a pour moi, une scène anthologique que je pourrais revoir des dizaines de fois...qui est la scène de "développement personnel" entre Belmondo et Anconina. On va au cinéma pour cela, on prend alors une véritable plaisir face aux deux acteurs dans cet échange unique.
L'histoire dit qu'il y a eu peut être une légère improvisation.
N'en déplaise encore aux fameuses critiques ciblées sur la niaiserie supposée de Richard Anconina, c'est une scène à montrer dans les écoles de cinéma. Au passage, Richard Anconina ne devait pas être si mauvais que cela, remportant le Grand prix d'interprétation au Festival de Chicago.
Voir et entendre Belmondo énoncer la façon de dire bonjour et surtout comment ne jamais être étonné en toutes circonstances, est vraiment hilarante...on retrouve bien ici toute la gouaille de notre Belmondo face à son élève Anconina qui n'en demandait pas tant.
On peut aussi y déceler un second message, sorte de passage de filiation, entre un père et un fils, et ce qui fonctionne très bien dans le film peut l'être dans la vraie vie ou ces deux générations d'acteurs se rencontrent pour le plus grand plaisir des spectateurs.
Puis deux choses m'ont particulièrement plus, quand on aime la photographie, on ne peut rester insensible aux images de Belmondo sur son île faisant virevolter une nuée de mouettes ou quand il tend une plume (un poisson, je ne sais jamais) à un oiseau majestueux... ou quand on survole l'atoll a bord d'un petit Jodel au son de la musique de Brel, "Une île"... d'ailleurs le film lui rend en quelque sorte hommage et lui est dédié (sachant que Jacques Brel c'est lui aussi retiré à la fin de sa vie aux îles Marquises).
Ces images sont vraiment belles et Lelouch sait filmer.
Enfin la musique choisie pour ce film colle bien aux moments clés de l'histoire, avec la charmante Nicole Croisille qui chante si bien "Le Blues du Business man" et la chanson fil rouge du film "Qui me dira".
Voilà, si vous ne l'avez pas vu, courrez y, et si vous l'avez vu, j'espère vous avoir donné envie de le revoir, ne serait-ce que pour notre magnifique et as parmi les as, éternel Belmondo.
Les 5 répliques cultes de Jean-Paul Belmondo
Si tu dis bien ‘bonjour’ t’as fait la moitié du chemin.
C’est ça qui intéresse les gens, que tu leurs parles d’eux, pas de toi.
Ça fait 50 ans que j’ai pas passé 1h avec moi.
A partir de maintenant c’est vous qui allez m’écouter! (…) Vous croyez que vous êtes le seul à pouvoir descendre d’une voiture et vous mettre devant un lion??
Si vous n'aimez pas la mer, si vous n'aimez pas la montagne, si vous n'aimez pas la ville. allez vous faire foutre !».
A bout de souffle - Godard 1960.