- Auteur Joseph Lustro
- Temps de lecture 6 min
Diva … de Jean-Jacques Beineix
Revoir Diva restera toujours un plaisir infini où la nostalgie n’est plus ce qu’elle était pour toute une génération…
Nous sommes en 1981, personne ne connaît Jean-Jacques Beineix, pourtant il va réaliser son premier long métrage qui marquera toute une génération et qui sera un véritable électrochoc visuel dans le milieu du cinéma de l'époque…avec son film Diva.
Diva est un film charnière des années 80, adapté d'un roman homonyme de Daniel Odier (sous pseudonyme de Delacorta), divisant la critique à sa sortie, le film ne totalise que 300 000 entrées au bout d'un an, mais grâce à quatre récompenses lors de la cérémonie des Césars, il connaîtra alors un véritable succès populaire et atteindra plus de deux millions d'entrées.
Diva ... Synopsis
Jules, un jeune postier, est fasciné par Cynthia Hawkins, une célèbre diva qui n'a jamais consenti à faire enregistrer sa voix. Lors d'un concert parisien au théâtre des Bouffes-du-Nord, Jules enregistre clandestinement son récital, discrètement observé par deux Taïwanais. Après avoir reçu un autographe de la diva, il vole sa robe en coulisses puis s'enfuit. Sans le savoir, Jules rentre également en possession d'un autre enregistrement, celui de Nadia Kalensky, une ancienne prostituée.
Sa passion et ce hasard malencontreux vont provoquer une chasse à l'homme dont il en sera la proie.
Un film à l'esthétisme Clip
Diva est un film très visuel, c'est normal Jean-Jacques Beineix vient de la pub où il a fait ses armes dans les années 70, auteur entre autres, du célèbre spot anti-Sida "Il ne passera pas par moi", en 1987.
Le film sort en 1981 est sera un succès populaire, il connaîtra également une belle carrière internationale.
Malgré ses quatre Césars, dont le César de la meilleure première œuvre, le film suscite néanmoins le rejet d'une bonne partie de la critique, qui décriera durant toute la carrière du cinéaste un "esthétisme de pub".
Pourtant les images et la photographie sont sublimes et contribuent à donner à ce film un look incomparable.
Diva est incontestablement une date dans l’histoire du cinéma français – après la parenthèse enchantée des 70’, le temps des utopies libertaires, des provocations ludiques, des révolutions idéologiques et sexuelles, puis le temps de toutes les désillusions, Diva, à l’aube des années 80, ouvrira les portes d’un nouveau cinéma …
La vie en bleu avec Philippe Rousselot
On ne sait si à l'époque, Beinex avait pris conscience de la portée photographique de son film, car nous avons affaire ici à un cinéma du look, soucieux d'esthétisme pur, avec son opéra, ses lofts, ses rollers, ses tractions blanches, et surtout ses couleurs saturées avec ce bleu magnifique.
Cette dominante profonde de bleu, souvent foncé, ou plus nuancé que l'on retrouve lors de la promenade des amants au petit matin, dans le petit jour parisien, entre Opéra, jardins du Luxembourg et Place de la Concorde, pour une des scènes cultes du film.
Il faudra tout le talent de Philippe Rousselot, Directeur de la photographie, qui pour éviter justement une overdose de bleu, jouera constamment sur les contrastes, avec des éclairages jaune-orangé, avec des taches violentes à l’intérieur du monochrome (le rouge du ciré du postier), l’utilisation de lanternes chinoises pour tamiser l’éclairage et obtenir une lumière diffuse sur les personnages, l’utilisation du plastique de papeterie pour recouvrir toutes les fenêtres, son art des contre-jours pour sculpter les contours des visages tout en laissant leur plus grande partie dans l’obscurité, et son habileté à utiliser les éclairages domestiques, notamment les néons, en particulier lors de la poursuite dans le métro.
Diva, un film culte pour des images cultes
On ne peut oublier ces images, elles sont la marque de fabrique du film qui reste dans nos mémoires...
Richard Borhinger (Gorovitch) dans les vapeurs de sa baignoire, errant dans son immense loft bleuté, la promenade dans les jardins du Luxembourg avec ses volutes du piano qui accompagnent le postier et la diva dans le matin parisien, la symétrie parfaite et vertigineuse de la traction blanche arrivant au phare ou encore la même traction de profil, quand elle s’éloigne du phare, sur une mince bande de terre et sur fond de ciel apocalyptique, ou enfin toute la séquence, magnifique, dans l’usine désaffectée.
Diva est assurément plus qu’un film bleu.
La musique du film Diva
On sait combien la musique d'un film contribue à la réussite d'un film et les exemples sont innombrables.
La musique de Diva ne déroge pas à cette règle, et la très belle partition de Vladimir Cosma, diverse et parfaitement liée avec les temps d’opéra, magnifiera le film et lui apportera une superbe BO.
Avec entre autres l'air de la Wally, qui nous émeut et nous emporte. Cet air sera pour longtemps et éternellement célèbre depuis la projection de Diva.
Combien de spectateurs n'auront pas été subjugué par ce pur moment de cinéma et de musique quand la chanteuse d'opéra américaine Wilhelmenia Wiggins Fernandez entonne l'air de la Wally.
Diva et 37°2 le matin, deux films cultes de Jean-Jacques Beineix
On ne peut les dissocier, ces deux films cultes de Jean-Jacques Beineix ont marqué toute une époque. Ils sont l'empreinte indélébile d'un grand metteur en scène parti trop tôt et certainement pas assez reconnu dans la profession. Revoir Diva restera toujours un plaisir infini où la nostalgie n'est plus ce qu'elle était pour toute une génération...
Bonus
Réplique culte de Richard Borhinger :
" Moi … mon Satory, c’est ça … le zen dans l’art de la tartine …
Regarde, tu peux regarder, y’a plus de couteau, y’a plus de pain, y’a plus de beurre, y’a plus qu’un geste qui se répète, un mouvement, l’espace …le vide."