- Auteur Joseph Lustro
- Temps de lecture 13 min
Projection sur grand écran : Cinema Paradiso de Giuseppe Tornatore
« Cinema Paradiso », comédie dramatique italienne de Giuseppe Tornatore sortie en 1988, met en scène la rencontre de Salvatore, un jeune enfant joué par Salvatore Cascio et Alfredo, interprété par Philippe Noiret. Ce dernier est le projectionniste du Cinéma Paradiso, dans le petit village de Giancaldo, et va faire découvrir à « Toto » la magie du cinéma. Film nostalgique à l’état pur, fait de références à l’histoire du septième art, cette critique de film est l’occasion de faire remonter de nombreux souvenirs enfouis.
Il y a des films qui sont indissociables d'un acteur, mais il y a aussi des films comme « Cinema Paradiso » qui symbolise à lui seul la passion et notre amour indéfectible du cinéma... J'ai voulu aller plus loin que la simple analyse et critique de film, et dresser une passerelle intemporelle entre un lieu mythique de cinéma et ce film, je voulais parler de la plus ancienne salle de cinéma au monde située à la Ciotat, l'Eden Théâtre, où les similitudes de ces deux destins s'entrecroisent, s'assemblent et se ressemblent, dans les images et les émotions pour le « The End » final...
Cinema Paradiso film multi-récompensé
« Cinema Paradiso » est sorti en 1988, c'est une comédie dramatique italienne réalisée par Giuseppe Tornatore, et dont la musique est composée par Ennio et Andrea Morricone. Il a été couronné par de multiples récompenses, et même si les critiques de ce film ne l'ont pas épargné, tout le monde a aimé le film. "Cinema Paradiso" va recevoir entre autres le Grand Prix du Jury 1989, et le David di Donatello de la meilleure musique pour Ennio Morricone, le Prix du cinéma européen du meilleur acteur pour Philippe Noiret et l'Oscar du meilleur film étranger en 1990.
Ce film est la nostalgie à l'état pur, l'émotion est omniprésente et pour moi un film à part pour plusieurs raisons que je vais évoqué. Il raconte l'histoire dans les années 40, de la rencontre d'un jeune enfant Salvatore, joué par Salvatore Cascio et Alfredo, interprété par l’excellent Philippe Noiret, projectionniste dans le petit village de Giancaldo, et qui fait découvrir à « Toto », le surnom de Salvatore, la magie du cinéma. C'est aussi l'histoire d'une de ces premières salle de cinéma à travers les petits villages qui feront le bonheur des familles et des enfants.
Le film démarre à Rome, à la fin des années 80, Salvatore est un adulte maintenant (joué par Jacques Perrin), il est un cinéaste en vogue, et il vient d'apprendre la mort de son vieil ami Alfredo. Par cette nouvelle c'est toute son enfance qui remonte à la surface : son village natal en Sicile, quand on l'appelait Toto et qu'il partageait son temps libre entre l'église et la salle de cinéma paroissiale, où régnait Alfredo, qui au travers des films qu'il projetait, lui apprenait la vie. Il se rappelle son amour de jeunesse Eléna, et va découvrir dans une ultime scène sublime, seul dans une salle de cinéma, le cadeau magnifique que lui a légué Alfredo après son décès...
Réminiscence du passé
A travers le regard d'un enfant qui découvre la magie des images projetées dans ce cinéma, c'est notre propre enfance (mon enfance) qui renaît et qui nous rappelle tant de beaux souvenirs... Des films gardés enfouis dans un coin de notre mémoire, à la recherche du temps perdu, et qui nous soufflent un doux parfum de nostalgie cinéphile.
Et l'une des premières raisons pour lesquelles j'ai une affection particulière pour ce film, c'est que cette filiation d'Alfredo avec Salvatore me ramène un peu à ma propre histoire avec mon père, projectionniste lui aussi. Comme Salvatore, nous étions aux premières loges quand le 16mm étalait « Les Grands Espaces », western de 1958 avec Gregory Peck sur un grand drap blanc à la maison...
Vous parler de ce film, est une évidence, et je ne peux faire qu'une simple critique explicative. Ce que j'aimerais, c'est vous faire sentir ce film à travers quelques photos, quelques anecdotes.
Mais surtout vous transmettre les émotions qui surgissent dans cette relation filiale entre un vieux projectionniste devenu aveugle après l'incendie de son cinéma, et un jeune enfant... Ces moments entre Philippe Noiret et l'enfant Salvatore sont le cœur du film.
"Cinema Paradiso" le film parle de cinéma, mais pas que
« Mon intention n’était pas d’évoquer des films célèbres. Mais de montrer comment on les voyait autrefois (...) C’est la fin d’une époque. Mais le cinéma ne peut pas mourir. C’est le mode de fréquentation des salles qui a changé. Dans les petites villes, la salle de cinéma était autrefois la seule fenêtre ouverte sur le monde. » Giuseppe Tornatore
Le film est d'ailleurs truffé de références (17) et d'extraits d'autres films (41 au total), un véritable quiz à déchiffrer pour les cinéphiles, mais aussi pour tout le monde, tant les extraits de ces films, sont tous très connus.
C'est aussi et surtout un beau message sur la transmission et l'amitié.Les scènes entre Philippe Noiret et le petit enfant joué par Salvatore Cascio (Prix spécial du meilleur jeune acteur de moins de neuf ans dans un film étranger aux Young Artist Awards pour Salvatore Cascio), sont émouvantes de tendresse et d'affection.
On sent la bienveillance d'Alfredo, qui deviendra une sorte de père spirituel pour Salvatore, qui lui transmettra des valeurs, le guidera pendant son enfance, et l'aidera à devenir l'homme qu'il sera. Là aussi, on peut s'identifier au petit Salvatore, qui sur la bicyclette d'Alfredo se sent en sécurité, en faisant attention de ne pas mettre ses petits pieds dans les rayons... tout de même.
Ce film, même si il est présenté comme un drame, recèle comme souvent dans les comédies italiennes beaucoup d'humour, soit lié aux situations, soit lié à la gestuelle, ou au comportement des acteurs tous très bons, et aussi de certaines scènes très drôlatiques... Salvatore, enfant de cœur qui s'endort lors de la messe sous les reproches du curé, à la fois gérant de la salle de cinéma paroissiale (le Cinema Paradiso) et maître du comité de censure : avant chaque projection publique, il fait couper par Alfredo toutes scènes qu'il jugent « impudiques » (simple baiser ou corps dénudé).
Ou bien dans cette scène hilarante où le curé donne « la bénédiction » au cinéma à force de coup d'encensoirs !
Il raconte aussi son amour impossible avec Elena, et nous réserve de très jolis plans de baisers, qui auront par la suite, comme nous le verrons, leur importance, pour le final.
Enfin pour moi, ce film est d'une immense poésie, les images sont superbes, et on se délecte des images extérieures et du village typique de Sicile (pour la petite histoire le village de Giancaldo n'existe pas : il s'agit du village de Palazzo Adriano en Sicile), notons les jolies scènes de feu d'artifice avec au premier plan le village et Salvatore déambulant de tristesse.
Grandeur et décadence du cinéma
Cinema Paradiso et l'Eden Théâtre, deux noms pour un destin commun
Il y a peu je rédigeais un article sur la plus ancienne salle de cinéma au monde… L'Eden Théâtre situé à la Ciotat (article qui est sorti sur notre média culturel à la rubrique Patrimoine), sachant que le film préféré du Président Michel Cornille de l’association « Les Lumières de l'Eden » qui gère le cinéma, est tout simplement "Cinema Paradiso", et c’est tout sauf une coïncidence.
Devenu adulte, Salvatore deviendra un amoureux inconditionnel du cinéma Paradiso voué à l'abandon, et qui fera tout pour qu'il continue à vivre, un peu comme les inconditionnels passionnés du cinéma de la Ciotat qui auront tout fait pour sauver l'Eden Théâtre, le faire ressusciter de ses cendres et renaître pendant toutes ces années... Pour le résultat que l'on connaît aujourd'hui.
Et au delà de cette prochaine affiche placée dans le hall du Cinéma de l'Eden, ces prochaines images montrent bien les similitudes entre le film "Cinema Paradiso" et cette salle mythique.
Façades de cinéma, la même ou presque...
Projecteurs
Le projecteur qu'utilise Alfredo est un Prévost Magnus 35 mm équipé d'une lanterne à arc. Il n'y a qu'un seul projecteur dans la cabine.
En effet, en Italie les projections étaient en deux parties afin de faire un entracte, alors qu'ailleurs les cabines sont équipées de deux projecteurs identiques afin de projeter « en double postes » et d’enchaîner les bobines à la suite en effectuant des « changements » grâce aux repères de fins de bobines.
Cinéma le Paradiso, comme l'Eden Cinéma
En effet, on ne peut s’empêcher lorsque l’on rentre dans la salle de l’Eden de penser à Cinéma Paradiso, tant les histoires de ces deux entités semblent liées et ressemblantes sur certains aspects. Du film comme de la salle de l'Eden Théâtre, se dégagent un doux parfum de nostalgie, et toute la magie du cinéma nous transporte.
Ce film sent bon également les belles comédies italiennes d'antan, comme Le Pigeon de Monicelli en 1958, « Il Vetollini » de Fellini en 1953 ou « Le cri » d'Antonioni en 1957.
Cinéma Paradiso comme l’Eden ont traversé les époques, vu défiler tant de générations de cinéphiles, enchantés petits et grands, menacés de s’écrouler sous les affres du temps…et de l’oubli, mais pourtant bien vivants.
Quant on aime le cinéma, et au détour de certaines critiques ou de faiblesses du film, on aime certainement Cinéma Paradiso. Moi, j’aime Cinéma Paradiso, vous l'avez compris...
D'ailleurs au Festival de Cannes en 1989, le film est présenté en compétition. Dès les premières images, le jury, présidé par Wim Wenders, est scotché. A la fin de la projection, personne ne bouge. Et puis, comme un seul homme, tout le monde se lève.
Quand l'équipe du film veut sortir de la salle, ils se retrouvent sous un feu roulant d'applaudissements. En descendant les marches du palais, la foule leur fait une ovation ininterrompue de plus de 20 minutes. Sur toute la Croisette, jusqu’à leur hôtel, les gens les acclament. Les gens pleurent.
Cinéma Paradiso nous conte une époque dont peu se souviennent encore, évoquée avec une certaine mélancolie et tendresse.
Le cinéma était alors un loisir peu cher et rassemblait en son enceinte la foule des grands jours autour des westerns et des comédies musicales à succès. Cinéma Paradiso suit le parcours intime de Salvatore autant que l’évocation de l’histoire du cinéma et de la place de la salle dans la cité. À ce titre, ici aussi on peut dire que l'Eden, berceau du cinéma d'antan, prend toute sa place dans l'actuelle ville de La Ciotat...
L'histoire de cette salle épouse aussi celle d'une communauté qui s'y retrouve pour célébrer ce rite irremplaçable du spectacle partagé, en totale communion et qui nous manque tant aujourd'hui...et comme disait Spielberg récemment : «...nous sommes devenu une communauté, semblable de cœur et d'esprit, en ce sens que nous avons partagé pendant deux heures une puissante expérience...» et quand la crise sanitaire sera fini, il prédit que les gens reviendront au cinéma et vivront de nouveau ces émotions...
Ce que nous espérons tous pour bientôt
Dernière Séquence du film Cinema Paradiso ...
La dernière séquence du film est anthologique et résume à elle seule l’ambition de Giuseppe Tornatore. Alfredo, juste avant sa mort, a mis de côté une bobine de pellicule pour Salvatore. Celui-ci, revenu à Rome, visionne les images laissées par son ami.
Il y découvre un bout-à-bout de toutes les séquences interdites qu’Alfredo a consciencieusement collées les unes après les autres. Ces baisers, qui parcourent un pan de l’histoire du cinéma, sont à la fois l’ultime marque d’amitié d’Alfredo pour son jeune ami devenu adulte et l’image parfaite de l’immortalité du cinéma.
Paradis perdu ...
Des réminiscences qui se rappellent à tous les spectateurs que nous sommes, marqués à tout jamais par les films qui nous ont émus et touchés. Sans doute l’un des plus beaux hommages à la magie du cinéma et qui est devenu depuis sa sortie le film de chevet de tous les amoureux du 7éme art.
Mais ce n'est qu'un au-revoir, car le cinéma ne meurt jamais...
Cinéma Paradiso, c'est bien la mélancolie d'un cinéma qui vit, qui rassemble, qui passionne et qui ouvre les yeux sur le monde extérieur, et émeut aux larmes comme un Paradis Perdu au fond de l'Eden...
Photo à la Une : Prévost Magnus 35 mm Cinema Paradiso